Logement - Suppression de la majoration des droits à construire : une proposition de loi chasse l'autre
En cyclisme, on dit que le coureur échappé à été repris par le peloton. C'est apparemment un peu - toutes proportions gardées - ce qui arrive à Philippe Kaltenbach, sénateur (PS) des Hauts-de-Seine et maire de Clamart, auteur solitaire d'une proposition de loi déposée le 29 mai et tendant à abroger la loi du 20 mars 2012 relative à la majoration des droits à construire (voir notre article ci-contre du 5 juin 2012). En effet, une nouvelle proposition de loi, déposée cette fois-ci par Thierry Repentin, sénateur de Savoie et président de l'Union sociale pour l'habitat (USH), et par l'ensemble du groupe socialiste et apparentés, vise exactement le même objet. Enregistré à la présidence du Sénat le 14 juin, le texte a pris quelque temps pour être mis en ligne. Même si la proposition de loi initiale de Philippe Kaltenbach est toujours mentionnée dans la liste des textes déposés sur le site internet du Sénat, le fait que l'intéressé apparaît en bonne place parmi les signataires de la nouvelle proposition laisse entendre que la discussion se fera sur la base de cette dernière.
Cela ne devrait d'ailleurs soulever aucune difficulté juridique, car les deux textes ne présentent pas de différences sur le fond. La rédaction de leur article unique est même strictement identique. Seul l'exposé des motifs présente quelques différences. On y retrouve certes les objections déjà développées au moment de la discussion du projet de loi, au premier trimestre 2012 : texte redondant avec certains dispositifs existants, dispositif inefficace, insécurité juridique (notamment sur la phase de consultation du public), manifestation de défiance à l'égard de l'action des collectivités territoriales en faveur du logement... L'exposé des motifs de la proposition de loi de Thierry Repentin apporte toutefois une précision supplémentaire : "Il est important que cette abrogation intervienne rapidement, avant que ne s'enclenche la phase de consultation du public, c'est-à-dire avant le terme du délai de six mois prévu par la loi pour la mise à disposition du public de la note d'information, soit en septembre 2012" (plus précisément, le 20 septembre, ndlr). Ce caractère urgent de l'abrogation par rapport au calendrier du processus de consultation devant être mis en oeuvre par les collectivités a de même été récemment mis en avant et explicité par l'Assemblée des communautés de France (voir ci-contre notre article du 11 juin).
Cette demande devrait a priori être entendue par le gouvernement, en dépit d'un calendrier parlementaire qui s'annonce chargé. Le ministre chargé des Relations avec le Parlement s'est en effet déclaré favorable "à ce que ce texte soit inscrit à l'ordre du jour de la session extraordinaire de juillet".
L'extrême brièveté du texte et le probable vote conforme par les deux chambres permettent d'envisager une possibilité de promulgation avant la date limite du 20 septembre 2012. Difficile de dire si cela simplifiera ou compliquera les choses : l'apparition d'un dernier venu dans le sprint final… Avec le dépôt le 20 juin, dont on vient tout juste de prendre connaissance, d'une troisième proposition de loi ayant le même objet, cette fois du côté du groupe centriste. Son initiateur, Pierre Jarlier, sénateur-maire de Saint-Flour (Cantal), relève lui aussi "l'urgence de cette abrogation" et insiste sur le fait que la loi "ignore les spécificités locales". "Cette loi porte atteinte à la libre administration des collectivités territoriales et va à l’encontre de l’esprit d’urbanisme de projet. Elle est inefficace, inutilement coûteuse et surtout juridiquement très fragile", résume-t-il. Pierre Jarlier propose en revanche de conserver "le taux de majoration de 30% dans le cadre de l’application de l’article L.123-1-11 issu de la loi dite 'Molle' de 2009".
Jean-Noël Escudié / PCA
Référence : proposition de loi visant à abroger la loi n°2012-376 du 20 mars 2012 relative à la majoration des droits à construire (enregistrée à la présidence du Sénat le 14 juin 2012).