Fonds européens - László Andor : "Donner la priorité à l'emploi" dans l'attribution des fonds européens
Les Etats misent désormais sur les fonds régionaux européens pour sortir de la crise. Nombreux sont ceux, dont la France, qui souhaitent pourtant une diminution de ces crédits à partir de 2014. N’est-ce pas paradoxal ?
László Andor : Il y a effectivement une contradiction que nous tentons actuellement de lever. Je suis convaincu qu’à l’avenir, l’Europe aura besoin d’une politique de cohésion plus forte. Tirer les leçons de la crise devrait aboutir à un renforcement de la politique régionale, et non pas à un affaiblissement de son budget. Car la crise a polarisé l’Europe. Le fossé entre les zones riches et pauvres s’est accru en termes de stabilité financière, de performance économique, d’emploi et de retombées sociales. Nous devons prendre les choses très au sérieux : la politique régionale, notamment le fonds social européen, est déterminante pour redonner du potentiel de croissance aux régions désavantagées. Les pays riches vont donc avoir tendance à couper dans le budget de la politique de cohésion, pendant que les plus pauvres vont vouloir la préserver… Il serait vraiment malheureux de cliver le débat en fonction des riches et des pauvres. Les pays contributeurs nets [ceux qui versent plus à l’UE qu’ils ne reçoivent, ndlr] devraient comprendre que la politique de cohésion est très importante car il existe une interdépendance forte des marchés européens. Nous sommes tous dans le même bateau et les Etats ont un intérêt commun à un développement économique équilibré.
En janvier dernier, la Commission européenne a proposé aux Etats de réutiliser les fonds régionaux non dépensés en direction de l’emploi des jeunes et des PME. Pourquoi cette initiative intervient-elle si tard ?
La démarche arrive tard au Conseil. Mais la Commission a déjà commencé à travailler avec les Etats qui sont le plus touchés par la crise. Nous avons fait des propositions pour que la mise en oeuvre des fonds structurels reflète les nouveaux besoins des Etats. Le changement du taux de cofinancement a par ailleurs été un pas important. Il faut désormais regarder les effets potentiels de la rechute de l’économie ("second dip"), c’est pourquoi nous devons nous pencher sur la partie des fonds européens qui n’a pas encore été engagée et appeler les Etats membres à donner la priorité à l’emploi lorsqu’ils allouent les fonds.
La Grèce reçoit quantité de fonds structurels depuis trente ans, alors que la fraude est répandue et que les résultats ne sont pas au rendez-vous. L’UE a-t-elle été dans le déni politique à l’égard de ce pays?
Je ne sais pas s’il s’agit d’un déni ou d’un manque de ressources pour surveiller de près la situation. Mais nous avons détecté d’importantes faiblesses dans les capacités administratives du pays. Pour ce qui est de la corruption, ce sujet est traité par l’Office européen de la lutte contre la fraude.
Le travail mené par le groupe d’action déployé en Grèce pour accélérer l’utilisation des fonds structurels porte-t-il ses fruits ?
Nous avons d’ores et déjà constaté une amélioration : en mai dernier, la Grèce avait seulement consommé 13% de sa dotation au titre du fonds social européen. La part est presque deux fois plus importante aujourd'hui.
Beaucoup d’observateurs estiment que les pays européens n’atteindront pas leurs objectifs budgétaires en ne misant que sur l’austérité. Pensez-vous qu’il faudrait ajouter un volet de croissance au traité fiscal ?
Nous devons nous fonder sur l’accord et voir quels éléments supplémentaires sont nécessaires. Il est important de faire plus sur l’investissement et d’avoir une consolidation budgétaire plus intelligente permettant la convergence fiscale des Etats et la croissance économique. Dans les pays périphériques [Grèce, Espagne, Portugal..., ndlr], nous n’avons pas résolu le dilemme. Avant, pour résoudre le problème de la compétitivité, ces Etats avaient recours à la dévaluation de leur devise. Avec l’union monétaire, cette option est désormais exclue. Nous devons donc trouver d’autres solutions, mais ces alternatives prennent plus de temps à mettre en place. La grande question est de savoir comment gérer ce temps nécessaire aux réformes structurelles.