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Démocratie locale - "Trop souvent, les droits des élus minoritaires sont bafoués"

Dans les collectivités, les élus de l'opposition ont parfois beaucoup de peine à exercer leur mandat dans des conditions normales. L'Association nationale des élus locaux d'opposition (Aelo) le rappellera à l'occasion de la première université qu'elle tiendra le 22 octobre, à Nogent-sur-Marne. Sa présidente, Clotilde Ripoull, conseillère municipale de Perpignan, détaille ses propositions à Localtis.

Localtis : L'Aelo agit pour défendre les droits des élus locaux d'opposition. Quelle est la situation dans ce domaine ?

Clotilde Ripoull : Régulièrement, des élus locaux de l'opposition voient des droits fondamentaux que la loi leur octroie bafoués par la majorité ou l'exécutif de la collectivité. Les cas les plus fréquents concernent le droit d'expression de l'opposition dans les tribunes libres des journaux ou sur les sites internet des collectivités. Lorsqu'ils ont voix au chapitre, ce qui n'est pas le cas de tous, ces élus doivent parfois se contenter d'un espace très réduit pour exprimer leur point de vue. D'autres restrictions concernent l'information des élus. Les dossiers qui accompagnent les projets présentés lors de la réunion de l'assemblée locale peuvent s'avérer trop succincts. Et lorsqu'en tant qu'élu de l'opposition, on demande un complément d'information, on ne l'obtient pas toujours. Par ailleurs, lors des réunions du conseil, les prises de parole de l'opposition peuvent être réduites de manière abusive. Ceux dont les droits n'ont pas été respectés font parfois appel au préfet. Mais celui-ci fait la sourde oreille ou se contente de répondre qu'il faut saisir le tribunal administratif. C'est ce que font certains élus. Mais la procédure est longue et ainsi l'exécutif gagne du temps.

Comment les choses évoluent-elles depuis quelques années ?

Il est difficile de savoir comment la situation évolue. Mais on peut faire un certain nombre de constats. D'abord, les manquements à la légalité que nous dénonçons ne sont pas liés à l'étiquette politique des élus. Les autocrates, comme les démocrates, sont dans tous les camps. On observe aussi que la répétitivité des mandats n'est pas un facteur favorable à l'amélioration des droits de l'opposition. Au bout de plusieurs années d'exercice du mandat, certains maires ou présidents ont tendance à considérer qu'ils peuvent agir en toute impunité. Ensuite, l'approche d'échéances électorales, comme nous le vivons actuellement, conduit indéniablement à des crispations, même de la part d'exécutifs qui habituellement veulent entretenir des relations apaisées avec leur opposition.

Quelles sont vos propositions pour remédier aux difficultés que vous dénoncez ?

Pour faire respecter les droits des élus, nous préconisons la création d'un médiateur des élus, nommé par le président de la République ou le Sénat. Cette personnalité pourrait intervenir dans les conflits entre les élus, en faisant un certain nombre de demandes exécutoires via les préfets. De plus, il élaborerait un rapport sur l'état de la démocratie locale, pointant notamment les dérives. S'agissant ensuite de la communication publique locale (journaux de collectivités, propagande, etc.), il faudrait plus de transparence sur son coût – qui est probablement élevé. L'opposition devrait y trouver sa place, de manière claire. On propose par ailleurs que les élus reçoivent les dossiers relatifs à la séance du conseil dix jours avant et non cinq comme aujourd'hui, ce qui laisse très peu de temps aux intéressés. Autre point important : l'opposition devrait être obligatoirement présente dans toutes les commissions et tous les organismes, ce qui n'est pas le cas aujourd'hui. Enfin, il faut une véritable représentation de l'opposition dans les conseils des communautés. On a laissé jusqu'à présent ce sujet au bon vouloir du maire. Résultat : beaucoup ne désignent aucun élu de l'opposition pour représenter la commune au conseil communautaire. La loi de réforme des collectivités territoriales va heureusement permettre de faire des progrès dans ce domaine.
Globalement, il faudrait que dans les assemblées électives locales, le débat démocratique fonctionne comme il existe, au niveau national, au Parlement. Mais, je remarque que cette idée n'est pas toujours admise, y compris dans l'opinion publique. Il est en effet admis qu'au niveau national, l'opposition s'exprime facilement. Mais cela ne va pas encore totalement de soi sur le plan local. C'est un paradoxe, car la décentralisation a accordé énormément de pouvoirs aux institutions décentralisées.

L'enjeu de votre combat, c'est celui du bon fonctionnement de la démocratie locale…

A une époque où l’engagement politique est difficile, où les électeurs ne vont pas voter facilement, on a une masse d’élus qui font de la politique par engagement citoyen et sans être rémunérés. Qu'ils se retrouvent bafoués dans leurs droits, et en plus sans recours et sans assistance possibles, c'est inadmissible.


Une association apolitique au service des élus locaux d'opposition

Créée en 2010, l'Association nationale des élus locaux d'opposition (Aelo) compte aujourd'hui 150 membres, de gauche, du centre ou de droite. Strictement apolitique et totalement indépendante de tout parti, elle soutient ses membres dans leurs missions et lorsque les droits et les prérogatives des élus d’opposition sont remis en cause. Elle a aussi pour objectif de promouvoir et défendre le statut des élus locaux d’opposition au niveau national. C'est ce qu'elle vient de faire, le mois dernier, en présentant ses propositions au député Jean-Pierre Giran, que le président de la République a chargé d'une mission sur l'amélioration de la démocratie locale.
Chaque année, l'association décerne des "bonnets de Marianne" à des maires ou présidents d'exécutifs locaux qui se sont montrés exemplaires dans le respect des droits de l'opposition locale. Des "bonnets d'âne" sont aussi remis à des élus qui ont été condamnés devant le tribunal administratif.

 

 

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