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Cadres territoriaux - Conflits d'intérêts : la commission Sauvé prône une loi et met l'accent sur la prévention

La commission de réflexion pour la prévention des conflits d'intérêts dans la vie publique prône "l'élaboration d'une véritable stratégie de prévention". Si les élus locaux ne sont pas visés, les hauts cadres de la territoriale le sont.

Le chef de l'Etat avait commandé le rapport en septembre 2010, au moment où l'affaire Bettencourt battait son plein. "Il existe une attente de davantage de transparence à laquelle il convient de répondre, sauf à altérer la confiance de nos concitoyens dans les institutions de l'État et des collectivités territoriales", écrivait alors Nicolas Sarkozy dans la lettre de mission destinée à la commission. Celle-ci est composée de trois membres : Didier Migaud, premier président de la Cour des comptes, Jean-Claude Magendie, ancien premier président de la cour d'appel de Paris et Jean-Marc Sauvé, vice-président du Conseil d'Etat qui préside la commission. Conformément à la demande du président de la République, ceux-ci ont exclu généralement les élus locaux et les parlementaires de l'application des nouveaux dispositifs qu'ils préconisent, mais pas leurs proches collaborateurs, ni les hauts cadres de la fonction publique territoriale.
Ainsi, les déclarations d'intérêts, l'une des principales innovations qu'ils proposent de mettre en place, viseraient-elles les plus hauts cadres des collectivités d'au moins 30.000 habitants, de même que les responsables des sociétés d'économie mixte, sociétés publiques locales, groupements d'intérêt public et établissements publics. La déclaration d'intérêts serait souscrite au moment de la prise de fonctions et mise à jour chaque année ainsi qu'en cas de changement significatif de la situation de l'assujetti. Leurs déclarations ne seraient pas rendues publiques, contrairement à celles des membres du gouvernement.

Incompatibilités électives

Un autre corps de propositions soumis par les magistrats vise à restreindre les possibilités de cumul de fonctions ou d'activités. L'interdiction qui est faite aux agents publics de cumuler plusieurs activités serait étendue aux collaborateurs des cabinets "tant au niveau national que local". De plus, le directeur général ou le directeur général adjoint d'un établissement public de coopération intercommunale ne pourrait pas être en même temps conseiller municipal d'une commune membre de l'établissement. Introduite par voie d'amendement parlementaire dans la loi de réforme des collectivités territoriales, la mesure avait finalement été retoquée avant même la commission mixte paritaire. Le gouvernement et l'Association des maires de France notamment s'étaient prononcés contre (lire notre article du 31 mai 2010).
Enfin, les ministres devraient renoncer à l'exercice d'un "mandat exécutif" dans une collectivité ou un EPCI. La règle avait été en vigueur sous la présidence de Jacques Chirac, avant d'être délaissée par Nicolas Sarkozy à son arrivée à l'Elysée.
Concernant la mobilité de certains agents publics ou membres de cabinets vers des entreprises du secteur privé avec lesquelles ils ont eu un lien, les magistrats estiment que le dispositif actuel, très critiqué au moment de "l'affaire" Pérol, n'est pas satisfaisant. A la place, ils proposent un régime d'autorisation préalable délivrée par une autorité indépendante et pénalement sanctionnée en cas de non-respect.
Par ailleurs, le Code pénal serait modifié afin de préciser la définition de la prise illégale d'intérêts, et cela de manière "complémentaire" à la nouvelle rédaction prévue par la proposition de loi de simplification et d'amélioration de la qualité du droit (lire notre article du 15 décembre 2010).

La transparence sur les cadeaux à l'administration

Au-delà de ces mesures qui seraient initiées par une loi spécifique ainsi que par voie réglementaire, la commission prône la construction d'une "nouvelle culture de la déontologie". Avec l'aide de "déontologues" désignés dans les administrations, des dispositifs préventifs seraient mis en place, tels que des codes de bonne conduite et des chartes de déontologie. Les cadeaux d'un montant supérieur à 150 euros devraient être déclarés et "remis à la collectivité". Des formations sur la déontologie seraient dispensées dans les administrations et les écoles du service public. Enfin, les magistrats recommandent la mise en place de "mécanismes d'alerte" permettant à un agent de signaler un risque d'infraction sans risque de sanction.
Pour faire respecter les nouvelles règles, une autorité de déontologie de la vie publique, issue de la fusion de la commission de déontologie et de la commission pour la transparence financière de la vie politique, serait créée.
L'association Transparence international France s'est félicitée de la "solidité" des mesures proposées. Mais elle a regretté, en particulier s'agissant de l'obligation de déposer une déclaration d'intérêts, qu'elles ne s'appliquent pas aux "parlementaires et aux élus des grandes collectivités". 
Nicolas Sarkozy compte demander à François Fillon de préparer un projet de loi sur la déontologie dans la vie publique "qui sera déposé au cours de cette année", a annoncé l'Elysée dans un communiqué après la remise du rapport. "Le rapport qui a été remis contient beaucoup de propositions. On va donc regarder avec les parlementaires quelles sont celles qu'on retient dans un projet de loi", a pour sa part déclaré le Premier ministre.

 

 

 

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