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Formation professionnelle - Loi Formation : deux ans après, quel bilan ?

Un "bilan satisfaisant" : c'est la conclusion du rapport d'application de la loi du 5 mars 2014 sur la formation, présenté le 9 mars 2016 par Jean-Patrick Gille et Gérard Cherpion en commission des affaires sociales de l'Assemblée nationale. Les deux députés avancent onze pistes d'amélioration.

Dans leur rapport présenté le 9 mars 2016 en commission des affaires sociales de l'Assemblée nationale, Jean-Patrick Gille, député PS d'Indre-et-Loire, et Gérard Cherpion, député Les Républicains des Vosges, tirent un "bilan satisfaisant" de la mise en application de la loi du 5 mars 2014 relative à la formation professionnelle, à l'emploi et à la démocratie sociale. "En dépit de l'ampleur des dispositions modifiées, les nouveaux outils ont été déployés et les instances créées ont pris leurs marques dans le paysage institutionnel, signale ainsi le rapport. Après un début difficile, présagé par l'ensemble des acteurs en raison de la refonte du dispositif de financement, les circuits financiers sont désormais opérants." Le passage d'une obligation fiscale à une obligation sociale(*), qui vise à responsabiliser les entreprises et à garantir la qualification des salariés et des demandeurs d'emploi, "constitue un changement déterminant dans l'appréhension de la formation considérée désormais comme un investissement", d'après les députés. Ils proposent même d'aller plus loin en réfléchissant à un mécanisme de déduction fiscale ouvert aux entreprises, voire aux particuliers, en contrepartie de leurs efforts supplémentaires d'investissement en formation. "En ce qui concerne les contributions des entreprises, nous n'avons pas constaté l'effondrement financier que certains avaient craint", signale à Localtis Jean-Patrick Gille.
Concernant les outils mis en place, et notamment le compte personnel de formation (CPF), les deux députés estiment que les circuits de financement ont été en place dans des délais très courts et ont permis aux actifs, notamment les demandeurs d'emploi, de mobiliser leur compte dès le printemps 2015. Au total, 2,6 millions de comptes ont été ouverts par des salariés et plus de 286.000 formations ont été validées, dont plus des trois quarts (79%) suivies par des demandeurs d'emploi. "Ces données sont d'autant plus encourageantes qu'elles ne reflètent pas une année pleine de mise en œuvre du CPF", souligne le rapport, l'utilisation du compte n'ayant réellement débuté qu'à l'été 2015. D'après les auteurs, le poids majeur des demandeurs d'emploi dans l'utilisation du CPF s'explique par les abondements de 100 heures prévus par le fonds paritaire de sécurisation des parcours professionnels (FPSPP) à partir du printemps 2015. Un budget de 170 millions d'euros a ainsi été mobilisé pour alimenter de 100 heures le CPF de 160.000 demandeurs d'emploi et le dispositif est reconduit en 2016 à hauteur de 285 millions d'euros. "L'ampleur du nombre de dossiers validés pour les demandeurs d'emploi soulève la question de leur consentement explicite lors de l'ouverture et de l'utilisation du CPF", interroge toutefois le rapport. Un décompte quasi automatique en CPF de toutes les entrées en formation qualifiante des demandeurs d'emploi qui ont bénéficié de 100 heures du FPSPP aurait peut-être eu lieu…

