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Economie - Nicolas Sarkozy : la relance par le logement ?

"Pour les trois ans qui viennent, tout terrain, toute maison, tout immeuble, verra ses possibilités de construction augmenter de 30%", a annoncé dimanche le chef de l'Etat. Les autres mesures, qui seront pour une part présentées en Conseil des ministres dès le 8 février, concernent la TVA, la création d'une "banque de l'industrie", les "accords compétitivité-emploi", l'apprentissage... et l'éventuelle modulation des dotations de l'Etat aux collectivités en fonction de leur "sagesse".

Le chef de l'Etat a annoncé, lors de son intervention télévisée du dimanche 29 janvier, une série de "mesures-chocs" devant permettre de sortir de la crise - des réformes d'urgence centrées sur la bataille contre le chômage, qui a atteint son plus haut niveau depuis douze ans, et sur la nécessité d'améliorer la compétitivité des entreprises.
Il a ainsi évoqué une hausse de la TVA, un relèvement de la CSG sur les revenus financiers, la création dès février d'"une banque de l'industrie", des sanctions accrues visant à doper l'apprentissage… et la possibilité pour l'Etat de "moduler" ses dotations aux collectivités.
Mais l'une des mesures les plus concrètes de dimanche est sans doute celle qui concerne le champ du logement, avec l'annonce d'une hausse temporaire du coefficient d'occupation des sols. Explication de texte.
Le chef de l'Etat a indiqué avoir "décidé que, pour les trois ans qui viennent, tout terrain, toute maison, tout immeuble, verra ses possibilités de construction augmenter de 30%". Autrement dit, le coefficient d'occupation des sols (COS) sera majoré de 30%, pour les constructions existantes (extensions) comme pour les constructions neuves. Ce "bonus de COS" ne dispense toutefois pas de l'obtention d'un permis de construire pour ce qui concerne les constructions neuves. La formulation semble en revanche plus ambiguë pour les extensions. La mesure s'adresse à l'ensemble des opérateurs potentiels, dont les treize millions de propriétaires individuels.
Elle semble toutefois viser davantage le soutien à l'industrie du bâtiment - menacée par la crise économique et les inquiétudes sur le crédit - que l'accroissement direct de l'offre de logements. Le chef de l'Etat a d'ailleurs indiqué que cette disposition "va donner un travail formidable à l'industrie du logement", tout en créant des emplois "non délocalisables". Cette mesure devrait être d'ordre public. Ainsi, une commune qui ne souhaiterait pas la mise en oeuvre de ce bonus devra en passer par une délibération écartant expressément son application (avec les risques de recours qui ne manqueront pas d'en découler). Une formule compliquée, mais rendue indispensable par le fait qu'il s'agit d'une mesure dérogatoire aux compétences des collectivités territoriales, auxquelles il appartient d'élaborer le PLU (ou le POS) et le COS.
Par ailleurs, les dispositions correspondantes - qui seront intégrées à un projet de loi plus large qui devrait être présenté en Conseil des ministres dès le 8 février -, devraient également comprendre d'autres mesures d'allègement des règles d'urbanisme, indispensables pour accompagner le relèvement généralisé du COS : modifications des règles relatives à la hauteur et au gabarit des bâtiments, révision de la taille minimum pour une parcelle constructible...

