Politique régionale - Fonds structurels : un décret fait le point sur les évolutions récentes des règles d'éligibilité des dépenses

Dans le cadre des objectifs Convergence, Compétitivité régionale et emploi et, pour leur partie française, Coopération territoriale européenne, un décret vient modifier les règles nationales relatives à l'éligibilité des dépenses cofinancées par les fonds structurels.

Un simple décret d'application des règlements européens modifiés entre 2009 et 2010 ? Pour en saisir l'intérêt, le décret n° 2011-92 du 21 janvier 2011 modifiant le décret n°2007-1303 du 3 septembre 2007 doit être lu à la lumière des modifications intervenues sur les règlements européens relatifs aux fonds structurels au cours de ces deux dernières années.
Remettons-nous d'abord en mémoire les modifications introduites le 6 mai 2009, respectivement sur les règlements n°1080/2006 relatif au Fonds européen de développement régional (Feder) et n°1081/2006 relatif au Fonds social européen (FSE). D'une part, l'UE rendait éligibles les investissements en efficacité énergétique et en énergies renouvelables dans le secteur du logement jusqu’à concurrence de 4% de la contribution totale du Feder et, d'autre part, elle introduisait une série de trois nouvelles méthodes de calcul de coût dans le cadre des subventions FSE : les "barèmes standards de coûts unitaires", les "montants forfaitaires" dans la limite de 50.000 euros destinés à couvrir tout ou partie des coûts d’une opération, et enfin les "taux forfaitaires jusqu’à concurrence de 20%" pour le calculs des coûts indirects d’une opération. Cette dernière innovation a par la suite fait l'objet en France d'un arrêté et d'une instruction de la DGEFP afin que les modalités d'exécution soient appliquées de manière égale dans tous les services instructeurs du FSE .
Remémorons-nous ensuite les modifications opérées le 16 juin 2010 sur le règlement n°1083/2006 du Conseil portant dispositions générales sur le Feder, le FSE et le Fonds de cohésion, lesquelles ont procédé (entre autres) à un relèvement à 50 millions d'euros du seuil des "Grands projets" et ont précisé les règles relatives aux "opérations d'ingénierie financières", c'est-à-dire comprenant des dispositifs incitatifs fournissant des fonds de capital à risque, prêts ou garanties pour des investissements remboursables.
Ces éléments étant connus depuis 2010 voire 2009, il ne faut s'attendre à aucune surprise en lisant le nouveau décret du 21 janvier 2011 car celui-ci – pour une partie du moins – "se contente" de compiler et d'intégrer ces règles dans le droit français, au grand dam, d'ailleurs, de certains services instructeurs qui regrettent que le décret n'apporte aucun éclairage sur les clauses jugées les plus problématiques des règlements modifiés. Pire, certaines dispositions semblent créer une confusion. Résumons...

Dispositions nouvelles apportant une clarification 

  • Le décret n°2011-92 confirme que les recettes générées par le projet dans le cadre d'une subvention FSE ou Feder constituent un auto-financement à déduire des contributions à verser par le bénéficiaire ou ses partenaires au titre de leur co-financement (article 4). La règle de calcul demeure plus complexe pour les seuls projets Feder dont le coût total est supérieur à un million d'euros impliquant un investissement dans une infrastructure soumise à des redevances directement supportées par les utilisateurs ou toute opération impliquant la vente, la location de terrains ou d'immeubles ou toute autre fourniture de services contre paiement (article 13).
  • Le décret exclut toute possibilité d'intégrer les intérêts débiteurs en dépense éligible (article 9).
  • Le même article 9 rappelle que les dépenses liées à l'obligation de publicité sont éligibles si elles sont liées à l'opération.
  • Dans le cadre d'opérations Feder, le prix d'achat d'un terrain doit être désormais déterminé par un expert indépendant qualifié ou France domaine (article 14).
  • Les modalités propres aux instruments dits "d'ingénierie financières, de garanties, de prêts, de capital risque, d'avances remboursables, ou de fonds de participations" sont reprises de manière simple et succincte telles qu'exposées dans l'article 44 du règlement 1083/2006 modifié en 2010. Cet article prévoit notamment la rémunération forfaitaire au prorata des capitaux versés pour les gestionnaires de mécanismes de fonds de participation (initiative Jeremie, déjà activée au profit des PME auvergnates et languedociennes), de microcrédit (tels que pratiqués par France active, France initiative, etc.) ou dans les sociétés/fonds de capital risque ou de garantie (article 8).
     

