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Culture - Un rapport parlementaire met en doute l'intérêt de la gratuité ciblée des musées

La mission d'évaluation et de contrôle de l'Assemblée nationale vient de déposer un rapport consacré au musée du Louvre. Celui-ci se penche essentiellement sur le statut et la gestion de cette institution culturelle phare, sur ses projets de décentralisations - le Louvre-Lens (voir encadré) et Abou Dabi -, ainsi que sur ses relations difficiles avec la Réunion des musées nationaux (RMN). Mais le rapport s'arrête également sur la question plus générale de la gratuité ciblée des collections permanentes des musées, entrée en vigueur le 4 avril dernier au profit des jeunes de moins de 26 ans et des enseignants du premier et du second degré (voir nos articles ci-contre).
Dans un chapitre intitulé "La gratuité, une mesure pertinente ?", les auteurs s'appuient sur le bilan de l'expérimentation publié par le ministère de la Culture. Ils constatent certes une augmentation de la fréquentation durant la période d'expérimentation, mais sans que l'on puisse faire la part de l'effet d'aubaine provisoire et avec des écarts considérables selon les établissements : de +21% au musée Guimet à Paris à +138% pour le musée de la Marine à Toulon. Mais cette hausse ne se traduit pas par une diversification très prononcée des publics. Le rapport estime ainsi que "l'expérimentation de la gratuité totale fait apparaître une composition sociologique légèrement différente de celle habituellement constatée dans les musées et monuments. Cependant, les groupes sociaux de catégorie moyenne et supérieure restent très majoritaires". L'évolution la plus nette concerne les jeunes et les étudiants, qui ont été finalement retenus, avec les enseignants, comme les bénéficiaires de la mesure nationale. L'expérience de la gratuité en nocturne un soir par semaine pour les 18-25 ans - menée uniquement sur quatre grands musées parisiens (le Louvre, Orsay, Quai Branly et Centre Pompidou) - trouve en revanche grâce aux yeux de la mission. Elle semble en effet avoir eu un effet nettement plus prononcé sur l'élargissement et la diversification des publics : 80% des jeunes venaient pour la première fois au Quai Branly (inauguré en 2006), 35% au musée d'Orsay, 31% au Centre Pompidou et 11% au Louvre.
Le rapport de l'Assemblée nationale rappelle par ailleurs que la gratuité ciblée a un coût d'environ une trentaine de millions d'euros par an (chiffre qui ne comprend pas le coût pour les nombreux musées de collectivités qui ont décidé d'appliquer également ou appliquaient déjà la mesure). Pour ce qui la concerne, la direction du Louvre estime ce manque à gagner à 10 ou 11 millions par an. Considérant que la gratuité "n'est pas une fin en soi" mais qu'"elle n'est qu'un moyen au service d'une fin : la démocratisation culturelle", les rapporteurs en appellent à une remise à plat du dossier : "Les résultats de l'expérimentation menée en 2008 n'ayant pas été totalement probants, la mission considère qu'il serait pertinent de convenir d'une clause de rendez-vous un an après la mise en oeuvre de la gratuité partielle afin d'en évaluer les effets, notamment quant à la composition sociologique du public."

 

Jean-Noël Escudié / PCA

 

Louvre-Lens : un satisfecit doublé d'une certaine inquiétude
La mission s'est également penchée sur le projet de création, à Lens, d'un Louvre "hors les murs". A l'occasion d'une visite sur place, les rapporteurs ont pu mesurer "l'enthousiasme des collectivités parties au projet" et "tiennent notamment à saluer l'implication et le dynamisme de Daniel Percheron, président du conseil régional du Nord-Pas-de-Calais". Il est vrai que la région doit financer 60% de l'investissement total de 150 millions d'euros et assurer 60% du fonctionnement. Le département du Pas-de-Calais et le regroupement communauté d'agglomération Lens-Liévin et ville de Lens apporteront chacun 10%, les 20% restant étant financés par le Feder.
Mais le projet a connu et connaît aussi quelques déboires : relations difficiles avec le cabinet d'architectes japonais, territoire "marqué par le cloisonnement des acteurs locaux" malgré un pilotage "exemplaire", manque de visibilité du projet et faible appropriation par la population... (voir aussi notre article ci-contre du 8 octobre 2008). D'abord envisagée en 2009, la date d'ouverture est aujourd'hui repoussée en 2012 et le coût de l'investissement est passé de 117 millions d'euros à 127, puis 150 millions d'euros. La région Nord-Pas-de-Calais continue toutefois d'espérer un "effet Bilbao".

 

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