Le modèle du Grenelle et de la loi Apcipp

Si la mesure est spectaculaire - les droits à construire en France progressent d'un coup de 30% -, elle n'est pas véritablement une première. Le "bonus de COS" a en effet été mis en place dans le cadre du Grenelle de l'environnement. Il existe ainsi - mais de façon beaucoup plus ciblée - pour la construction de logements très peu consommateurs d'énergie, labellisés BBC (bâtiment basse consommation) ou THPE EnR (très haute performance énergétique - énergies renouvelables). Les opérations concernées bénéficient alors déjà d'une augmentation du COS de 30%.
Par ailleurs, la mesure annoncée par le chef de l'Etat s'inscrit clairement dans le même esprit que la loi Apcipp (accélération des programmes de construction et d'investissements publics et privés) du 17 février 2009 : alléger les contraintes et simplifier les procédures pour inciter les opérateurs économiques à s'engager. Le rapport d'information sur la mise en oeuvre de cette loi - présenté en mars dernier et cosigné par deux députés de la majorité et de l'opposition - montre que ce type d'approche par l'allègement des normes s'est révélé plutôt efficace pour faire face aux effets de la crise économique dans le secteur du logement et des travaux publics (voir notre article ci-contre du 16 mars 2011).
En revanche, Nicolas Sarkozy a vigoureusement écarté la mesure d'encadrement des loyers proposée par François Hollande. Estimant que "cela n'a marché nulle part", il a affirmé que "c'est exactement le contraire de ce qu'il faut faire". Bien que la mesure ait été étudiée par le gouvernement dans la perspective de son intervention télévisée, il a également exclu la cession gratuite de terrains appartenant à l'Etat afin d'accroître l'offre foncière et de réduire ainsi le coût des logements. Pour Nicolas Sarkozy, une telle idée "consiste à ruiner l'Etat en demandant à l'Etat de donner des terrains aux collectivités territoriales, lesquelles pourront faire ce qu'elles veulent, y compris les vendre à des promoteurs". S'il n'est pas question de "brader" le patrimoine foncier de l'Etat - ce qui serait pour le moins délicat en période de redressement budgétaire -, le président de la République n'a cependant pas fermé la porte à d'autres mécanismes. Le gouvernement devrait ainsi prendre des mesures favorisant la mise à disposition de terrains disponibles de l'Etat, des collectivités et des entreprises publiques, grâce notamment au recours au bail emphytéotique.
A noter également que le chef de l'Etat n'a pas évoqué d'autres dispositions pourtant étudiées par le gouvernement après l'annonce de "mesures extrêmement puissantes" lors du sommet social du 18 janvier (voir notre article ci-contre du même jour). Parmi ces dispositions potentielles figuraient notamment - aux côtés du "bonus de COS" - le lancement d'un "Grenelle des normes et des coûts de construction", un durcissement de la fiscalité à l'encontre des propriétaires de terrains pratiquant la rétention foncière, la mise en place d'une aide en faveur des communes qui construisent en zone tendue ou encore un renforcement des sanctions pour les villes qui ne respectent pas les obligations de la loi SRU (solidarité et renouvellement urbain) sur la construction de logements sociaux. Mais certaines de ces mesures pourraient bien se retrouver rapidement dans le programme du - futur - candidat à la présidentielle. Et, dans l'immédiat, il n'est pas exclu que l'on en sache plus à l'issue de la réunion qui devait se tenir ce lundi 30 janvier en fin de journée au ministère de l'Ecologie, où Nathalie Kosciusko-Morizet et Benoist Apparu devaient réunir des "représentants des professionnels de l'immobilier et de la construction" pour un échange de vues sur ce chantier.

Hausse de la TVA… et modulation des dotations ?

François Fillon a précisé lundi qu'un "projet de loi sur les mesures relatives au logement" serait présenté le 8 février. Et que le gouvernement présenterait le même jour un projet de loi de finances rectificative destiné à mettre en oeuvre le nouveau paquet de mesures économiques annoncées dimanche soir… notamment les mesures sur la TVA et la CSG.
Le chef de l'Etat a en effet confirmé une hausse du taux normal de TVA de 1,6 point, lequel passerait de 19,6% à 21,2%. Les taux réduits ne seraient en revanche pas affectés. Par ailleurs, la CSG sur les revenus financiers serait relevée de deux points. Deux mesures qui viendraient compenser une baisse de 13 milliards d'euros des charges patronales.
Cette annonce d'une hausse du taux normal de TVA "représentera un coût supplémentaire de l’ordre de 150 millions d’euros" pour les collectivités, a calculé et fait savoir dès lundi Philippe Laurent, président de la commission des finances de l’Association des maires de France. "Ajoutée à la hausse récente du taux réduit de 5,5% à 7%, l’Etat prélève ainsi en quelques semaines 300 millions d’euros" sur ces mêmes collectivités, estime le maire de Sceaux, qui y voit une "contradiction" : "La TVA est essentiellement payée sur les contrats de marchés publics, qui permettent d’organiser le service public en recourant aux entreprises, donc sans embauche de fonctionnaires. Exactement ce que souhaite le gouvernement et qu’en même temps il pénalise", commente Philippe Laurent.
Une autre idée élyséenne ne devrait pas manquer, elle non plus, de susciter des réactions, même si elle se situe dans le droit fil de ce qui avait déjà été dit, par exemple, le 11 janvier lors des voeux de Nicolas Sarkozy aux parlementaires : l'idée de "moduler" les dotations de l'Etat aux collectivités. "Il y a trois facteurs de déficit. L'Etat, on s'en occupe, la sécurité sociale qui a fait des efforts considérables sur la réforme des retraites. Reste les collectivités territoriales", a-t-il déclaré, avant de poursuivre : "Nous envisageons un certain nombre de mesures. Peut-être même faudra-t-il jusqu'à se demander si on ne devrait pas moduler les dotations [de l'Etat aux collectivités] en fonction de leur sagesse en la matière", a-t-il poursuivi, "pour que personne ne puisse s'exonérer d'un effort de discipline".
Interrogé lundi sur LCI, le ministre de l'Intérieur, Claude Guéant, que l'on entend rarement s'exprimer sur les finances locales, a précisé qu'une "concertation" était prévue avec les collectivités avant l'éventuelle mise en oeuvre d'une modulation de leurs dotations. Peut-être faisait-il ainsi allusion à la réunion annoncée le 11 janvier par le président de la République : il avait alors fait savoir qu'il comptait réunir les associations d'élus locaux courant février pour aborder avec elles la fameuse question de la participation des collectivités à la maîtrise des dépenses publiques et des effectifs. En sachant que depuis, apparemment, personne n'a eu de nouvelles quant à la préparation de cette réunion.
"Il y a aujourd'hui une anomalie : c'est que l'Etat serre la vis pour ce qui le concerne, il fait des économies considérables, mais les collectivités locales ne le font pas", a insisté Claude Guéant sur LCI, ajoutant : "Nous allons discuter avec elles et je pense que nous pouvons trouver un certain nombre de responsables de bonne volonté pour nous permettre d'arriver dans la concertation. Sinon, nous pourrions moduler les dotations afin de parvenir à une meilleure discipline collective." Et le ministre de l'Intérieur, toutefois, de préciser : "Il n'est pas question de mettre les collectivités locales sous tutelle. Ce serait contraire à la Constitution."

