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Communication - Jusqu'où s'étend la responsabilité du directeur de la publication ?

Dans une question écrite, Jean-René Lecerf, sénateur du Nord, soulève une difficulté à laquelle peuvent être confrontés certains responsables de publications de collectivités territoriales. Il souhaite en effet savoir comment s'articulent la responsabilité du directeur de la publication (généralement le responsable de l'exécutif ou le directeur général des services) et le droit d'expression des conseillers n'appartenant pas à la majorité municipale, tel qu'il résulte - pour les communes - de l'article L.2121-27-1 du Code général des collectivités territoriales (CGCT). De façon plus concrète, il se demande si un maire peut, en qualité de directeur de la publication, "s'opposer à la parution d'un article rédigé par un conseiller d'opposition, qui risquerait d'être diffamatoire à l'égard d'un tiers".
Dans sa réponse, la ministre de l'Intérieur reconnaît que le refus, par les conseillers d'opposition, de modifier un article dont le contenu pourrait être diffamatoire "pourrait mettre le directeur de publication dans une situation délicate". En effet, l'article 42 de la loi du 29 juillet 1881 fait du directeur de la publication l'auteur principal des crimes et délits commis par voie de presse, les auteurs effectifs étant considérés comme complices en vertu de l'article 43 de cette même loi. Cette interprétation littérale de la loi de 1881 sur la presse devrait toutefois connaître quelques atténuations dans la pratique, même s'il n'existe pas encore, sur ce point, de jurisprudence visant les supports de collectivités. La réponse ministérielle précise ainsi qu'"il ne semble pas [...] que le respect des dispositions de la loi relative à la démocratie de proximité rende le directeur de publication passible des peines encourues pour les délits par voie de la presse". En cas d'injure ou de diffamation, seuls les auteurs effectifs (au sens littéraire du terme) seraient alors passibles des sanctions prévues par la loi du 29 juillet 1881. Pour étayer cette réponse, le ministère s'appuie sur un arrêt de la Cour de cassation du 17 octobre 1995 (concernant par conséquent l'ordre civil). Celui-ci relaxe un directeur de publication qui avait fait paraître, sous la rubrique "Annonces légales", une décision disciplinaire considérée par l'intéressé comme diffamatoire, mais dont la publication avait été faite sur une réquisition visant un article du Code de la sécurité sociale. La Cour de cassation avait alors considéré que la décision attaquée "se trouve justifiée, dès lors que le directeur de publication d'un journal ne saurait encourir aucune responsabilité du fait de l'insertion d'une annonce dont il ne peut légalement se dispenser". Cette jurisprudence pourrait donc être évoquée dans le cas d'une publication de collectivité.
Dans sa réponse, la ministre de l'Intérieur suggère néanmoins aux directeurs de publications concernées de prendre une précaution supplémentaire. Dans une décision du 8 mars 2007, la cour administrative d'appel de Versailles a en effet rappelé que "le directeur de publication a la possibilité d'assortir les écrits mettant en cause une personne d'un article rectificatif pour démentir des faits qu'il considérerait comme inexacts".

 

Jean-Noël Escudié / PCA

 

Références :  Sénat, question écrite numéro 03628 de Jean-René Lecerf, sénateur du Nord, et réponse de la ministre de l'Intérieur, de l'Outre-mer et des Collectivités territoriales (JO Sénat du 1er mai 2008).