Archives

Elus locaux - Mandats locaux, transparence et communication : 42 propositions au chef de l'Etat

Jean-Pierre Giran, député UMP du Var, a remis ce 14 février au secrétaire général de l'Elysée 42 propositions pour améliorer le fonctionnement de la démocratie locale. Dans ce rapport que lui a commandé en juin dernier le Président de la République, le député décrit la faiblesse d'une opposition politique locale, privée notamment de moyens d'expression. Renforcer la transparence et l'équilibre des pouvoirs : tel est le sens, estime-t-il, de ses préconisations. Il propose aussi une nouvelle réduction du cumul des mandats. Interview.

Localtis : Comment la démocratie locale se porte-t-elle aujourd'hui ?

Jean-Pierre Giran : Elle pourrait mieux fonctionner. Il y a un certain nombre de problèmes. Le premier, c'est que l'opposition locale n'a pas de réelle capacité à se faire entendre et que ses moyens sont insuffisants. Elle n'a ainsi aucun regard sur l'ordre du jour de l'assemblée locale, ne dispose que d'informations incomplètes et son droit à la communication est très limité : 1.000 mots dans un journal municipal de 32 pages ! Dans ce domaine de la communication en particulier, les progrès à faire sont importants. Songez que des collectivités achètent des pages entières dans la presse locale - en général le quotidien local qui est en situation de monopole - pour présenter leurs projets, en y faisant figurer la photo et le patronyme du chef de l'exécutif. Parfois, aussi, il s'agit de se prononcer contre les projets du gouvernement ou de la majorité nationale. Le citoyen n'a pas à financer cette communication de nature politique. En matière de transparence de la vie politique, il faut également avancer. Les modalités actuelles de l'écrêtement des indemnités des élus exerçant plusieurs mandats sont scandaleuses. Ceux-ci ne doivent plus pouvoir affecter librement à leur entourage les indemnités ayant fait l'objet d'un écrêtement. L'argent doit rester dans les caisses de la collectivité.
Il est temps de mettre un terme à tous ces dysfonctionnements. Au cours du mandat qui aujourd'hui prend fin, la démocratie nationale a été améliorée dans son fonctionnement. Plusieurs initiatives ont été prises : question prioritaire de constitutionnalité, présidence de la commission des finances de l'Assemblée nationale dévolue à un membre de l'opposition, partage de l'ordre du jour des assemblées entre le gouvernement et le pouvoir législatif, etc. La démocratie nationale a été réformée, alors même que ses problèmes étaient sans doute moins graves que ceux de la démocratie locale. Il s'agit donc, maintenant, d'améliorer le fonctionnement de la démocratie locale.

Quelles sont vos propositions ?

Pour rééquilibrer les pouvoirs au sein des collectivités, je propose d'organiser une séance du conseil municipal entièrement dédiée aux questions orales d'actualité et de donner à l'opposition une place plus importante. Dans les collectivités de plus de 3.500 habitants, un questeur serait obligatoirement issu de ses rangs et la présidence de la commission des finances lui reviendrait forcément. En matière de communication, il faut instaurer un débat au sein de l'assemblée locale sur les dépenses de communication et informer obligatoirement le citoyen sur leur coût. Il faut aussi que la parole de l'opposition soit clairement identifiée. C'est pourquoi, je propose d'autoriser l'opposition à publier son analyse sur une feuille indépendante pour toute diffusion d'un bulletin d'information de la collectivité ou d'un bilan de mandat de la majorité. Par ailleurs, le site officiel de la collectivité devrait prévoir une page dédiée à l'opposition, ou un lien vers un site éventuel de l'opposition. Pour renforcer la transparence de la vie politique locale, je propose de soumettre les principaux élus locaux à une déclaration d'intérêt, en début de mandat et à tout changement de situation. Le risque d'enrichissement illégal est bien plus présent chez les élus locaux que chez les parlementaires qui, eux, sont pourtant soumis à l'obligation de déposer une déclaration d'intérêt. Il est aussi indispensable de compléter le régime des incompatibilités, pour interdire notamment aux notaires d'être en même temps maire-adjoint à l'urbanisme. D'une manière plus générale, l'installation d'un déontologue départemental permettrait de prévenir et d'empêcher les conflits d'intérêts. Ce que proposait il y a un an la commission de réflexion pour la prévention des conflits d'intérêts dans la vie publique présidée par Jean-Marc Sauvé pour prévenir les conflits d'intérêts sur le plan national, est tout à fait applicable à l'échelon local. Mes propositions vont dans ce sens. Enfin, une réduction du cumul des mandats est nécessaire.

Quel est votre diagnostic sur ce sujet essentiel ?

