Culture - Classement des musées : la province progresse et la gratuité ne fait plus recette
Pour la cinquième année consécutive, le Journal des Arts publie son classement des musées français. Cette étude s'appuie sur un questionnaire détaillé auquel ont répondu 373 établissements, permettant ainsi de dresser un classement général et trois sous-classements (accueil des publics, dynamisme et conservation) sur la base de 69 critères d'évaluation. Le classement 2008 - qui porte sur l'année précédente - fait apparaître plusieurs éléments intéressants. Tout d'abord, la fréquentation des musées concernés enregistre une nette progression, passant de 37 à près de 40 millions de visiteurs (+8%). Le nombre d'expositions temporaires organisées par ces établissements augmente également, passant de 1.076 à 1.142 (+6%). Alors qu'une polémique s'est installée dans le monde de l'art sur le projet du Louvre d'Abou Dhabi, l'étude montre que ce dynamisme des expositions temporaires est sans doute facilité par la propension des musées à prêter leur fonds. En 2007, les musées ayant répondu ont prêté 92.629 oeuvres, pour seulement 52.741 empruntées. Ces expositions mobilisent des budgets modestes, bien qu'en très forte progression : 53,4 millions d'euros, contre 38,7 millions en 2006 (+38%, imputables essentiellement au coût des assurances et à celui de la scénographie). Le Journal des Arts rappelle ironiquement que ce chiffre reste néanmoins inférieur au budget de production d'un film grand public comme "Astérix aux Jeux olympiques" (78 millions d'euros).
La tête du classement général - qui ne reflète pas le seul nombre des entrées mais tient compte des différents critères étudiés - est sans surprise. Elle regroupe en effet - comme les années passées - quatre grandes institutions parisiennes : Le Louvre, Orsay, le Centre Pompidou et le musée Guimet, qui tire profit de sa rénovation. La surprise vient de la cinquième place - ex-aequo avec le Musée des Arts décoratifs de Paris - de la Piscine de Roubaix (10e en 2006), un musée original par son architecture comme par sa programmation. Viennent ensuite le Musée des beaux-arts de Rouen, ex-aequo avec le Musée du quai Branly à Paris (passant de la 12e à la 7e place), le Palais des beaux-arts de Lille et le Musée de la musique à Paris. Les cinq musées suivants sont également provinciaux : le Musée des beaux-arts de Nancy, les Abattoirs de Toulouse, le Musée de Picardie d'Amiens, le Musée des beaux-arts de Lyon et le Musée des beaux-arts et d'archéologie de Besançon. Seul bémol à cette étude très documentée : parmi les musées qui n'ont pas répondu figurent plusieurs établissements qui auraient sans doute pu prétendre aux premières places, comme l'Institut du monde arabe, le Musée Picasso, le Musée Fabre à Montpellier, le Musée des beaux-arts de Rennes, le Musée Chagall à Nice...
L'enquête du Journal des Arts apporte un autre élément intéressant, en pleine expérimentation de la gratuité. D'une part, le nombre d'entrées gratuites a fortement reculé en 2007, passant de 40 à 34% du nombre total d'entrées. Or cette tendance n'a pas empêché la nette hausse de la fréquentation enregistrée cette même année. D'autre part, les musées de la ville de Paris, qui pratiquent depuis 2001 la gratuité pour leurs collections permanentes, voient en effet leur fréquentation reculer nettement : -28% par exemple pour le Petit Palais (qui avait toutefois connu une fréquentation exceptionnelle en 2006, année de sa réouverture) et -44% pour le Musée d'art moderne (MAM). Il est toutefois difficile de faire la part entre un éventuel essoufflement de l'impact de la gratuité des musées de la ville de Paris et la conséquence des choix de programmation (très critiqués dans le cas du MAM).
Jean-Noël Escudié / PCA