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Finances publiques - "Pacte de confiance" ou "pacte de stabilité" ?

Comme prévu, la conférence des finances locales organisée ce 10 février n'a guère permis d'améliorer le dialogue entre le gouvernement et les représentants des élus locaux. Il n'y a eu accord ni sur le constat ni sur la méthode permettant d'associer les collectivités à la maîtrise du déficit. Quelques signaux positifs ont toutefois été perçus, notamment sur les normes et sur la future Agence de financement des collectivités. Et la mise à disposition d'une nouvelle enveloppe de prêts "de 2 à 5 milliards d'euros" a été confirmée.

S'il est au moins un point sur lequel tous les élus présents étaient d'accord, c'est que ce rendez-vous arrivait "un peu tard"… A moins de trois mois des échéances électorales, la conférence sur les finances locales organisée ce vendredi 10 février à l'Elysée pour évoquer la participation des collectivités à la réduction du déficit n'était guère en mesure, en effet, de dérouler un programme de travail très complet. D'autant moins qu'il aurait pour cela fallu que le chef de l'Etat et les membres du gouvernement d'une part, les représentants des élus locaux et les parlementaires d'autre part, arrivent à s'entendre sur l'enjeu de cette rencontre et sur le "diagnostic". Or, de l'aveu même du Premier ministre, la réunion "n'a pas permis d'aboutir à un constat partagé". D'où, selon les présidents de l'Association des régions de France (ARF) et de l'Assemblée des départements de France (ADF), qui avaient réuni la presse à l'issue de la conférence, "une matinée totalement surréaliste".
Alain Rousset et Claudy Lebreton se sont ainsi étonnés du tableau qui aurait été dressé par le ministre de l'Intérieur de l'évolution des effectifs de la fonction publique territoriale "sans tenir compte des transferts" ayant eu lieu de l'Etat vers les collectivités. Et les deux élus de passer une nouvelle fois en revue tous ces domaines dans lesquels, après transferts, les collectivités ont bien été obligées de faire mieux que l'Etat et donc de dépenser plus : collèges et lycées, routes et TER, formation professionnelle et action sociale… "Tout se passe comme si l'Etat central croyait que les collectivités sont dirigées par des élus qui ne savent pas dire non, qui ne savent pas faire la différence entre dépenses inutiles, utiles et très utiles, alors même que nous sommes déjà engagés dans des efforts de gestion", s'est également indigné le président de l'ADF. "Ils ont passé leur temps à dire que nous ne sommes pas bons…", s'est de même offusqué son homologue de l'ARF.
Le président de l'Association des maires de France (AMF), qui aurait certes lui aussi préféré que cette réunion ait lieu plus tôt par rapport au calendrier électoral, estime néanmoins qu'il était "important d'échanger" et espère que le rendez-vous permettra au moins d'"enclencher un dispositif de dialogue, qui devra être pérennisé", si possible dans le cadre de la Conférence nationale des exécutifs dont les élus locaux ont longtemps attendu la réactivation. "Dans une démocratie moderne, il serait normal que nous soyons pleinement associés aux décisions permettant de converger de façon conjointe vers des objectifs de maîtrise de la dépense publique", a expliqué Jacques Pélissard à Localtis. Ou comment instaurer le "pacte de confiance" que réclame depuis longtemps le président de l'AMF comme l'ensemble des représentants des élus locaux...