Dispositions nouvelles susceptibles de maintenir ou d'introduire des interrogations 

  • Le décret confirme que "les opérations cofinancées au titre des programmes Feder et FSE peuvent comprendre une part de dépenses réalisées dans un Etat tiers, dans la mesure où le bénéficiaire réside en territoire français et conserve l'ensemble des pièces justificatives afférentes" (article 3). Cette pratique, par définition répandue dans le cadre de projets "mesure transnationale FSE" ou bien Interreg, pourrait donc se généraliser à tout projet FSE ou Feder. Or le décret ne précise pas ce qu'il entend par Etat tiers ni ne fixe de plafond.
  • Le décret intègre les trois nouvelles méthodes de calcul de coût forfaitaires citées plus haut. Or, il déstabilise dès à présent les services instructeurs pour plusieurs raisons. Premièrement, le Feder est désormais concerné et non plus seulement le FSE. Deuxièmement le décret ne fait pas mention du plafond fixé en 2010 par la DGEFP dans son arrêté et son instruction du 2 août 2010 (limitant l'usage du taux forfaitaire de 20% aux seuls projets FSE d'un montant inférieur à 500.000 euros). Troisièmement, le décret impose la validation préalable par la Commission européenne des modes de calcul desdits 20%, ce qui alourdit profondément la procédure et limite l'impact du décret (article 6).
  • Enfin, l'article 17 évoque la possibilité de budgéter en dépenses les coûts supportés par un organisme tiers dans le cadre d'une subvention FSE : c'est le cas de figure type d'une collectivité locale travaillant avec ses associations de quartiers. Or, le décret, qui ne définit pas précisément le terme "d'organisme tiers", prévoit qu'aucun reversement de crédits communautaires par le bénéficiaire au profit de ses tiers ne peut être effectué, et par ailleurs oblige ces tiers à signer "un acte juridique (les) liant au bénéficiaire" et à produire et conserver tous les justificatifs afférant à ces dépenses. Ces clauses revêtent donc pour ces tiers un caractère à la fois paradoxal (car aucun paiement ne peut in fine leur être reversé) et dissuasif (vu le volume de contraintes). En revanche, côté bénéficiaire, selon l'un des services instructeurs interrogé, "cela permet d'agrandir l'assiette éligible, d'avoir une vision en termes de dépenses et de ressources plus vaste de l'opération, faite par tous les partenaires du maître d'ouvrage. En contrepartie, le bénéficiaire doit vérifier les pièces comptables de son tiers, ce qui ne sera pas toujours aisé".
     

Pour clarifier ce décret, une circulaire de mise en œuvre sera très prochainement publiée. Elle semble nécessaire vues les zones d'ombre laissées à l'appréciation des gestionnaires ou bénéficiaires des fonds structurels. Sans attendre celle-ci, certains services instructeurs ont déjà officiellement demandé des clarifications à leur ministère de tutelle, précisément sur les dispositions qui viennent d'être évoquées.

 Pierre-Etienne Métais / Welcomeurope

Référence : décret n° 2011-92 du 21 janvier 2011 modifiant le décret n° 2007-1303 du 3 septembre 2007 fixant les règles nationales d'éligibilité des dépenses des programmes cofinancés par les fonds structurels pour la période 2007-2013, JO du 25 janvier 2011.
 

 

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