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Sécurité - "Polices territoriales" : un changement de nom à 15 millions d'euros, selon Bernard Cazeneuve

Les sénateurs ont adopté, le 16 juin, la proposition de loi visant à créer les "polices territoriales" issues de la fusion, dans un même cadre d'emplois, des agents de police municipale et des gardes champêtres, le tout avec une formation renforcée.
Le texte avait été déposé par les sénateurs François Pillet (UMP - Cher) et René Vandierendonck (Socialiste - Nord) le 26 avril 2013, à la suite de leur rapport d'information du 26 septembre 2012 mettant en avant la profonde mutation des polices municipales ces dernières années (augmentation exponentielle des effectifs, judiciarisation de certaines missions, confusion des compétences avec les forces étatiques…).
Les sénateurs ont maintenu la nouvelle appellation de "polices territoriales" introduite par la proposition de loi, contre l'avis du gouvernement (mais aussi de l'Association des maires de France et de plusieurs syndicats). Au-delà de la fusion des cadres d'emplois, ce changement de nom vise à prendre en compte la mutualisation des polices à l'échelle intercommunale, autre axe fort du texte. "Je veux dire mon attachement à la notion de 'police municipale' dont il ne faut pas négliger la charge symbolique", a ainsi déclaré le ministre de l'Intérieur, Bernard Cazeneuve. "Le coût du changement des tenues, écussons, etc. est estimé à 15 millions d'euros. Utilisons-les en faveur de meilleurs équipements, de moyens supplémentaires", a-t-il suggéré. "Serait-ce raisonnable, à l'heure où personne ne connaît le sort des régions, et encore moins du département, de modifier cet intitulé ?", a également fait remarquer l'ancienne ministre déléguée à la réforme territoriale de Jean-Marc Ayrault, Anne-Marie Escoffier (RDSE). "L'adjectif 'territorial' n'a pas le même sens dans 'fonction publique territoriale' et dans 'police territoriale'", a-t-elle aussi argué. Mais les sénateurs ne l'ont pas entendu ainsi. René Vandierendonck s'est montré sceptique sur les chiffres avancés par Bernard Cazeneuve, ironisant sur le fait que "les estimations gouvernementales [connaissaient] des variations saisonnières".
Claude Dilain (PS - Seine-Saint-Denis) a souligné pour sa part que les polices municipales était "réservées aux municipalités riches". "Il importe de marquer un changement qui passe aussi par la sémantique", a-t-il souligné.
Le rapporteur du texte Virginie Klès (PS - Ille-et-Vilaine), a pour sa part insisté sur l'importance de l'échelle intercommunale. A cet égard, le texte encourage les polices intercommunales. Contre l'avis du gouvernement qui craignait des incertitudes juridiques, les sénateurs ont maintenu le transfert aux présidents d'EPCI des pouvoirs de police spéciale en matière de réglementation des transports urbains. Par ailleurs, un maire ne pourra plus créer de conseil local de sécurité et de prévention de la délinquance s'il existe déjà un conseil intercommunal de sécurité et de prévention de la délinquance.
Les sénateurs n'ont toutefois pas retenu une disposition qui donnait la qualité d'officier de police judiciaire (OPJ) aux présidents d'EPCI ; l'article 16 a été retiré en conséquence.
Le troisième axe de la proposition de loi tient aux conventions de coordination avec la police nationale. Conventions qui, désormais, seront également signées par le procureur de la République. Ce à quoi Bernard Cazeneuve, invoquant la séparation des autorités administratives et judiciaires, s'est montré opposé. "La judiciarisation des missions de la police municipale justifie que la convention de coordination soit signée par le procureur", lui a répondu Virginie Klès.  Par ailleurs, les conventions seront désormais obligatoires à partir de quatre agents.
Autre apport : police territoriale et police nationale seront placées sur le même plan, la convention précisera "la nature et les lieux" de leurs interventions respectives "ainsi que les conditions de la coopération opérationnelle mise en œuvre conjointement". La convention déterminera aussi la "doctrine d'emploi" de la police territoriale et son armement. Les sénateurs ont ajouté une disposition demandant au maire de transmettre la convention à son conseil municipal, pour avis. La question des effectifs de police nationale est aussi sous-jacente : "Le ou les représentants de l'Etat dans le département s'engagent à communiquer au conseil municipal les critères et les modes d'évaluation qui ont prévalu pour définir les évolutions d'effectifs prévues, les redéploiements et les réorganisations des effectifs des forces de police et de gendarmerie nationales dans la commune", ont ajouté les sénateurs.
La proposition de loi prévoit par ailleurs de donner aux agents de police territoriale la possibilité d'accéder au fichier de permis de conduire "aux seules fins d'identifier les auteurs des infractions" au Code de la route.
La formation a également fait l'objet de débats. A la demande de l'AMF, la formation initiale des agents assurée par le Centre national de la fonction publique territoriale (CNFPT) devra avoir été visée par le préfet et le procureur de la République. "Nous continuerons à exercer une amicale pression sur le Centre national de la fonction publique territoriale pour que soit créée sous son égide une structure ad hoc, offrant des formations de haute qualité, spécialisées et à la carte", a déclaré René Vandierendonck. 
Enfin, les agents de surveillance de la voie publique (ASVP) verront leurs missions et leur statut clarifiés. Un décret déterminera la nature de leurs missions, leur équipement et leur formation.

Michel Tendil

Référence :  proposition de loi visant à créer des polices territoriales et portant dispositions diverses relatives à leur organisation et leur fonctionnement.

 

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