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Financement des collectivités - Gilles Carrez souhaite une nouvelle enveloppe de prêts et rejette toute modulation des dotations

De 3 à 5 milliards d'euros : tel serait le volume de l'enveloppe de prêts supplémentaire qu'il faudrait mettre à la disposition des collectivités, estime le président du Comité des finances locales, qui compte évoquer le sujet le 10 février lors de la rencontre des élus locaux avec le chef de l'Etat. Gilles Carrez dévoile que l'Etat ne cherchera pas de nouvelles économies du côté du secteur local à la faveur du collectif budgétaire qui doit être déposé ce 8 février à l'Assemblée nationale.

Lors de la réunion que le chef de l'Etat tiendra vendredi 10 février avec les associations d'élus locaux, le président du Comité des finances locales (CFL) compte plaider en faveur de l'allocation d'une nouvelle enveloppe aux investissements des collectivités d'un montant de 3 à 5 milliards d'euros, a-t-il fait savoir ce 7 février à l'issue de la séance du CFL.
Lors d'une récente audition par la commission des finances de l'Assemblée nationale, le directeur général de la Caisse des Dépôts, Augustin de Romanet, a estimé le besoin de financement des collectivités locales pour l'année 2012 à 18 milliards d'euros (avec celui des hôpitaux, des sociétés d'économie mixte et de divers autres organismes, on arriverait à un total de 22 milliards d'euros), a rapporté Gilles Carrez.
Les banques sont susceptibles de prêter 10 à 14 milliards d'euros. "Elles ne sont pas engagées formellement, c'est donc un montant qui est sujet à caution", a souligné Gilles Carrez. Avec ces réserves, "on a une impasse financière de 8 à 12 milliards d'euros", a-t-il conclu. Le futur pôle public de financement du secteur public local, qui sera constitué par la Banque postale et la Caisse des Dépôts et dont l'Etat sera actionnaire, pourrait financer "4 milliards, peut-être même 5 milliards d'euros" de prêts aux collectivités, a-t-il estimé, précisant que les modalités du montage de ce pôle de financement devraient être réglées "très rapidement" afin que la structure soit opérationnelle dès le mois de juin. Quant à la future Agence de financement des collectivités locales souhaitée par les associations d'élus locaux, sa mise en place devrait être plus longue, a indiqué le président du CFL, sans rappeler les fortes réticences de Bercy sur le sujet.
Avant que le pôle public de financement n'entre en ordre de marche, il faudra donc trouver un certain nombre de solutions pour faire face aux difficultés de financement des collectivités locales, considère celui qui est aussi rapporteur général du budget à l'Assemblée. L'abondement des crédits sur fonds d'épargne en est une. Sur l'enveloppe de 5 milliards d'euros mise en place à l'automne dernier (3,5 milliards gérés par la Caisse des Dépôts et 1,5 milliard par les banques), il resterait encore 1,8 milliard, a-t-il indiqué. Autre piste évoquée par le président du CFL : affecter aux collectivités 2 milliards d'euros de crédits non consommés par les agences de l'eau. Ces 2 milliards pouvant par exemple servir à financer les investissements locaux dans le domaine de l'assainissement.

Ne pas "jouer au père fouettard"

Au cours de la rencontre avec le chef de l'Etat, le président du CFL, à l'unisson avec les responsables des associations d'élus locaux, s'opposera à l'idée de moduler les dotations de l'Etat aux collectivités en fonction de critères de bonne gestion (par exemple les effectifs) avancée à plusieurs reprises à la fois par le gouvernement et le chef de l'Etat. Jacques Pélissard, le président de l'Association des maires de France (AMF), évoquait lui aussi le sujet la semaine dernière (voir notre article du 1er février), tout comme il évoquait d'ailleurs la nécessité d'une nouvelle enveloppe de prêts (voir notre article du 2 février).
Le principe de tels critères est inapplicable et, en plus, est contraire à l'article 72 de la Constitution qui garantit la libre administration des collectivités locales, avance Gilles Carrez. Pour le maire du Perreux-sur-Marne, auteur en 2010 d'un rapport sur le sujet, il faut "s'en tenir" au gel en valeur des dotations de l'Etat aux collectivités prévu jusqu'en 2014. Ajoutée à la limitation du pouvoir de taux des collectivités locales induite par la réforme de la fiscalité locale, cette mesure crée "un cadre très contraignant". De ce fait, "il ne faut pas en rajouter une couche et jouer au père fouettard avec les collectivités", estime-t-il. Il reconnaît toutefois que la hausse des effectifs des collectivités locales ("35.000 agents par an en plus pendant 20 ans") "n'est pas soutenable" et dit sa déception par rapport à l'intercommunalité qui n'a pas généré les économies attendues.
Ces arguments convaincront-ils le président de la République ? Dans l'attente des décisions qui seront prises suite à la réunion de vendredi, les collectivités peuvent déjà se réjouir : elles seront épargnées par les mesures d'économies inscrites dans le collectif budgétaire que le Conseil des ministres examinera ce 8 février. On se souvient que la loi de finances pour 2012 a réduit les concours de l'Etat aux collectivités de 200 millions d'euros par rapport au projet de loi initial du fait de la mise en oeuvre du plan de rigueur du 24 août dernier. Cette opération ne sera pas renouvelée, alors que 1,6 milliard de crédits vont être annulés dans le budget de l'Etat.
Les élus locaux devraient revenir vendredi prochain sur le thème des normes qui cristallise leur colère. Malgré le moratoire décidé par le Premier ministre en juillet 2010, le flux des textes soumis à la Commission consultative d'évaluation des normes (CCEN) ne faiblit pas et certains textes ayant reçu un avis défavorable de la commission sont malgré tout promulgués. Cette rencontre au sommet devrait donc se tenir dans une ambiance électrique.