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Emploi - Sommet social : mesures d'urgence et grands chantiers

430 millions d'euros vont être redéployés au sein du budget de l'Etat pour financer les "mesures d'urgence" annoncées par Nicolas Sarkozy dans le cadre du sommet de crise, le 18 janvier. Le président a également ouvert de nombreux chantiers, notamment une nouvelle "réforme radicale de la formation" ou la création d'un établissement dédié au financement de l'industrie... L'ARF s'est offusquée de n'avoir pas été invitée. Les réactions des syndicats et du patronat sont pour leur part mitigées.

Nicolas Sarkozy et les partenaires sociaux se sont retrouvés le 18 janvier 2012 à l'Elysée pour un sommet social, devenu "sommet de crise". Les représentants de cinq confédérations syndicales (CGT, CFDT, FO, CFTC, CFE-CGC) et de trois organisations patronales (Medef, CGPME, UPA) étaient présents, aux côtés du président de la République et de sept ministres. Seuls absents du débat : les représentants des régions, pourtant détentrices d'une compétence de poids dans la discussion, la formation professionnelle. Alain Rousset, président de l'Association des régions de France (ARF) n'a pas manqué de le souligner. "Dès lors que les politiques de l'emploi et donc les questions de formation professionnelle vont se retrouver nécessairement au centre de telles discussions, il nous semblerait naturel que les collectivités qui en ont au premier chef la charge puissent faire valoir leurs positions, mais aussi leurs suggestions", a-t-il ainsi déploré dans une lettre adressée à Nicolas Sarkozy.
Après les mesures du plan de relance de décembre 2008, le plan d'urgence pour l'emploi des jeunes d'avril 2009, le plan rebond de juin 2010, la loi Cherpion sur l'alternance, Nicolas Sarkozy a annoncé de nouvelles mesures d'urgence pour un coût total estimé à 430 millions d'euros et financé entièrement par redéploiement des crédits du budget de l'Etat. Un budget qui pourrait se monter à 800, voire 900 millions d'euros, avec l'intervention du fonds social européen (FSE) et des fonds dont les partenaires sociaux ont la responsabilité, dont le fonds paritaire de sécurisation des parcours professionnels (FPSPP).
Première de ces mesures : développer le chômage partiel afin de "tout faire pour éviter de couper le lien entre le salarié et son entreprise, tout faire pour maintenir les salariés en activité fût-ce en activité partielle, tout faire pour former les salariés pendant leur temps libre forcé plutôt que de les licencier". 100 millions d'euros supplémentaires vont être dégagés pour répondre à une augmentation des demandes. Les procédures vont être simplifées (les délais d'instruction vont passer de 20 à 10 jours). Le président préconise aussi un renforcement du contenu en formation pour les salariés et une meilleure attractivité du dispositif pour les entreprises. Le dispositif permet aux entreprises de réduire ou suspendre temporairement l'activité de tout ou partie de leurs salariés. Les salariés reçoivent quant à eux une rémunération, inférieure à leur rémunération habituelle, financée par l'Etat, l'entreprise et dans certains cas l'Unédic. "Le recours à l'activité partielle, s'il s'est fortement développé en 2009-2010, reste encore très en deçà de ce qui se pratique dans de nombreux pays européens, malgré nos efforts communs, a précisé Nicolas Sarkozy. L'Allemagne, lors du pic de la crise de 2009, a eu six fois plus recours à l'activité partielle que la France en termes de nombre de salariés concernés." Les chiffres de la Dares, publiés le 16 janvier 2012, témoignent de cette diminution du recours au chômage partiel à partir de fin 2009. Entre 2007 et 2010, 130 millions d'heures de chômage partiel ont ainsi été consommées en France métropolitaine, soit chaque mois une moyenne de près de 90.000 salariés. Le recours au chômage partiel s'est fortement accru entre le quatrième trimestre 2008 et le troisième trimestre 2009. 260.000 salariés en moyenne chaque mois en ont ainsi bénéficié au cours du troisième trimestre 2009. Ensuite, le recours au chômage partiel a diminué, à partir du quatrième trimestre 2009. 36.000 salariés seulement étaient concernés en moyenne chaque mois.
Autre mesure : le "zéro charge" dans les TPE fait son retour. Il faisait partie des dispositions du plan de relance et avait été arrêté mi-2010. Il s'appliquera cette fois-ci pour une durée de six mois pour toute embauche d'un jeune de moins de 26 ans en CDI ou CDD de plus d'un mois. Là encore, 100 millions d'euros sont prévus. 

