Social - Lutte contre la précarité énergétique : Philippe Pelletier a remis ses propositions
Le 6 janvier, Philippe Pelletier, avocat et président du comité stratégique du plan Bâtiment Grenelle, a présenté son rapport sur la précarité énergétique à Valérie Létard, secrétaire d'Etat auprès de Jean-Louis Borloo, ministre de l'Ecologie, et Benoist Apparu, secrétaire d'Etat chargé du logement et de l'urbanisme. Rédigé par Alain De Quero, directeur de l'action territoriale à l'Agence nationale de l'habitat (Anah), et Bertrand Lapostolet, chargé de mission à la Fondation Abbé Pierre pour le Logement des Défavorisés, le rapport, qui devait être initialement remis le 15 décembre dernier, part d'un constat : aussi délicate soit-elle à définir, la précarité énergétique résulte de trois principaux facteurs que sont la faiblesse des revenus, la mauvaise qualité thermique des logements occupés et la difficulté de s'acquitter des factures énergie. A partir de là, il propose une définition partagée de la précarité énergétique ; ce qui constitue en soi une première.
Identifier les populations exposées et les risques liés
Malgré le manque de données dans le domaine, ce rapport tente de quantifier les choses et démontre ainsi que "contrairement aux idées reçues", les personnes en précarité énergétique vivent dans plus de trois quarts des cas dans le parc immobilier privé. Il s'agit en majorité de propriétaires disposant de faibles ressources et âgés le plus souvent de plus de 60 ans. Au total, 3,4 millions de ménages seraient concernés par cette problématique. Un tiers d'entre eux vivent en maison individuelle. De même, les ménages touchés résident avant tout en zone rurale ou dans de petites agglomérations. Une population de 425.000 ménages a été identifiée : ils représentent les habitants les plus exposés aux risques relatifs à cette précarité, à savoir des risques d'intoxications, d'humidité, d'augmentation du stress, des pathologies respiratoires, etc. Moins bien ciblé par les dispositifs incitatifs actuels pour les aides aux travaux (éco-prêt à taux zéro) ou en cours de réflexion, notamment les aides aux copropriétaires débattues dans le cadre d'un autre groupe de travail du plan Bâtiment Grenelle sur les copropriétés, ce groupe social nécessite des "propositions fortes visant à requalifier leurs logements, et ce en lien avec les dispositifs existants ou à concevoir".
Plus d'équité et de prévention
Après avoir pointé les faiblesses des dispositifs d'aide existants (aides aux ménages et aux travaux), le rapport passe à la loupe plusieurs cas types de projets de travaux d'amélioration de logements occupés par des personnes en précarité. Il ressort de ces analyses la nécessité d'aller vers plus d'équité des dispositifs d'aide à l'égard des ménages très modestes, de massifier le traitement des logements liés aux situations de précarité énergétique et d'orienter la réflexion vers des dispositifs ciblés en priorité vers les ménages les plus prioritaires. "Pour autant, l'efficacité des approches locales doit être préservée et renforcée : les dispositifs nationaux doivent être conçus à l'aune de ces approches pragmatiques et s'insérer dans les processus opératoires locaux", précise le rapport.
Les neufs mesures à la loupe
Le rapport propose d'engager un "plan national de lutte contre la précarité énergétique" comportant neuf mesures que le gouvernement passera en revue dans les prochaines semaines. Il suggère ainsi d'inscrire dans la loi la lutte contre la précarité énergétique pour "porter l'action publique à la hauteur des enjeux". Et, pour définir un cadre d'action sur les logements "passoires thermiques", d'inscrire également la performance thermique dans les décrets Décence et Habitat pour qu'il devienne "impossible en France de mettre en location et sur le marché de nouvelles passoires thermiques", et ce en lien avec les plans nationaux et régionaux santé environnement. Il faut aussi créer un observatoire national pour donner un appui au pilotage national et gérer notamment le fonds national dédié aux chèques travaux économes et le suivi des actions locales de lutte contre la précarité énergétique. Conduit par l'Ademe, celui-ci sera installé dès les prochaines semaines par Valérie Létard.
Il préconise également de maintenir et renforcer un "bouclier énergétique" en proposant un chèque énergie qui élargirait les actions d'appui à "toutes les énergies et impliquant tous les fournisseurs, car il n'est pas juste que soient écartés les ménages utilisant d'autres énergies que l'électricité ou le gaz naturel telles que le bois, le charbon ou les réseaux de chaleur". Au cœur également des propositions : la nécessité de déployer localement un dispositif d'appui adapté en vue de traiter dans un premier temps 30 000 logements par an. Ce dispositif comprendrait des visites à domicile et renforcerait les fonds locaux de lutte contre la précarité énergétique. Selon le rapport, ceux-ci doivent être généralisés et soutenus par un système national de "chèque vert travaux économes" et par "un meilleur accès au crédit pour les plus modestes". Le dispositif s'intégrerait aux plans départementaux d'action pour le logement des personnes défavorisées (PDALPD), lesquels doivent par ailleurs s'enrichir d'un volet consacré à la précarité énergétique dans le cadre d'une contractualisation entre Etat et collectivités.
Enfin, ce rapport recommande de relever les plafonds des ressources pour les aides des propriétaires afin que les plafonds dits "prioritaires atteignent au moins le niveau du seuil de pauvreté de 908€/mois, ce qui n'est pas le cas actuellement". Il préconise aussi de rendre possible le cumul d'aides de l'Anah avec le prêt à taux zéro dans certaines conditions et d'étendre aux opérations de réhabilitation lourde l'exonération de la taxe foncière sur les propriétés bâties (TFPB). Et précise qu'un amendement sera dans ce sens transmis dans le cadre du projet de loi de finances (ou rectificatif)".
Le rapport chiffre le "plan de lutte contre la précarité énergétique" à 3,975 milliards d'euros, dont 1,7 milliard à la charge de l'Etat et et 353 millions à celle des collectivités locales. Selon Valérie Létard, les premières mesures devraient être annoncées "à l'issue du Conseil des ministres du 20 janvier".
Morgan Boëdec / Victoires-Editions