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Culture - Dix-huit musées vont tester durant six mois la gratuité à Paris et en province

Dans la lettre de mission adressée le 1er août dernier à la ministre de la Culture et de la Communication, Nicolas Sarkozy rappelait que "la gratuité des musées nationaux fait partie des engagements du projet présidentiel". Mais, conscient que "celle-ci [fait] l'objet de débats au sein du monde de la culture", il demandait que soit d'abord conduite "une expérimentation de la gratuité avec un échantillon d'établissements, sans perte de recettes pour les musées concernés" et dont l'objet sera de "mesurer toutes les conséquences et de déterminer les conditions de réussite de sa généralisation". Une façon de passer outre aux réticences à peines voilées du ministère de la Culture sur le principe de la gratuité.
Pour préparer la mise en oeuvre de cet engagement, Christine Albanel lance donc une expérimentation portant sur dix-huit établissements et dont les résultats seront rendus publics à l'automne 2008. Tous ces musées dépendent du ministère de la Culture, mais l'expérience sera suivie de très près par les musées de France (musées locaux, gérés le plus souvent par des collectivités mais bénéficiant d'un label délivré par l'Etat) et par les autres musées. Ces deux catégories pourraient en effet difficilement rester à l'écart d'un mouvement généralisé des musées nationaux vers la gratuité. Le choix des musées de l'échantillon a donné lieu a de longues tractations. La liste comprend finalement quatorze musées qui testeront une gratuité totale : six à Paris et en région parisienne - Guimet, Cluny, Arts et Métiers, Antiquités nationales de Saint-Germain-en-Laye, musée de la Renaissance d'Ecouen et musée de l'Air et de l'Espace du Bourget - et huit en province : musée de la Marine de Toulon, musée Adrien-Dubouché à Limoges, musée Magnin à Dijon, palais du Tau à Reims, palais Jacques-Coeur à Bourges, château d'Oiron, musée du château de Pau et château de Pierrefonds. S'y ajoutent les quatre musées nationaux les plus prestigieux - le Louvre, le musée d'Art moderne du Centre Pompidou, Orsay et le Quai Branly - qui ne testeront toutefois qu'un "dispositif de gratuité ciblée à destination du jeune public" entre le 1er janvier et le 30 juin 2008. Celui-ci prendra la forme d'une soirée gratuite par semaine (de 18 à 21 h) pour les jeunes de 18 à 25 ans. Cet habillage habile, qui permet d'associer les grands musées nationaux à l'expérimentation, masque cependant mal le problème de fond de ces établissements, très réticents à la gratuité : pourquoi devraient-ils renoncer, en cas de gratuité totale, aux recettes que leur apportent leurs visiteurs, étrangers à 80%, sans que cela ait un effet significatif sur les 55% de Français qui ne vont jamais dans les musées ? La ministre de la Culture elle-même cache d'ailleurs à peine ses réticences à l'idée d'une gratuité totale, évoquant "un risque d'appauvrissement des établissements" et la nécessité, si l'Etat veut compenser cette perte, de dégager un budget de 200 millions d'euros.
Pionniers en matière de gratuité, les musées de France sont aujourd'hui partagés et devraient donc se montrer très sensibles aux résultats de l'expérimentation dans les musées nationaux. Actuellement, 19% d'entre eux sont intégralement payants sans aucune fenêtre gratuite, 21% pratiquent une gratuité totale, tandis que le solde recourt à des formules diverses de gratuité partielle.

 

Jean-Noël Escudié / PCA