Patrimoine - Premiers résultats encourageants pour la gratuité des musées
Depuis le 1er janvier et jusqu'au 30 juin, dix-huit musées à Paris et en province testent les effets de la gratuité d'accès aux collections permanentes. Il s'agit là des prémices de la mise en oeuvre d'une promesse de Nicolas Sarkozy, reprise dans la lettre de mission adressée le 1er août 2007 à la ministre de la Culture et de la Communication. Le but de cette expérimentation - qui suscite certaines réticences dans les milieux culturels, y compris au ministère - est en effet "d'en mesurer toutes les conséquences et de déterminer les conditions de réussite de sa généralisation".
Tout en mettant soigneusement en garde contre des conclusions hâtives, le ministère de la Culture vient de lever le voile sur les premiers résultats de cette expérimentation, dont un premier bilan plus officiel devrait être rendu public en mars 2008, avant l'évaluation définitive à l'automne. Les chiffres divulgués semblent néanmoins témoigner de l'impact de la gratuité sur la fréquentation. La direction des musées de France estime ainsi la hausse du nombre de visiteurs sur janvier entre 50% (pour les musées) et 100% (pour les monuments). Le cas le plus spectaculaire est celui du palais Jacques-Coeur à Bourges (Cher), qui enregistre une progression de 300%.
En dépit de ces premiers chiffres positifs, l'expérimentation en cours laisse sceptiques de nombreux acteurs du patrimoine. Certains estiment qu'elle ne rajoute rien à l'état des connaissances sur l'impact de la gratuité. Celle-ci est en effet en vigueur depuis 2002 pour les collections permanentes des quinze musées de la ville de Paris, où elle s'est traduite par une hausse de 40% de la fréquentation. Il existe également des exemples à l'étranger, comme en Angleterre qui pratique la gratuité depuis 2001. De même, de nombreux musées français pratiquent depuis longtemps des politiques ciblées de gratuité ou de réductions tarifaires visant certains jours ou certains publics. D'autres détracteurs mettent en cause les distorsions induites par les actions de communication et l'effet d'aubaine sur les premiers mois de mise en oeuvre de la gratuité et soulignent l'absence de prise en compte des visites répétées (un visiteur, mais plusieurs visites). Enfin, les responsables des musées ne manquent pas de souligner la nécessité de compenser la perte de recettes. Le musée de l'Air et de l'Espace du Bourget estime ainsi à 500.000 euros le manque à gagner imputable à l'expérimentation.
Une partie de ces interrogations devrait cependant être levée avec le lancement, ce mois-ci, d'une étude auprès des visiteurs des musées de l'échantillon. Une société spécialisée va ainsi interroger 6.500 d'entre eux sur leur profil (visiteurs habituels ou nouveaux, catégories socioprofessionnelles...) et sur les motivations de leur visite. Les résultats de cette vaste étude devraient permettre d'affiner et d'expliquer les chiffres bruts de la fréquentation. En tout état de cause, l'expérimentation sera suivie avec attention par l'ensemble des musées de France (musées locaux, gérés le plus souvent par des collectivités mais bénéficiant d'un label délivré par l'Etat), qui pourraient difficilement rester à l'écart d'une éventuelle généralisation de la mesure aux musées nationaux.
Jean-Noël Escudié / PCA
Les dix-huit musées gratuits
La liste comprend 14 musées qui appliquent une gratuité totale sur leurs collections permanentes : 6 à Paris et en région parisienne - Guimet, Cluny, Arts et Métiers, Antiquités nationales de Saint-Germain-en-Laye, musée national de la Renaissance d'Ecouen et musée de l'Air et de l'Espace du Bourget - et 8 en province : musée de la Marine de Toulon, musée Adrien Dubouché à Limoges, musée Magnin à Dijon, palais du Tau à Reims, palais Jacques-Coeur à Bourges, château d'Oiron, musée du château de Pau et château de Pierrefonds. S'y ajoutent les quatre musées nationaux les plus prestigieux - Le Louvre, musée d'Art moderne du Centre Pompidou, Orsay et le Quai Branly - qui ne testent qu'un "dispositif de gratuité ciblée à destination du jeune public" (un moyen pour faire participer ces grands musées sans remettre en cause leur équilibre budgétaire). Cette expérimentation partielle prend la forme d'une soirée gratuite par semaine (de 18 à 21 h) pour les jeunes de 18 à 25 ans.