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Culture - Le Conseil d'Etat valide la gratuité ciblée des musées pour les 18-25 ans

Dans un arrêt du 18 janvier 2013, le Conseil d'Etat déboute pour l'essentiel l'association SOS Racisme et valide la décision, annoncée en avril 2009 par le ministre de la Culture, de mettre en place la gratuité d'accès des jeunes de 18 à 25 ans aux collections permanentes des musées et monuments nationaux, mesure reprise, par la suite, par la très grande majorité des musées de collectivités. Dans son recours, SOS-Racisme visait notamment le fait que la gratuité concernait les visiteurs âgés de 18 à 25 ans ressortissant d'un Etat membre de l'Union européenne ou d'un Etat partie à l'Espace économique européen.

Un communiqué de presse n'est pas une décision

L'arrêt du Conseil d'Etat, développé sur six pages, est complexe - d'autant que le recours concernait plusieurs documents - et se situe sur différents plans juridiques. Le recours de SOS Racisme visait ainsi, en premier lieu, deux communiqués de presse de Frédéric Mitterrand, du 1er avril et du 31 juillet 2009, annonçant la mise en place de la gratuité, que l'association estimait révélateur de décisions, au sens du droit administratif (voir notre article ci-contre du 3 août 2009). Sur ce point, la réponse du Conseil d'Etat est classique. Elle considère en effet que les deux communiqués "se bornent à exposer les orientations de la politique gouvernementale en matière de gratuité dans les musées et monuments nationaux". Ils n'ont donc pas le caractère d'une décision faisant grief et "ne révèlent pas davantage l'existence d'une décision de ce ministre susceptible d'être attaquée par la voie du recours en excès de pouvoir". Les conclusions de la requête de SOS Racisme visant ces deux communiqués sont donc irrecevables.
Mais l'association visait également plusieurs autres documents : deux notes de la directrice des Musées de France relatives à la mise en place de la mesure, deux décisions tarifaires du président du Centre des monuments nationaux (CMN) et deux délibérations prises par le conseil d'administration de l'établissement public du musée du Louvre. Sans entrer dans le détail de la démonstration juridique, on retiendra que le Conseil d'Etat juge les conclusions dirigées contre ces documents irrecevables, à l'exception de celles visant l'une des décisions du président du CMN du 11 mars 2009 et la délibération du musée du Louvre du 27 mars 2009.

Une annulation pour mémoire

Sur le fond, le Conseil d'Etat annule ces deux décisions. Mais, ici aussi, la décision est complexe, car la position du ministère de la Culture et de ses établissements a évolué dans le temps. Le Conseil censure ainsi les deux décisions de mars 2009 dans la mesure où elles limitent la gratuité aux seules personnes de 18 à 25 ans ressortissants d'un Etat membre de l'Union européenne (UE) ou d'un Etat partie à l'Espace économique européen (EEE) et excluent, de ce fait, les résidents de longue durée en situation régulière de ces mêmes Etats. Dans ces conditions, ces deux décisions méconnaissent la directive 2003/109/CE du Conseil du 25 novembre 2003, telle qu'interprétée par la jurisprudence de la Cour de justice de l'Union européenne.
Mais, depuis lors, le ciblage de la mesure de gratuité a été revu, notamment par une note du directeur général des patrimoines du 6 février 2012 et une note de la présidente du CMN du 5 novembre 2012. Celles-ci ouvrent le bénéfice de la gratuité aux personnes de 18 à 25 ans qui sont soit nationaux français, soit ressortissants d'un autre Etat membre de l'UE ou de l'EEE, soit titulaires en France d'un visa de longue durée ou d'un titre de séjour, ainsi qu'aux résidents de longue durée dans un Etat membre de l'UE ou de l'EEE. Dans ces conditions, le Consell d'Etat considère "qu'en définissant ainsi les bénéficiaires de la gratuité, les délibérations attaquées ont retenu des critères objectifs qui sont en rapport direct avec l'objet de la mesure qu'elles instituent ; que la différence de traitement qui en résulte n'est pas manifestement disproportionnée au regard de l'objectif qu'elles poursuivent ; qu'elles n'ont donc pas méconnu le principe d'égalité". En d'autres termes, SOS Racisme a perdu son recours - du moins dans ses effets pratiques -, mais a convaincu le ministère de la Culture de faire évoluer sa position sur la gratuite.

Référence : Conseil d'Etat, section du contentieux.