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Logement - Droits à construire : débat de fond en commission de l'économie du Sénat

Devant des sénateurs tels que Marie-Noëlle Lienemann ou Thierry Repentin, le ministre Benoist Apparu a répondu aux nombreuses objections que suscite le projet de loi relatif à la majoration des droits à construire. Des précisions intéressantes.

Alors que l'Assemblée nationale adoptait, le 22 février, le projet de loi relatif à la majoration des droits à construire (voir notre article ci-contre du 23 février), la commission de l'économie, du développement durable et de l'aménagement du territoire du Sénat auditionnait, le même jour et sur le même sujet, Benoist Apparu. Le ministre délégué au Logement était en effet invité par la commission à "apporter un éclairage sur le projet de loi instaurant le mécanisme de majoration de 30% des droits à construire et, au-delà, sur la politique du logement du gouvernement". Compte tenu de la présence au sein de la commission de quelques sénateurs très au fait des questions de logement, comme l'ancienne ministre Marie-Noëlle Lienemann ou Thierry Repentin, sénateur (PS) de la Savoie mais aussi président de l'Union sociale pour l'habitat (USH), le débat - plutôt serein - a apporté de nombreuses informations intéressantes.

Inverser la logique

Ainsi, dans sa présentation du mécanisme de majoration des droits à construire, Benoist Apparu a expliqué pourquoi le relèvement de 30% des droits à construire ne s'appliquera qu'aux POS (plans d'occupation des sols) et aux PLU (plans locaux d'urbanisme), et non pas à la carte communale ou au RNU (règlement national d'urbanisme, pour les communes qui ne disposent pas d'un document d'urbanisme) : "C'est tout simplement qu'ils ne comportent pas de règlement de constructibilité : rien n'interdit, en droit, à une commune rurale de bâtir une tour de 80 étages..."
De même, il a répondu à l'objection sur le fait qu'il existait déjà des majorations de droits à construire (jusqu'à 50% pour le logement social, 30% pour les bâtiments à basse consommation et 20% au titre de la loi du 25 mars 2009 de mobilisation pour le logement). Selon lui, il s'agit là de majorations qui sont "à la main exclusive des collectivités, puisqu'elles ne s'appliquent que par leur délibération" et que peu de collectivités s'en sont emparées. Une enquête menée dans 71 départements montre en effet que seules 31 communes ont pris une délibération en ce sens. Le projet de loi entend inverser cette logique en faisant de la majoration des droits à construire la position de droit commun, à laquelle il reste cependant loisible aux communes de s'opposer.
Le ministre du Logement a également contesté le possible impact de la majoration des droits à construire sur le prix du foncier. Selon lui, "certes, elle le renchérira, puisque le prix du foncier dépend étroitement de la capacité à construire. Mais le prix au mètre carré de l'opération n'en sera pas pour autant supérieur". Se référant à des estimations de promoteurs, il fait valoir "que la mesure peut même susciter une baisse de 3 à 3,5% du coût de production au mètre carré".

Vers une hausse de prix du foncier ?

Pour sa part, Thierry Repentin s'est "réjoui" de l'annonce par Benoist Apparu de dispositions fiscales favorisant la disponibilité du foncier et s'est dit "totalement en phase avec le constat du président de la République, qui conclut à l'urgente nécessité de créer des logements". Au-delà de cet accord de principe sur une nécessité unanimement partagée, ce sont bien sûr les divergences qui ont prédominé. Le président de l'USH considère ainsi qu'"augmenter unilatéralement les droits à construire de 30%, c'est laisser entendre que les élus ne laissent pas assez construire, que leurs PLU sont frileux, si ce n'est malthusiens". Il s'est dit également sceptique sur l'absence d'effet induit sur la hausse des prix du foncier et propose "d'assortir ce cadeau [aux promoteurs, ndlr] d'un plafonnement des prix sur ces 30% supplémentaires".
De son côté, René Vandierendonck, rapporteur pour avis de la commission des lois, sénateur (PS) du Nord et maire de Roubaix, s'est inquiété de la marge de manoeuvre qui sera laissée aux organes délibérants des collectivités dès lors que leur décision doit intervenir après une consultation publique. L'intéressé n'avait toutefois pas connaissance de l'amendement de précision adopté le même jour sur ce point à l'Assemblée nationale (voir notre article ci-contre du 23 février 2012). Enfin, Marie-Noëlle Lienemann, également présidente de la Fédération nationale des sociétés coopératives d'HLM, s'est déclarée sceptique sur cette approche de la nécessaire densification de la construction. Elle estime qu'à deux ans d'échéances locales, de nombreux maires, quelle que soit leur appartenance, hésiteront à prendre le risque de passer pour des "bétonneurs".
A l'issue de ces interventions, Benoist Apparu a voulu rassurer sur différents points, comme la marge de manoeuvre laissée aux communes membres d'un EPCI qui s'est vu transférer la compétence d'urbanisme : elles "conservent le choix de refuser l'application [de la majoration des droits à construire, ndlr] ou de l'accepter, quelle que soit la position de l'EPCI". Il a également affirmé que si même seule la moitié des 17.000 communes dotées d'un POS ou d'un PLU décidait de ne pas s'opposer au relèvement des droits à construire, cela représenterait beaucoup plus d'opportunités d'accroissement de l'offre de logements que les 31 communes ayant aujourd'hui voté une mesure dérogatoire.

Jean-Noël Escudié / PCA

Référence : Sénat, commission de l'économie, du développement durable et de l'aménagement du territoire, audition de Benoist Apparu, ministre auprès du ministre de l'Ecologie, du Développement durable, des Transports et du Logement, chargé du Logement, sur le projet de loi relatif à la majoration des droits à construire (le 22 février 2012).

 

 

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