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Environnement - Pics de pollution, "manger local" : deux propositions de loi en débat à l'Assemblée

Cinq propositions de loi à l'initiative des députés écologistes sont débattues ce 14 janvier à l'Assemblée Nationale. Deux d'entre elles, l'une sur les mesures d'urgence en cas de pollution de l'air, l'autre sur les circuits courts et la restauration collective, intéressent directement les collectivités. Il s'agit notamment, dans les deux cas, de donner plus de poids aux élus locaux.

Une journée par an, le groupe écologiste à l'Assemblée nationale a la main sur l'ordre du jour et soumet à la discussion ses propositions de loi. Dénommée "niche parlementaire", cette journée est l'occasion de faire bouger des lignes, pas de faire passer de grands textes mais de "cibler des blocages à lever", explique le député Vert de Loire-Atlantique François de Rugy.

Une proposition de loi sur la qualité de l'air

Sa proposition de loi débattue en séance publique le 14 janvier à l'Assemblée nationale illustre bien cet objectif. Elle part du constat qu'il y a "urgence à être plus réactifs lors des pics de pollution à répétition que connaissent toutes les grandes agglomérations". François de Rugy estime que les élus locaux, tout comme les professionnels de la qualité de l'air, s'accordent aujourd'hui pour affirmer que la réglementation existante est insuffisante. "La législation actuelle se caractérise notamment par un manque de réactivité face à des procédures de décisions complexes auxquelles les élus locaux et les autorités organisatrices des transports sont trop peu associées". Pour corriger le tir, nulle grande loi sur l'air en vue. Même si le député, à l'instar de certains homologues sénateurs (voir notre article dans l'édition de vendredi 9 octobre 2015), appelle de ses vœux une révision de fond, puisque la loi Laure (loi sur l'air et l'utilisation rationnelle de l'énergie ou loi Lepage) a fait son temps et mériterait un lifting.

Entrer dans le concret

Mais sa proposition de loi se concentre sur des mesures concrètes. Elle constate que la circulation alternée n'a été mise en œuvre que trois fois en vingt ans - "un comble alors que les seuils réglementaires ont été dépassés 33 fois en 2013 !". Le texte, qui veut tirer les leçons des récents pics de pollution de l'air à Paris, rappelle que la France a été mise en demeure d'agir sur l'exposition aux particules fines par la Commission européenne. Et propose "un dispositif concis", vite applicable, ciblant la gestion des situations d'urgence que représentent les pics de pollution. "Il faut un cadre clair pour le déclenchement automatique de la circulation alternée en cas d'épisode de pollution persistant ou dès que le seuil d'alerte pour l'un des composants est dépassé durant plus de 24 heures consécutives pour l'un des polluants listés à l'article 2. Car à l'heure actuelle, les élus locaux et le gouvernement ne cessent de se renvoyer la balle, ce qui conduit à des aberrations avec parfois, la mesure d'urgence prise une fois le pic de pollution passé. Cela délégitime l'action politique", indique François de Rugy.

Qui prend la décision ?

Avancée positive : le rôle décisionnel des élus locaux a été conforté ces derniers mois. C'est néanmoins aux préfets de département, et non aux maires, que le député propose (article 1 du texte) de confier le soin de prendre des mesures d'urgence. "Nous avons travaillé de nombreux mois sur ce texte. Et n'avons pas retenu l'idée d'une décision prise par les maires car la pollution de l'air est une problématique qui dépasse le périmètre communal." Le préfet aura ceci dit l'obligation d'informer les collectivités locales, présidents d'EPCI et d'autorités organisatrices des transports (AOT) concernés. "Mais sans veto possible de leur part, sinon c'est reparti pour une interminable partie de ping-pong décisionnel !" Autre nouveauté : des procédures préfectorales auraient la possibilité d'être déclenchées par anticipation. Ce qui serait rendu possible grâce aux outils de modélisation disponibles, réputés performants et capables de prévoir les pics de pollution.

A partir de quels seuils ?

La proposition de loi vise aussi à introduire directement dans le code de l'environnement les normes de qualité de l'air et seuils déclenchant les mesures d'information et de recommandation, puis d'alerte. Elle propose en ce sens de réviser les seuils pour le dioxyde d'azote et pour les particules fines (PM10). L'article 3 propose de citer explicitement dans le code de l'environnement certains foyers ouverts (feux de cheminée notamment) parmi les mesures préventives explicites. L'article 4 prévoit que le plan de mobilité des entreprises prévoit des mesures particulières en cas de pic de pollution : télétravail pour les salariés sensibles, aménagement des horaires… "Chez nos voisins européens, l'expérimentation de dispositifs d'aménagement professionnels comme le télétravail a conduit à des résultats plus qu'encourageants."

Circuits courts et restauration collective : le besoin d'un signal fort

La députée de la Dordogne Brigitte Allain défend pour sa part le 14 janvier un texte adopté en décembre dernier en commission des affaires économiques (voir notre article dans l'édition du 16 décembre 2015). Elle vise à "créer un environnement juridique favorisant l'ancrage territorial de l'alimentation". L'élue s'appuie sur "les efforts conséquents déployés par les collectivités de toutes tailles, des régions aux petits villages, en passant par les communautés d'agglomération et de communes, elles aussi très proactives sur les circuits courts et la gouvernance alimentaire". Sa proposition de loi répond au "besoin d'un signal fort, il faut donner de la force aux élus locaux qui font face sur cet enjeu à des obstacles parfois liés aux marchés publics". Elle propose d'introduire dès 2020 dans la restauration collective publique une part de 40% de produits issus de l'alimentation durable, locaux et de saison. "C'était en 2012 l'objectif du Grenelle, force est de constater que nous en sommes encore loin." Les articles suivants portent sur l'évaluation du développement des circuits courts, via un observatoire dédié, l'introduction de l'alimentation durable dans les plans régionaux d'agriculture, ainsi que la valorisation du fait maison. Son texte a été relayé par une pétition portée par une association, Agir pour l'environnement, qui a réuni à ce jour près de 93.000 signatures.

Les trois autres textes écologistes examinés le 14 janvier concernent l'enseignement immersif des langues régionales, le principe de substitution en matière de réglementation des produits chimiques et la suppression de la publicité dans les programmes jeunesse de la télévision publique.

 

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