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Social - Pauvreté : les CCAS "écopent pendant que l'eau continue de rentrer"...

"Je ne suis pas rassuré. Le paquebot pauvreté continue de voguer, la pauvreté est un mal qui monte dans notre pays... Je m'étonne même du calme qui règne encore. Mais jusqu'à quand perdurera-t-il ? En tout cas, les centres communaux d'action sociale sont des amortisseurs sociaux, sans lesquels la situation serait pire. Il faut militer pour tout ce qui peut contribuer à faire baisser la pression : les mesures du plan de lutte contre la pauvreté, l'apprentissage, les emplois d'avenir..." Ce sombre tableau est dressé par Patrick Kanner, le président de l'Union nationale des CCAS (Unccas), qui présentait ce 12 septembre à la presse le Baromètre de l'action sociale 2013, en partenariat avec la Gazette santé-social. Cette enquête annuelle, dont c'est la cinquième livraison, "vise à étudier les évolutions de la demande sociale telle qu’elle est vécue au quotidien par les élus locaux et de leurs centres communaux ou intercommunaux d’action sociale", explique l'Unccas en préambule.
Basée sur 522 CCAS ou CIAS répondants, elle témoigne clairement d'une augmentation globale des demandes d'aides. Plus des trois quarts des répondants évoquent en effet une hausse – une hausse qui touche, le plus souvent, à la fois le nombre de demandeurs et l'importance des aides demandées. Et qui concerne avant tout les demandes d'aide financière. Viennent ensuite, par ordre décroissant, les demandes d'aide alimentaire, d'aides émanant d'autres acteurs (demande de FSL par exemple) ou d'accompagnement (gestion de budget, montage d'un dossier de demande de microcrédit personnel…).
S'agissant des premiers "facteurs déclencheurs" des demandes d'aide financière, pratiquement tous les CCAS (98%) citent le champ du logement et des factures d'énergie. Egalement cités, mais moins systématiquement, les factures des services municipaux (cantine, accueils de loisirs sans hébergement…) pour 51%, les frais de transports (17%), les télécoms (8%).
Au sujet des services municipaux, l'Unccas évoque de réelles difficultés de paiement et donc d’accès : "Les CCAS gestionnaires d’établissements d’accueil de jeunes enfants précisent qu’ils sont de plus en plus confrontés à des impayés de crèches, de cantine… mais aussi à la diminution du recours à ces services et aux activités, faute de pouvoir les financer." "Le périscolaire, la cantine… on nous dit aujourd'hui que cela devient un luxe !", lance Daniel Zielinski, le délégué général de l'Unccas.
Quels sont les bénéficiaires que l'on voit de plus en plus souvent pousser la porte des CCAS ? Principalement les familles monoparentales, les 26-60 ans, les personnes au chômage et allocataires de minima sociaux… Et ces diverses "catégories" de publics sont évidemment cumulables…
Les CCAS ont par ailleurs été interrogés sur la question du non-recours. Un CCAS sur deux estime ce non-recours important. En réponse à cela, la plupart d'entre eux multiplient les actions d'information (réunions, permanences…), tendent à renforcer leur rôle d'orientation du public vers les autres intervenants sociaux du territoire et viennent en aide à l'instruction de dossiers de demandes d'aides du type APA ou CMU-C. La domiciliation fait également partie de cette lutte contre le non-recours.

Nouveaux besoins, nouvelles réponses...

Face à toutes ces évolutions de la demande, les CCAS ont-ils fait évoluer leurs moyens et leurs pratiques des CCAS ? Clairement, oui. Interrogés sur les changements intervenus au cours des cinq dernières années, huit CCAS sur dix indiquent avoir revu à la hausse leur budget consacré aux aides facultatives. Et parmi ceux-là, huit sur dix témoignent également d'une hausse du montant moyen des aides individuelles attribuées (un montant moyen que l'Unccas estime à entre 122 et 195 euros par bénéficiaire et par an, selon la taille de la commune – mais cette moyenne recouvre évidemment de forts écarts, une aide pouvant être de quelques dizaines à plusieurs centaines d'euros). Quelques CCAS, au contraire, ont été contraints de revoir à la baisse le montant de leurs aides. Enfin, sept CCAS sur dix ont revu leurs critères d'attribution, que ce soit, entre autres, pour pouvoir répondre à la demande de nouveaux publics ou compenser le désengagement d'autres acteurs. Sur ce dernier point, Daniel Zielinski souligne que l'on attend par exemple aujourd'hui des CCAS qu'ils paient le reste à charge dans le cadre de l'ACS (aide pour une complémentaire santé), ce qui dépasse largement le domaine de compétence des CCAS. "Il faut bien savoir que le budget social des communes est en forte augmentation. Certes, ce n'est pas assez, il devient de plus en plus difficile d'avoir les moyens de suivre l'évolution des besoins, sans oublier le vieillissement de la population", déclare-t-il également. Il insiste en revanche sur un point : "Il faut arrêter de dire que pour certains publics, les aides viennent de tous les côtés. Dans le domaine de la précarité énergétique, sur lequel l'intervention des CCAS s'élève à pas moins de 23,3 millions d'euros, le CCAS n'intervient que lorsque la personne n'a pas droit au FSL".
Une autre évolution forte est mise en exergue dans ce baromètre : le focus consacré cette année au thème de la santé et de l'accès aux soins confirme une augmentation des demandes dans ce domaine. Il s'agit surtout d'un besoin d'aide à l'instruction de demandes de CMU, CMU-C… Mais aussi, donc, de demandes de prise en charge des complémentaires santé. Voire, pour 19% des CCAS, de montage de dossiers de microcrédit personnel, par exemple pour des soins dentaires, alors que "le microcrédit n'a évidemment pas été conçu pour la santé…". "Le renoncement aux soins est fréquent, surtout en milieu urbain", résume-t-on à l'Unccas, rappelant que certains CCAS s'investissent encore plus directement dans le champ sanitaire en étant par exemple partie prenante de centres de soins ou d'équipes mobiles. Enfin, la moitié des CCAS sont membres de coordinations locales. Or "il y a encore dix ans, les questions de santé étaient mineures pour les CCAS", résume Patrick Kanner.
"Ce baromètre constituera le fil rouge de notre congrès", a-t-il également noté. Le 66e congrès de l'Unccas va en effet avoir lieu ces 1er et 2 octobre à Tours, sous l'intitulé "Horizon 2014-2020, les politiques sociales à l'épreuve… Construire un nouveau modèle". Il y sera certainement question, aussi, du mal être exprimé par beaucoup de travailleurs sociaux des CCAS. Le président de l'Unccas l'évoque en ces termes : "Ils ont un sentiment croissant d'impuissance. Le sentiment d'être là pour écoper pendant que l'eau continue de rentrer par ailleurs. Il est clair qu'on assiste à une complexification de la demande sociale, qui exige une spécialisation du travail social. Or en même temps, il s'agit de ne pas perdre l'appréhension globale. C'est difficile". Daniel Zielinski ajoute pour sa part : "On ne mesure pas la violence qu'il peut y avoir dans ces lieux d'accueil que son les CCAS. Difficile de dire que l'on doit monter un dossier, que ce sera long, lorsqu'en face de soit, on a des personnes désespérées".

 

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