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Territoires - Politique régionale : les grandes villes veulent y voir plus clair

La Commission européenne met les villes à l'honneur dans la future politique régionale 2014-2020. Les maires de grandes villes saluent la démarche, mais se montrent volontiers critiques envers certains aspects de la réforme proposée. Celle-ci risque de privilégier les capitales régionales tout en négligeant des secteurs-clés comme le transport urbain.

Les négociations sur la réforme de la politique régionale avancent mollement à Bruxelles, mais les collectivités locales se mettent en ordre de bataille pour engager le débat. Dans un document d’un peu plus de quatre pages, les associations des maires de grandes villes (AMGVF) et des communautés urbaines (Acuf) livrent leurs conclusions sur la future politique régionale.
L’impulsion donnée par le commissaire européen à la Politique régionale crée un contexte qui leur est favorable. Johannes Hahn martèle depuis des mois sa volonté d’octroyer une place de choix aux citadins. "Les villes, et non les nations, ont été les principales responsables de la majeure partie de l’existence de notre civilisation et [elles] peuvent de nouveau devancer les nations", avait-il lancé en février lors du Forum urbain à Bruxelles. En clair, la Commission veut que les villes deviennent la courroie de transmission d’une politique régionale axée sur le développement durable, l’innovation et la lutte contre les inégalités.
Les élus saluent la démarche, sans pour autant donner un satisfecit plein et entier à Bruxelles. "Certaines propositions méritent d’être clarifiées quand d’autres suscitent des interrogations voire des inquiétudes", écrivent-ils dans leur communiqué.

Démarche redondante

Dans ses propositions, la Commission souhaite qu’au moins 5% de l’enveloppe nationale du fonds européen de développement économique régional (Feder) soit gérés par les villes conduisant des projets urbains. D’une part, le seuil proposé paraît trop faible aux yeux des élus. D’autre part, les villes ne tiennent pas à prendre à tout prix la main sur la gestion des fonds européens. Ce choix doit rester "facultatif" au vu des surcoûts administratifs qui pourraient être engendrés, précise le communiqué.
Certaines initiatives sont accueillies avec encore plus de réserve. Les fonds prévus pour les projets urbains ont un périmètre restreint. La Commission souhaite que vingt communes au maximum soient retenues par Etat. Craignant que les villes de taille moyenne soient exclues du dispositif, les élus privilégient l’appel à candidatures, qui permettrait de sélectionner les participants sur la base de projets plutôt que sur des critères figés comme le nombre d’habitants.
La Commission veut par ailleurs accélérer la mise en réseau des villes, en créant une "plateforme" de 300 villes décrite par Johannes Hahn comme une "université du développement urbain". Sauf que la démarche semble redondante puisqu'un programme européen (Urbact) est déjà dédié à l’échange de bonnes pratiques entre les villes. D’où les doutes émis par les élus sur la "valeur ajoutée" de la nouvelle plateforme.

Serpent de mer

Le contexte de disette budgétaire tend à renforcer l’utilité des fonds européens, évalués à 14 milliards d’euros pour la France entre 2007 et 2013. Encore faut-il qu’ils puissent être dépensés. La semaine dernière, la Cour des comptes européenne a ouvertement regretté les difficultés rencontrées par les PME dans la mise en oeuvre de nouveaux outils financiers s’appuyant sur du Feder. Même utilisés sous la forme classique de subventions, les fonds régionaux européens impliquent un reporting assidu et une justification précise des dépenses.
Le besoin de simplification est un vieux serpent de mer auquel la Commission tente de donner quelques réponses. Une proposition récente jette les bases de règles communes pour l’ensemble des fonds européens, quel que soit le domaine visé (entreprises, emploi, ruralité, pêche…). Mais le pas à franchir est plus grand, selon les deux organisations, qui réclament un véritable "allègement des charges administratives" sur le terrain. Le message s’adresse aussi à l’Etat, dont les différents services (Direccte, DGEFP…) rajoutent des contraintes supplémentaires dans la gestion quotidienne des fonds régionaux.
Preuve du flou qui entoure encore les propositions de Bruxelles, les maires doutent de la possibilité d’inclure les transports, le sport et la culture dans les projets urbains financés par l’UE, alors que ces actions participent "à la fois à la cohésion territoriale et sociale".

Vertus démocratiques

La Commission cherche par ailleurs à associer davantage les collectivités aux autres acteurs (entreprises, associations, syndicats…). Le principe existe déjà dans les zones rurales depuis les années 90 à travers les "groupes d’action locale", qui sélectionnent les projets financés par l’UE. Bruxelles cherche aujourd’hui à élargir cette méthode au-delà des campagnes, mais l’idée ne fait pas florès auprès des élus, qui redoutent un regain de complexité dans la gouvernance locale.
Les vertus démocratiques de l’architecture "multiniveau" imaginée par la Commission européenne se heurtent donc à d'autres habitudes de travail… Les mois qui viennent diront si l’Etat parvient à associer davantage les collectivités locales à la mise en oeuvre de la nouvelle politique régionale. L’élaboration d’un "contrat de partenariat", actuellement en cours, tend vers ce but. Mais les élus locaux restent vigilants quant à sa traduction concrète sur le terrain.

 

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