Le maire d'une grande ville est aussi, souvent, le président de la communauté d'agglomération ou urbaine, ou encore membre du conseil général. Et il parraine les élus du même territoire, ou des territoires voisins. Cette intégration verticale de fiefs locaux réduit la possibilité pour les femmes et les jeunes d'accéder à la vie politique. Plus de diversité contribuerait à davantage d'équilibre. A ceux qui répondent que la diversité accrue des élus pourrait poser un problème de cohérence, je propose une solution : la création d'une conférence territoriale, qui serait l'occasion pour les élus locaux d'un même territoire d'échanger, tous les trimestres par exemple, sur les sujets d'intérêt général.
Certains avancent aussi que l'exercice de fonctions électives locales permettrait de mieux exercer les fonctions de parlementaire. Mais que dire alors des députés qui ne sont pas maires et des maires qui ne sont pas députés ? Seraient-ils des élus de seconde zone ?

Etes-vous pour une interdiction stricte du non-cumul ? Dès les prochaines élections locales ?

Une approche pragmatique doit être privilégiée car la société française est fragile. Dans un premier temps, il faudra améliorer le système actuel dans le sens d'une réduction du cumul des mandats. Ainsi, il serait interdit de cumuler une fonction ministérielle et un mandat local. De même, la présidence d'un EPCI de plus de 30.000 habitants serait intégrée à la liste des mandats locaux concernés par les règles de non-cumul. On pourrait également, pour donner plus de fluidité à la vie politique, fixer une limite d'âge, par exemple 70 ans, au-delà de laquelle il ne serait plus possible de se présenter à une élection.
Dans un second temps, il conviendrait de lancer un vaste débat national, pourquoi pas conclu par un référendum, qui pourrait aboutir à limiter encore, voire à interdire, le cumul des mandats. L'émergence du futur conseiller territorial, le rôle accru de l'Union européenne et donc du député européen, l'influence croissante des communautés d'agglomération, un acte supplémentaire éventuel de décentralisation ne pourront que pousser en ce sens. Un jour viendra sans doute où les citoyens appelleront de leurs vœux que soient plus clairement distingués les fonctions et le statut de l'élu local, de l'élu territorial, de l'élu national et de l'élu européen. La méthode choisie, par sa progressivité, permettra d'éviter de déstabiliser la vie politique locale et nationale.

Une limitation supplémentaire du cumul des mandats ne conduit-elle pas à revoir le statut de l'élu local ?

Je fais des propositions dans ce sens. On doit donner aux maires des petites communes une indemnité qui soit à la hauteur des responsabilités qu'ils exercent aujourd'hui. Sinon, on va décourager les vocations. Pour autant, je souhaite que l'exercice d'un mandat demeure un engagement qui ne se confond pas avec un métier. Je propose aussi de valoriser l'expérience des anciens élus ayant exercé deux mandats consécutifs dans des collectivités importantes. Ils pourraient directement figurer sur une liste d'aptitude de la fonction publique territoriale, avec cependant pour interdiction d'être embauchés dans la collectivité qu'ils ont dirigée.

Quelles suites vont être données à votre rapport ?

C'est un rapport que je remets au président de la République. Il peut nourrir sa réflexion et lui permettre, en fonction de l'évolution de notre société et de l'attente des citoyens, de choisir le rythme qui conviendra le mieux pour mettre en œuvre une évolution, à mon sens, inéluctable.

Propos recueillis par Thomas Beurey

Les élus et leurs mandats : les contributions se bousculent !

Faudrait-il y voir un effet de l'approche d'une nouvelle législature ? Le sort des élus locaux est à l'honneur… A l'honneur, en tout cas, de plusieurs rapports. Alors que Jean-Pierre Giran remettait son rapport à l'Elysée, la délégation aux collectivités du Sénat publiait de son côté un rapport d'information intitulé " Faciliter l'exercice des mandats locaux : réflexions autour du statut de l'élu". Signé Philippe Dallier et Jean-Claude Peyronnet, ce rapport se penche entre autres sur les conséquences de l'exercice d'un mandat sur la vie professionnelle et s'intéresse par conséquent à la façon d'améliorer le statut des élus locaux. Ce 14 février également, cette même délégation se réunissait en outre pour examiner un rapport de François-Noël Buffet et Georges Labazée sur le cumul des mandats.

 

Téléchargements

Pour aller plus loin

Voir aussi

Abonnez-vous à Localtis !

Recevez le détail de notre édition quotidienne ou notre synthèse hebdomadaire sur l’actualité des politiques publiques. Merci de confirmer votre abonnement dans le mail que vous recevrez suite à votre inscription.

Découvrir Localtis