"Critères de bonne gestion" : injuste et infaisable

Sauf qu'à défaut de pacte de confiance, le chef de l'Etat et le gouvernement ont choisi d'évoquer un "pacte de stabilité" qui "ferait l'objet d'un débat au Parlement, et qui permettrait de fixer la trajectoire en termes d'objectifs d'emplois, en termes d'objectifs de dépenses de l'ensemble des collectivités locales", tel que l'a formulé François Fillon. En sachant qu'une telle disposition, inspirée de ce qui se fait pour la sécurité sociale avec l'Ondam, ne serait pas immédiate mais intégrée au projet de loi de finances pour 2013. Selon Claudy Lebreton, Nicolas Sarkozy aurait en outre reconnu que cette "norme de progression des dépenses" ne pourrait se baser sur la règle du non-remplacement d'un fonctionnaire sur deux, jugée inapplicable à la territoriale.
D'ici là, faute donc de constat partagé, le Comité des finances locales (CFL) serait chargé d'établir un diagnostic précis de l'évolution des dépenses et des effectifs des collectivités. Participant à la réunion, Gilles Carrez, le président du CFL, a donc "reçu commande en direct", relève Jacques Pélissard, ce diagnostic devant être engagé "dans les prochains jours".
Une idée complémentaire, déjà émise par le président de la République et reprise vendredi par la ministre du Budget, Valérie Pécresse, fait visiblement l'unanimité contre elle du côté des élus : la modulation des ressources des collectivités en fonction de "critères de bonne gestion". "Ce serait contraire à la Constitution et ce serait d'un arbitraire total. Comment seraient désignés les bons élèves ? Quelles seraient les dépenses 'très très utiles' ?", s'interroge Jean-Paul Huchon, le président de la région Ile-de-France. Jacques Pélissard ne dit guère autre chose : "Nous sommes réticents sur toute mesure de modulation. C'est à la fois une question de principe et une question de mise en oeuvre. Sur quels critères se baserait-on ? Les critères proposés par Valérie Pécresse ne sont pas faisables."
En revanche, la fameuse question des normes semble avoir donné lieu à certaines convergences de vue. La proposition de loi Doligé a ainsi été évoquée. Ce texte semblait pourtant être sorti du circuit, la commission des lois du Sénat ayant adopté le 8 février une "motion de renvoi en commission", rendant peu probable son adoption avant la fin de la législature. Il s'agirait donc aujourd'hui de "réactiver" cette proposition de loi, explique Jacques Pélissard. Et surtout, le chef de l'Etat s'est dit favorable à ce qu'un "avis conforme" de la Commission consultative d'évaluation des normes (CCEN) soit nécessaire sur tous les textes réglementaires qui lui sont soumis.

Nouvelle enveloppe de prêts et avis favorable pour l'Agence de financement

Enfin, la conférence aura permis d'obtenir quelques précisions sur la question des difficultés de financement des collectivités. Alain Rousset n'a d'ailleurs pas manqué de relever un double "paradoxe" : "On nous donne des leçons de bonne gestion alors que l'Etat passe son temps à nous demander de l'argent…" et "on nous dit que nous dépensons trop, tout en admettant que nous avons besoin de nouvelles sources de financement".
Première étape, conforme à ce qu'avait récemment demandé Jacques Pélissard et à ce qu'avait laissé entendre Gilles Carrez : la mise à disposition des collectivités "pour le premier semestre 2012" d'une nouvelle enveloppe d'un montant "de 2 à 5 milliards d'euros sur les fonds d'épargne de la Caisse des Dépôts". Dans cette fourchette plutôt large, les élus semblent miser sur l'hypothèse la plus haute. Jacques Pélissard espère aussi que cette enveloppe de prêts sera "débloquée" dans des délais suffisamment brefs, rappelant que les budgets locaux doivent être votés avant le 31 mars. "Puis tout dépendra de la mise en place de l'établissement de la future banque publique avec la Banque postale et la Caisse des Dépôts. Si celle-ci intervient en juin, alors la nouvelle enveloppe suffira à pallier les difficultés de financement bancaire de nos investissements", poursuit-il. François Fillon a effectivement évoqué la deuxième étape, celle de "la mise en service dans les plus brefs délais d'une banque des collectivités locales".
Enfin, Claudy Lebreton s'est fait l'écho d'un "avis favorable exprimé par le président de la République pour que l'étude de la création de l'Agence de financement des investissements locaux se poursuive". Le dépôt au Parlement le 15 février du rapport du gouvernement sur ce projet serait toujours bien d'actualité et François Baroin, notamment, serait "moins fermé que par le passé" sur ce sujet même si, précise Jacques Pélissard, il faut "continuer à travailler sur la question des garanties de l'Etat".
Un dernier point a été retenu par l'AMF et les autres associations du bloc local que celle-ci représentait à l'Elysée : l'accord du chef de l'Etat pour que l'augmentation de la TVA soit intégrée au fonds de compensation de la TVA (FCTVA). Autrement dit, pour que le taux de remboursement de FCTVA soit revalorisé. Un amendement en ce sens a déjà été proposé par Gilles Carrez et adopté par la commission des finances de l'Assemblée nationale dans le cadre du nouveau projet de loi de finances rectificative. Le rapporteur général ayant expliqué que cette correction avait été faite "jusqu’à présent à chaque modification du taux normal de TVA" et que "la hausse de TVA va renchérir l’investissement des collectivités". Auditionnée par la commission des finances, Valérie Pécresse ne prévoit pas d'augmentation des prix… et juge par conséquent que la mesure ne s'impose pas. Le feu vert de l'Elysée pourrait donc faciliter les choses.

 

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