Une "énième" réforme de la formation

Le président a également annoncé qu'un plan sans précédent de formation des chômeurs très éloignés de l'emploi allait être lancé. "Nous ne parvenons pas à redonner un emploi rapidement à un chômeur, ni à engager rapidement une reconversion efficace, a-t-il signalé, malgré la création de Pôle emploi, malgré la réforme de la formation professionnelle, malgré la mise en oeuvre du contrat de sécurisation professionnelle, moins de 10% d'entre eux étaient en formation fin 2010 et seulement un quart des demandes de formation sont effectivement satisfaites." Objectif : proposer à tous les chômeurs une formation, un emploi, un processus de resocialisation ou encore un contrat aidé marchand ou non marchand. Une enveloppe de 190 millions d'euros sera débloquée (40 millions pour les actions "former plutôt que licencier" et 150 millions d'euros pour la formation des demandeurs d'emploi). 
Par ailleurs, Pôle emploi va recevoir le renfort de 1.000 salariés, pour un coût de 39 millions d'euros en 2012.
Au-delà de ces mesures concrètes concernant les demandeurs d'emploi, Nicolas Sarkozy a annoncé qu'il voulait procéder à une "réforme radicale de la formation", un secteur qui vient pourtant d'être réformé avec la loi du 24 novembre 2009. C'est Gérard Larcher, sénateur des Yvelines, qui sera chargé d'en jeter les bases, sous deux mois, après avoir rencontré les syndicats, l'Education nationale, les services de l'Etat concernés et… les régions. Objectif : que chaque chômeur ait une formation et qu'au bout de la formation, chacun soit conduit à accepter l'offre d'emploi qui lui sera proposée. "Une énième 'réforme radicale de la formation professionnelle' viendra prendre rang dans la cohorte des réformes dont la dernière n'est pas encore totalement rentrée en application", a ironisé la CGPME à l'issue du sommet, se félicitant toutefois des mesures prises en matière de chômage partiel.
Un chantier concernant le développement de l'apprentissage est également lancé car "les chiffres ne sont pas bons, une entreprise de plus de 250 salariés sur deux a moins de 1% de jeunes en apprentissage", a encore souligné Nicolas Sarkozy. Le gouvernement n'a pourtant pas lésiné sur les mesures concernant ce mode de formation, avec un grand plan, lancé en mars 2011, comprenant des exonérations de charges et le passage de 3 à 4% du quota de jeunes en alternance dans les entreprises de plus de 250 salariés…

"Comment mettre la finance au service de l'industrie ?"

Le président s'est enfin attaqué au sujet délicat de l'industrie. "Comment mettre la finance au service de l'industrie ?", s'est-il interrogé, estimant qu'il fallait aller plus loin que les actes déjà réalisés comme la création du fonds stratégique d'investissement (FSI) et d'Oséo, la banque des PME. L'Etat s'est déjà engagé dans la création d'un dispositif FSI-régions, sous la forme d'un partenariat entre CDC entreprises (filiale de la Caisse des Dépôts qui assure la gestion des interventions du FSI vers les PME) et Oséo. Pour aller plus loin, le président propose la création d'un établissement dédié au financement de l'industrie, afin de mieux coordonner les travaux d'Oséo et du FSI.
D'autres grands chantiers sont programmés : le financement de la protection sociale, le logement, avec des mesures d'ici la fin janvier, pour doper l'offre de logement, et la création de la fameuse taxe sur les transactions financières. Les annonces sur la "TVA sociale" ont également été renvoyées à la fin du mois. En revanche, Nicolas Sarkozy s'est gardé de toute déclaration concernant l'allègement du coût du travail, soulignant pourtant les écarts entre la France et l'Allemagne dans ce domaine.
A l'issue du sommet, les réactions sont mitigées. De son côté, François Chérèque, secrétaire général de la CFDT, a indiqué qu'il prenait les quelques mesures utiles, regrettant qu'elles n'aillent "pas assez loin". Le Medef, par la voix de sa présidente Laurence Parisot, a quant à lui estimé que le sommet était "très riche" sur le chômage partiel. Laurence Parisot a indiqué que les entreprises du Medef étaient prêtes à s'engager sur un objectif de 60.000 formations dans le cadre de la préparation opérationnelle à l'emploi (POE), un dispositif piloté par Pôle emploi. Seule vraie déçue : la CGT. Pour Bernard Thibault, son numéro un, les mesures annoncées n'auront pas d'impact sur l'emploi. Il a appelé à la poursuite de la mobilisation. Des manifestations avaient été organisées le jour même du sommet social pour dénoncer le principe d'une TVA "anti-sociale" et la baisse des salaires.