Entreprises : une banque, des accords et des sanctions

S'agissant du volet "compétitivité" de l'entretien télévisé de dimanche, on retiendra notamment la création d'une "banque de l'industrie" pour soutenir les PME : "Nous allons créer une banque de l'industrie, filiale d'Oséo, qui est la banque des PME, parce que des chefs d'entreprise me le disent tous les jours, les banques ne prêtent pas assez". Cette entité verra le jour "dès le mois de février" et sera dotée "d'un milliard de fonds propres", a précisé Nicolas Sarkozy. L'Elysée a ensuite précisé à l'AFP que ce milliard d'euros en capital proviendrait d'un "redéploiement" d'une fraction des 35 milliards affectés aux "investissements d'avenir". Les arbitrages sur les secteurs qui verront leur enveloppe diminuer d'autant doivent encore être rendus, a-t-on ajouté de même source.
Cette filiale d'Oséo proposera aux PME (moins de 250 salariés) et aux établissements de taille intermédiaire (entre 250 et 5.000 salariés) du secteur industriel les mêmes opérations que celles réalisées par Oséo : garanties, innovation, prêts et prêts participatifs, a-t-on expliqué à la présidence. Pas question en revanche qu'elle prenne des participations dans les entreprises, tâche dévolue au fonds stratégique d'investissement (FSI).
La filiale sera créée juridiquement dans le cadre du projet de loi de finances rectificative présenté en février. Mais "sans attendre qu'elle voie le jour, une première tranche de 500 millions d'euros sera très rapidement versée directement à Oséo pour faire des prêts participatifs", a-t-on précisé de source gouvernementale.
Autre dispositif : les "accords compétitivité-emploi", sur lesquels Nicolas Sarkozy appelle les partenaires sociaux à négocier dans les deux mois. Le principe de ces accords : permettre aux entreprises de négocier le temps de travail des salariés en fonction de l'activité du moment, avec une réduction souvent proportionnelle du salaire, en échange d'une garantie de maintien des emplois.
Enfin, le chef de l'Etat a annoncé un prochain texte prévoyant qu'entre 2012 et 2015, les entreprises devront accueillir 5% de jeunes apprentis, contre 4% actuellement, et doublant les sanctions en cas de non-respect. En 2011, le taux avait déjà été relevé de 3 à 4%. Il est en réalité actuellement de 1,7 apprenti en moyenne dans les entreprises de plus de 250 salariés. "Il existe des grandes entreprises qui préfèrent payer des amendes plutôt que d'embaucher des jeunes, ce n'est pas acceptable", a regretté Nicolas Sarkozy.