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Culture - Pour la chambre régionale des comptes, la gratuité des musées parisiens ne fait pas recette

Révélé par le quotidien Le Monde, le rapport de la chambre régionale des comptes (CRC) d'Ile-de-France émet de sérieux doutes sur la pertinence de la politique de large gratuité des quatorze musées parisiens mise en oeuvre depuis dix ans (pour les collections permanentes). La question dépasse d'ailleurs largement les limites de la capitale, car la politique de gratuité a été encouragée au niveau national dans les années 2008-2009, même si les musées nationaux s'y sont engagés de façon beaucoup plus réservée que certaines collectivités (voir nos articles ci-contre). La ville de Paris s'était d'ailleurs déjà lancée dans une politique de gratuité dès 2001, bien avant que l'Etat reprenne la mesure à son compte.

Un probable impact quantitatif, difficile à mesurer

En termes quantitatifs, la gratuité semble avoir eu un impact positif sur les musées parisiens, même s'il est difficile de distinguer son influence de celles d'autres facteurs : nombre croissant de touristes (notamment étrangers), hausse continue du niveau d'éducation, amélioration de la qualité des expositions, très forte appétence pour la culture comme antidote à la crise (d'où aussi le succès des concerts, des festivals ou des visites dans les monuments historiques)... Quels qu'en soient les causes, la ville de Paris revendique ainsi une multiplication par six du nombre de visiteurs de ses musés en six ans, passés de 400.000 à 2,4 millions. Le rapport de la CRC fait néanmoins remarquer qu'aucun des musés de la ville, même parmi les plus connus, comme le musée d'Art moderne ou le Petit Palais, ne figure dans le "Top 10" des établissements parisiens les plus fréquentés.
Mais les critiques de la CRC portent surtout sur ce qui devait constituer l'autre effet bénéfique de la gratuité : la diversification des publics. Sur ce point, le rapport relève "une stabilité du profil des visiteurs" et une faible proportion - malgré la gratuité - de jeunes et de personnes à revenus modestes. Ainsi, en 2010, 73% des visiteurs des musées parisiens avaient suivi des études supérieures, 55% étaient cadres et professions intellectuelles et seuls 16% avaient moins de 25 ans. Mieux : le rapport observe que les catacombes et la crypte de Notre-Dame - propriétés de la ville à l'accès payant - accueillent une plus grande proportion de jeunes, d'ouvriers et d'employés que les musées gratuits.
Une autre critique de la CRC porte sur la faible mise en valeur et le manque d'attractivité et de visibilité d'un patrimoine muséal pourtant d'"une très grande richesse".

La ville se défend

Pour sa défense, la ville de Paris fait valoir qu'elle a lancé - récemment - diverses mesures pour dynamiser la gestion de ses musées. La principale est la création de Paris Musées, qui coiffe désormais les quatorze musées municipaux (voir notre article ci-contre du 26 juin 2012). On peut citer également le lancement, prévu pour la fin du mois de septembre, d'un passe donnant accès à l'ensemble des musées, ou encore l'introduction progressive d'une politique muséale consistant à faire tourner davantage les oeuvres exposées issues des collections permanentes, afin de renouveler l'intérêt des visiteurs. Enfin, en matière de diversité des publics, la ville met en avant le développement de l'accueil des scolaires (+78% en dix ans) ou les visites organisées au profit de personnes défavorisées.
Il reste que ce rapport - qui doit être soumis au conseil de Paris - pourrait être l'occasion d'ouvrir un débat sur l'intérêt de la gratuité, au regard de ses inconvénients (perte de recettes qui doit être compensée par le contribuable). Certaines villes, à l'image de Caen (voir notre article ci-contre du 10 juin 2010), ont d'ailleurs déjà fait le choix de revenir sur la gratuité qu'elles avaient instaurée.
 

 

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