Communication - Le droit d'expression dans les publications réservé à l'opposition ?
Thème récurrent des questions parlementaires, le droit d'expression des élus dans les supports de communication des collectivités territoriales revient sur le devant de la scène. Dans une question écrite, Joseph Kergueris, sénateur du Morbihan, s'interroge en effet sur la cohérence des réponses ministérielles et des décisions des juridictions administratives en la matière. Ses interrogations portent plus précisément sur la question suivante : ce droit d'expression est-il réservé aux seuls élus d'opposition ou s'étend-il aussi à ceux de la majorité ? Citations d'arrêts à l'appui, le sénateur souligne en particulier les "jugements pour le moins contradictoires" rendus sur ce point par les tribunaux administratifs dans les années récentes. A l'inverse, il estime que, sur ce même sujet, "les réponses ministérielles sont toutes sans équivoque et consacrent pleinement l'expression des élus majoritaires dans les bulletins municipaux d'information". Dans ces conditions - et "compte tenu des contentieux susceptibles de survenir" et de "la nécessité de garantir le droit d'expression de la minorité politique, mais aussi celle de la majorité municipale en place" -, il souhaite connaître la position du gouvernement en la matière. Il désire également connaître les mesures que le ministre en charge des Collectivités territoriales compte, le cas échéant, prendre pour lever toute ambiguïté sur cet espace d'expression accordé aux élus dans le bulletin municipal d'information des communes de 3.500 habitants et plus.
Des règles différentes pour les communes et les départements
Le problème est qu'il n'y a pas de réponse univoque à cette question. Tout dépend en effet de quoi l'on parle. Tout d'abord - et contrairement à ce qu'indique le sénateur dans sa question -, dire que les réponses ministérielles "consacrent pleinement l'expression des élus majoritaires dans les bulletins municipaux d'information" constitue un raccourci un peu rapide. La réponse à la question n°119861 du 15 mai 2007 - évoquée par le sénateur Kergueris - conclut au contraire que l'article L.2121-27-1 du Code général des collectivités territoriales réserve cet espace d'expression à la seule opposition (voir notre article ci-contre du 11 juin 2007). Celui-ci doit donc être identifié en tant que tel et d'autres espaces d'expression éventuels ne doivent pas empiéter sur ce dernier. Il est toutefois possible, à côté de cet espace "sanctuarisé" pour l'opposition, de prévoir un espace pour les élus majoritaires. Le ministre de l'Intérieur confirme cette position dans sa réponse du 2 décembre 2010. Il convient cependant de distinguer entre les départements et les communes. Pour les premiers, la loi du 27 février 2002 relative à la démocratie de proximité prévoit qu'un espace d'expression est réservé, dans les bulletins d'information générale diffusés par le département, à l'expression "des groupes d'élus", ce qui inclut à la fois l'opposition et la majorité. En revanche, pour les communes de plus de 3.500 habitants, la même loi prévoit qu'un espace d'expression est réservé, dans les bulletins d'information générale diffusés par la commune, "aux conseillers n'appartenant pas à la majorité municipale". Pour le ministre de l'Intérieur, il en résulte que "le règlement intérieur du conseil municipal doit définir l'espace d'expression consacré aux seuls élus minoritaires au sein du conseil". Compte tenu de "l'interprétation rigoureuse" des tribunaux administratifs, il importe donc que le directeur de la publication veille "à ce que la tribune politique dont les conseillers municipaux minoritaires doivent disposer apparaisse comme telle".
Référence : question écrite n°09519 de Joseph Kergueris, sénateur du Morbihan, et réponse du ministre de l'Intérieur, de l'Outre-Mer, des Collectivités territoriales et de l'Immigration (JO Sénat du 2 décembre 2010).