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Energie / Social - Précarité énergétique : pour l'Observatoire national, onze millions de Français sont touchés

Après deux ans de travaux, l'Observatoire national de la précarité énergétique (ONPE) a remis le 3 octobre son premier rapport visant à mieux mesurer ce phénomène. A l'aune de nouveaux indicateurs, il évalue à 11 millions le nombre de ménages touchés. Le chèque énergie qui fait actuellement débat dans le cadre du projet de loi sur la transition énergétique y changera-t-il quelque chose ? L'Ademe et d'autres acteurs appellent de leurs voeux à une refonte intelligente du système d'aide et de prévention.

Comment mesurer la précarité énergétique ? Créé en mars 2011 (voir notre article ci-contre), l'Observatoire national de la précarité énergétique (ONPE) financé par six membres dont l'Ademe, les opérateurs historiques d’énergie et l'Union sociale pour l'habitat (USH), et dont sont membres, côté collectivités, l'Association des régions de France (ARF), la Fédération nationale des collectivités concédantes et régies (FNCCR) et l'Unccas (Union nationale des centres communaux d'action sociale), a travaillé au corps cette question, comparé les approches possibles et même regardé du côté de nos voisins (Angleterre et Pays de Galles) pour aboutir, deux ans après, à un passionnant rapport qui ne demande plus qu'à être traduit en actions.

Onze millions de précaires

"On pensait que le phénomène touchait 3,8 millions de ménages mais en affinant les approches, ce rapport nous apprend qu'il en touche cinq, soit 11,5 millions de personnes. De quoi être inquiet à l'approche des résultats de deux autres enquêtes attendues fin 2014, l'Enquête nationale logement (ENL) de l'Insee qui interroge les ménages sur la qualité de leur logement, et notamment celle des installations de chauffage, et l'enquête Phébus, qui va détailler les causes de la précarité énergétique par zone climatique et fait le lien avec la qualité thermique des logements habités", a introduit Bruno Lechevin, président de l'Ademe.
Cette enquête Phébus, réalisée auprès de 10.000 ménages, sera aussi importante pour cerner l'ampleur des restrictions voire des privations, qui compliquent la mesure du phénomène, et devrait donner matière à orienter l'action publique. Une priorité pour Bruno Maresca, responsable d'un département d'études au Credoc, qui milite pour que cette action tienne mieux compte des difficultés de paiement, des conditions de vie et de ce phénomène très impalpable de restriction, qui inquiète de plus en plus les acteurs de terrain.

Les Français ont-ils froid ?

Ne pas oublier non plus que la précarité énergétique étant liée à la consommation, elle dépend de la surface à chauffer et de la performance thermique du logement. Ce que les premiers éléments de l'enquête Phébus, dévoilés en avant-première ce 3 octobre, confirment. Ils révèlent en effet que si seulement 10% des ménages (2.400 sur les 10.000 sondés de l'enquête ont répondu sur ce volet qualité thermique) habitant un logement dont l'étiquette énergie est comprise entre la classe A à C déclarent ressentir le froid, c'est trois fois plus dès que le logement est classé de D à F, surtout en habitat collectif. D'autres études indiquent que cet impact du froid est plus marqué chez ceux qui sont chauffés au fioul domestique ou à l'électricité. "Et encore, dans le cas où ils continuent à chauffer ! Se multiplient chez les femmes âgées et isolées notamment, impactées par la suppression de la demi-part fiscale des veuves, les cas de coupure du chauffage principal, avec pour seuls appoints du chauffage à combustible liquide. Il est donc temps de s'interroger sur le coût social de la précarité énergétique, ses répercussions sur la santé. On a beaucoup parlé de canicule mais la surmortalité hivernale des personnes âgées semble encore taboue", déplore François Boulot, du Secours catholique. L'Organisation mondiale de la santé recommande pourtant de s'intéresser au lien entre vulnérabilité énergétique et morbidité. Dans l’Hérault et le Nord-Pas-de-Calais, des enquêtes ont été menées mais cela reste émergent.

Affiner les connaissances

"Même s'il faut poursuivre nos travaux pour éclairer les politiques de lutte contre la précarité, nous savons maintenant caractériser ses multiples facettes, sur des parcs de logements différents. La précarité énergétique les touche d'ailleurs tous, public ou privé, ancien ou récent, et impacte tous les âges, avec des effets croissants chez les personnes isolées et dans les territoires éloignés des zones urbaines", détaille Isolde Devalière, sociologue au Centre scientifique et technique du bâtiment (CSTB). Une voie à suivre : les méthodes de mesure britanniques, où la précarité énergétique touche 2,4 millions de ménages, plus particulièrement dans le nord du pays.

L'envolée des aides

Le rapport de l'ONPE estime à 300.000 le nombre annuel de ménages aidés pour régler leurs charges d'énergie par le biais des fonds de solidarité pour le logement (FSL) gérés par les conseils généraux. "De 1,5 million d'euros en 2006, l'enveloppe a grimpé à 2,3 millions d'euros. Le montant moyen par dossier augmente aussi", illustre Alain Vallon, chef du service des aides individuelles au logement au Conseil général du Val-de-Marne. Selon l'ONPE, ce montant atteint 250 euros par ménage, sur la base d'une analyse de données transmises par 65 départements. Une moyenne car d'un département à l'autre – chacun ayant ses propres règles - le montant varie de un à quatre. Si bien qu'à l'Unccas, on plaide pour une harmonisation des pratiques. "Il y a des départements plus pauvres, c'est ainsi. Gérer ces aides au niveau local est important, tout en impulsant, en appuyant leur action au niveau national", défend Jean Gaubert, médiateur national de l’énergie. Il corrobore les constats inquiétants formulés – hausse du nombre de logements non ou sous-chauffés récupérés dans un piteux état par les bailleurs sociaux et agences immobilières – et défend l'idée du chèque énergie prévu par l'article 60 du projet de loi de transition énergétique : "A condition qu'il soit conséquent, que les centres communaux d'action sociale et non Bercy le gèrent. Cela apportera de la visibilité au problème. Et l'aide couvrira toutes les énergies, pas que celles de réseau". Le système cohabitera-t-il au début avec les aides actuelles ou s'y substituera-t-il vite ? "Gare à l'effet table rase, c'est risqué au moment même où l'automatisation des tarifs sociaux pour le gaz et l'électricité monte enfin en puissance, grâce à des avancées dans les croisements de fichiers", alertent des responsables Solidarités chez EDF et GDF Suez.

 

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