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Logement - Majoration des droits à construire : les sénateurs votent le texte de suppression et prennent date avec la ministre

Sans surprise, le Sénat a voté, le 10 juillet, en première lecture, l'abrogation de la loi sur la majoration des droits à construire. Les parlementaires ont saisi l'occasion de ce premier débat avec Cécile Duflot, ministre de l'Egalité des territoires et du Logement, devant la Haute Assemblée, pour soulever des sujets qui ne manqueront pas de revenir dans l'actualité.

Le Sénat a adopté, mardi 10 juillet, le projet de loi visant à abroger la loi 2012-376 du 20 mars 2012 relative à la majoration des droits à construire. Il a suivi ainsi la position de sa commission des finances (voir notre article ci-contre du 6 juillet 2012). Compte tenu de la procédure accélérée engagée par le gouvernement et de la nécessité de ne pas dépasser l'échéance du 20 septembre, le texte sera certainement adopté par l'Assemblée nationale, le 25 juillet, dans des termes identiques.
Le texte voté par le Sénat reprend l'unique amendement adopté par la commission des finances. Celui-ci met en place "un dispositif transitoire respectueux du principe de libre administration des collectivités territoriales". Il prévoit en effet que toute majoration des droits à construire née du dispositif automatique créé par la loi du 20 mars 2012 reste applicable aux demandes de permis et aux déclarations déposées avant le 1er janvier 2016, c'est-à-dire jusqu'au terme fixé par la loi. En sens inverse, les collectivités territoriales concernées pourront, à tout moment, adopter une délibération pour mettre fin à l'application de cette majoration, comme le prévoyait également la loi du 20 mars 2012. L'objectif de cette mesure est de ne pas léser les communes et les propriétaires - au demeurant peu nombreux - qui se seraient déjà saisis de la possibilité offerte par la loi du 20 mars 2012.

Resurgir à une autre occasion

Pour le reste, si aucun des dix amendements déposés n'a été adopté, ils ont servis à prendre date avec la ministre. Ainsi celui de Philippe Kaltenbach, sénateur (PS) des Hauts-de-Seine (qui a déposé la première des trois propositions de loi tendant à abroger la loi du 20 mars 2012, voir notre article ci-contre du 5 juin 2012), finalement retiré par son auteur, sonnait curieusement comme un hommage à une disposition du texte en déconstruction et pourrait bien resurgir à une autre occasion. Il proposait de conserver une "avancée permise par la loi", en l'occurrence l'obligation faite aux collectivités de rendre compte aux citoyens des observations recueillies dans le cadre de la note d'information du public prévue par la procédure liée à l'application, ou à la non application, de la majoration des droits à construire. L'amendement proposait de maintenir cette obligation pour les trois autres cas - qui subsistent - de dérogation sur les droits à construire, mais aussi de l'étendre à l'élaboration ou la modification des plans locaux d'urbanisme. Le rapporteur et Cécile Duflot s'y sont déclarés défavorables, mais la ministre du Logement a cependant concédé que "la question de fond est pertinente" et qu'elle "devra être reposée dans le cadre du projet de loi à venir" (sur l'urbanisme).
Jacques Chiron, sénateur de l'Isère, a également retiré un amendement sur le thème de l'urbanisme en prévenant : "Je souhaite que l'on y revienne." "Les règles d'urbanisme contenues dans les documents approuvés d'un lotissement ne peuvent supplanter les règles d'un PLU en vigueur", proposait-il pour ne plus "permettre à des opérateurs privés de prévoir des densités très inférieures à celles que prévoit le PLU". "Cela fait partie du cahier des charges qui sera celui de madame la ministre pour simplifier les règles d'urbanisme", a commenté le rapporteur Daniel Raoul en demandant le retrait. Ministre qui, signe positif pour Jacques Chiron, a assuré "comprendre l'intention".

L'élaboration des CDT repoussée d'un an

Le sénateur Vincent Eblé, par ailleurs président du conseil général de Seine-et-Marne, avait déposé un amendement relatif au Grand Paris visant à reporter la date butoir d'élaboration des CDT (contrats de développement territoriaux) pour la rendre compatible avec celle du Sdrif (schéma directeur de la région Île-de-France) en cours de révision. Il a également proposé que la région et les départements soient cosignataires de ces contrats, le texte en vigueur marquant par exemple, selon lui, "une grande défiance envers la région". L'amendement a été retiré, mais Vincent Eblé a eu sa réponse : "Je prendrai bientôt des dispositions visant à repousser le délai d'un an et ai déjà demandé au préfet de région d'assouplir les modalités de dialogue", l'a rassuré Cécile Duflot avant d'ajouter "le lien avec le schéma directeur sera assuré".
Assumant le fait que son amendement "est un cavalier", Valérie Létard s'est faite "l'avocate de l'Epinorpa", l'établissement public de gestion immobilière du Nord-Pas-De-Calais qui gère 61.000 logements "très dégradés" du bassin minier, et qui gagnerait, selon la sénatrice du Nord, à changer de statut pour "devenir une Sem capable de construire, de requalifier, de traiter la gestion locative comme tout autre bailleur social". "J'ai entendu cet appel", a assuré la ministre, "vous pouvez compter sur l'engagement du gouvernement ".

"Le logement ne doit pas être réduit à une niche fiscale"

Cécile Duflot a elle aussi profité de la tribune du Sénat pour rappeler quelques grandes mesures en matière d'offre de logement (mobilisation "facilitée et simplifiée" de foncier public, fiscalité spécifique sur les terrains privés constructibles pour "lutter contre la rétention foncière"…). En matière d'investissement des particuliers, la ministre a annoncé que "des contreparties sociales et des contrôles devront être adossés aux mesures d'incitation fiscale à l'investissement locatif", soulignant que "le logement ne doit pas être réduit à une niche fiscale : on ne devient pas, et on ne doit pas devenir, propriétaire bailleur uniquement pour payer moins d'impôts".
Quand à la loi du 20 mars, la ministre et la majorité ont à nouveau dénoncé un texte "improvisé" et "inefficace", un "dispositif redondant" avec les possibilités de dérogation existantes, une "source d'insécurité juridique", des "effets pervers importants"... L'opposition a regretté que la proposition de loi se contente d'une abrogation pure et simple, sans proposition de dispositif alternatif. "En revenant sur cette loi, la gauche s'oppose à l'idée de construire plus", a estimé, par voie de communiqué, l'ancien ministre du Logement, Benoist Apparu, aujourd'hui député de la Marne. Le débat à l'Assemblée nationale, fin juillet, promet d'être plus virulent.

Références : proposition de loi visant à abroger la loi n° 2012-376 du 20 mars 2012 relative à la majoration des droits à construire (adoptée en première lecture par le Sénat le 10 juillet 2012).

 

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