Sécurité - Des sénateurs veulent créer une "police territoriale"
"Toutes les communes ont peur d'une seule chose : le désengagement de l'Etat", a averti René Vandierendonck (PS) sénateur du Nord, co-auteur avec François Pillet (UMP) son homologue du Cher d'un rapport sur les polices municipales présenté à la presse le 3 octobre. Ce sentiment palpable depuis des années a été encore accentué par la suppression de nombreux postes de policiers et gendarmes du fait de la RGPP. Les deux sénateurs ont sondé les 3.935 communes ou intercommunalités dotées d'une police ou de gardes champêtres et ont obtenu près de 50% de réponses. "Au niveau des effectifs, les maires ont peur que les polices municipales deviennent uniquement un service municipal palliatif", a insisté le sénateur du Nord. Or au vu des finances publiques, aucun retournement choc n'est envisageable à court terme, malgré les 500 postes prévus dans le budget 2013. Les deux élus appellent avant tout à une meilleure organisation.
Les rapporteurs constatent une "véritable explosion" du nombre de polices municipales en France au cours des 25 dernières années. Elles sont passées de 5.600 agents en 1984 à plus de 18.000 aujourd'hui. "Il n'y a pas une police mais des polices", a souligné François Pillet à cet égard. L'ensemble revêt en effet une très grande diversité, avec des polices allant d'un agent à plus de 500 pour les plus grosses comme Lyon et Nice dont la police comporte 578 agents, dont 353 policiers municipaux, avec des missions très larges qui les rapprochent parfois de la police nationale. Au fil des ans, les missions ont évolué, "les missions traditionnelles de proximité perdent du terrain ; les pouvoirs judiciaires des agents de police municipale se développement au risque d'une confusion avec ceux des forces nationales". "Chacun doit rester dans ses missions", a insisté François Pillet.
Police territoriale
Pour remédier à ce qu'ils nomment une "crise d'identité" de la profession, les sénateurs proposent d'englober policiers municipaux, gardes champêtres et agents de surveillance de la voie publique (ASVP) sous un seul et même uniforme : "la police territoriale", avec un statut unique. "On voudrait voir les 1.400 gardes champêtres complètement réhabilités, avec la perspective d'intégrer la police territoriale", a insisté René Vandierendonck. Les sénateurs suggèrent de différencier plus nettement l'uniforme de ces policiers chargés de la tranquillité de ceux des policiers nationaux.
Le rapport met par ailleurs en lumière une rupture de l'égalité des territoires. De fait, la répartition des polices municipales est très concentrée dans le Sud, la région parisienne, mais aussi le Nord-Pas-de-Calais (812 agents) et l'Alsace (733). La palme revient à la région Paca qui totalise 3.745 agents. La mission sénatoriale encourage les regroupements intercommunaux. "La mutualisation intercommunale des polices municipales semble constituer une voie évidente pour lutter contre la progression des inégalités territoriales devant la sécurité", estime les rapporteurs qui prennent pour exemple la communautarisation des polices de la Cavam (communauté d'agglomération du Val de Montmorency). Ils vont jusqu'à proposer de donner la possibilité de donner un pouvoir de police délégué au président de l'intercommunalité.
78% des agents armés en Paca
Le rapport propose en parallèle d'améliorer la coopération avec les forces de police dans le cadre de conventions de coordination rénovées qui conforteraient les polices municipales dans leur "mission de proximité". Ces conventions définiraient le rôle spécifique de la police municipale, l'engagement des forces nationales et trancheraient la décision de l'armement. Sur cette question, qui divise les syndicats, le rapport fait le choix de la prudence. Aujourd'hui, les situations sont là encore très hétérogènes : en Paca, 78% des agents sont armés quand ils ne sont que 5% dans les Pays de la Loire. Les sénateurs restent sur la ligne de l'ancien ministre de l'Intérieur Claude Guéant qui, lors des Premières Rencontres de la police municipale, le 16 juin 2011, avait renvoyé la décision aux élus dans le cadre de ces conventions. C'est aussi la position prudente de l'Association des maires de France (AMF), selon laquelle c'est aux maires de décider. S'ils sont favorables au maintien du dispositif actuel, les sénateurs proposent en revanche de renforcer la formation. Ils se réjouissent d'ailleurs de l'initiative du CNFPT d'élargir ses référentiels de formation dans le domaine de la sécurité et de la prévention. "On ne va pas jusqu'à dire comme Christian Estrosi (maire de Nice et président de la Commission consultative des polices municipales, ndlr) qu'il faut une seule école de police municipale, mais nous sommes favorables à un renforcement de ces référentiels, il faut aboutir à des regroupements interrégionaux", a expliqué René Vandierendonck.
Pas question non plus de renforcer les pouvoirs judiciaires et répressifs des policiers municipaux, qui "ne doivent pas devenir des officiers de police judiciaire" (ce qui les placerait sous l'autorité du procureur). Les sénateurs demandent une "clarification" de leurs compétences en matière routière en leur donnant par exemple un accès direct au système d'immatriculation des véhicules (SIV), comme c'est le cas des garagistes, voire au fichier des permis de conduire et au fichier des véhicules volés. "Un maire peut avoir le même droit que Norauto", a ironisé René Vandierendonck.