Culture - La ville de Caen revient sur la gratuité de ses musées
La mairie de Caen a annoncé, le 8 juin, son intention de revenir sur la gratuité généralisée des collections permanentes des deux musées de la ville. Cette dernière revient ainsi sur la décision prise en 2005 par la municipalité précédente, c'est-à-dire bien avant que l'Etat mette lui-même en place un dispositif similaire pour les musées nationaux (voir nos articles ci-contre). Si les arrière-pensées politiques ne sont sans doute pas à exclure - Caen a basculé de droite à gauche lors des élections municipales de 2008 -, la ville avance plusieurs arguments pour justifier cette décision. Elle relève tout d'abord qu'"il n'y a pas eu d'augmentation significative et pérenne du public pour les collections permanentes, en particulier au musée des Beaux-Arts". Si l'instauration de la gratuité a fait passer le nombre de visiteurs de 39.334 à 49.571 entre 2004 et 2005, celui-ci a ensuite stagné - avec des évolutions assez erratiques d'une année sur l'autre -, pour atteindre, l'an dernier, 45.007 visiteurs. La ville estime également que "la gratuité des collections permanentes a constitué un frein au développement des expositions temporaires, notamment au musée de Normandie". Si la fréquentation des collections permanentes du musée de Normandie a augmenté depuis 2005 (ce qui plaiderait plutôt en faveur de la gratuité), celle des expositions temporaires a effectivement décliné sur la même période. Mais la démonstration de la ville n'apporte pas d'éléments probants sur l'existence d'un lien de causalité entre ces deux évolutions opposées. Contrairement aux collections permanentes, la fréquentation des expositions temporaires dépend en effet aussi de la qualité et de l'attractivité de ces dernières. Enfin, la ville estime également que la gratuité "favorisait surtout la fréquentation des touristes, mais n'a pas permis d'élargir sociologiquement le public des visiteurs caennais".
La ville prend toutefois bien soin de préciser que la fin du dispositif mis en place en 2005 ne signifie pas la disparition pure et simple de la gratuité dans les musées de Caen. La gratuité totale - y compris pour les expositions temporaires - est en effet maintenue pour tous les jeunes de moins de 26 ans (étudiants ou non), pour les bénéficiaires de minima sociaux et pour les personnes handicapées. La nouvelle grille tarifaire, entrée en vigueur le 8 juin, prévoit également une gratuité pour tous les publics le premier dimanche de chaque mois dans les deux musées de la ville. Par ailleurs, la nouvelle grille prévoit plusieurs offres tarifaires groupées - donc plus avantageuses - comme le "pass muséo" et le "pass murailles". Enfin, pour éviter tout reproche d'attitude anti-culturelle, la ville fait savoir que les recettes supplémentaires issues de la suppression de la gratuité généralisée - au demeurant assez modestes (30 à 40.000 euros attendus) - "permettront de mettre en place une politique publique d'accès à la culture plus solidaire et de développer des actions de médiation pour aller au-devant des publics les plus éloignés de la culture".
En prenant cette décision, la ville de Caen ne fait finalement que se ranger à la position de l'Etat, qui a choisi de cantonner la gratuité des collections permanentes des musées nationaux aux moins de 26 ans (Français et ressortissants d'un pays de l'Union européenne), ainsi qu'aux enseignants du premier et du second degré. Nombre de villes - comme Caen - avaient en revanche choisi d'aller plus loin en élargissant fortement le champ de la gratuité. Il reste maintenant à savoir si la décision de la cité normande va rester un geste isolé ou si elle constitue au contraire le premier signe d'un mouvement plus large.
Jean-Noël Escudié / PCA