La pertinence des listes de formation en question

Le rapport insiste sur la durée moyenne des formations plus longue que dans le cadre du droit individuel à la formation (DIF) que remplace le CPF : 148 heures en moyenne en 2015, et 575 heures pour les demandeurs d'emploi. "L'appropriation du CPF par les actifs est donc progressive et devrait se renforcer en 2016", assure les députés, qui estiment qu'il faut que le compte soit rapidement déployé pour les fonctionnaires et les travailleurs indépendants et qui proposent qu'une campagne de communication audiovisuelle soit mise en oeuvre.
En revanche, les deux auteurs questionnent la pertinence des listes de formations disponibles dans le cadre du CPF et leur adéquation avec les objectifs fixés. "Le système actuel est unanimement reconnu comme trop complexe et trop rigide, a expliqué Jean-Patrick Gille. Ainsi deux titulaires d'un CPF n'ont pas accès aux mêmes formations selon qu'ils sont d'une branche ou d'une autre, d'une région ou d'une autre. Il est donc urgent de simplifier ce mécanisme en le plaçant du point de vue de l'utilisateur, c'est-à-dire en fusionnant l'ensemble des listes dans un document unique et en ayant une sorte de régulation à l'échelle nationale." Les députés proposent aussi d'étendre le CPF, après la validation des acquis de l'expérience (VAE), au bilan de compétences.
Pour déployer le CPF, les députés considèrent qu'il faut développer le conseil en évolution professionnelle (CEP), "ce qui suppose d'y consacrer quelques moyens, mais le plan '500.000 formations pour les chômeurs' pourrait nous permettre de répondre à cette question", a indiqué Jean-Patrick Gille, qui imagine qu'une partie des crédits pourrait être consacrée au déploiement du CEP. Son développement nécessite aussi de clarifier son articulation avec le service public régional de l'orientation (SPRO) et de favoriser l'émergence d'une culture commune aux professionnels qui en sont chargés.
Côté gouvernance, les députés estiment que "l'investissement des partenaires sociaux dans les nouvelles instances et le renforcement de la compétence des régions sont en voie de faire réussir le pari de la gouvernance quadripartite dont l'équilibre reste fragile".

Pas de fusion des contrats d'apprentissage et de professionnalisation

Enfin, le rapport s'intéresse à l'apprentissage, signalant l'évolution à la baisse des entrées ces dernières années, sauf en 2015 : -8% en 2013, -3% en 2014, et une légère remontée en 2015 (+2,1%). Une baisse due selon les députés à la remise en cause du soutien financier aux employeurs pour le recrutement d'apprentis (suppression du crédit d'impôt apprentissage et de l'indemnité compensatrice forfaitaire/ICF, remplacée par la suite par une prime). Fin 2015, le nombre d'apprentis atteignait 402.900, contre 440.000 en 2012. L'objectif fixé par le gouvernement pour 2017 reste à 500.000. Un objectif qui semble, d'après Gérard Cherpion, "encore hors de portée".
Sur ce sujet, les députés estiment qu'il faut "mettre fin à la trop forte étanchéité qui continue d'exister aujourd'hui en France entre le monde de l'éducation et le monde de l'entreprise pour mieux adapter l'offre de formation aux besoins des entreprises". Ils sont opposés à la fusion du contrat d'apprentissage et du contrat de professionnalisation. "La fusion est porteuse de plus de dangers que de bienfaits", a signalé Gérard Cherpion. Ils souhaitent aussi que la grille de rémunération des apprentis soit revue, pour tenir davantage compte du cursus et effacer le facteur de l'âge dans la rémunération. "Les grilles de rémunération sont encore trop dépendantes de l'âge de l'apprenti et découragent les employeurs à embaucher les plus âgés d'entre les candidats qui leur sont proposés", a précisé le député des Vosges.
Enfin, dernière proposition : formuler les principes fondamentaux qui régissent la formation professionnelle et l'apprentissage, à l'instar du travail réalisé sur le code du travail, pour établir un code autonome de la formation professionnelle. "Un tel code allégerait en outre d'autant le code du travail, et ferait donc œuvre de simplification", signale le rapport.

Emilie Zapalski

(*) La réforme supprime l'obligation de dépenser au titre du plan de formation. Elle instaure une contribution unique réduite (0,55% pour les entreprises de moins de dix salariés, 1% pour les entreprises de dix salariés et plus), collectée chaque année auprès de l'ensemble des employeurs.

 

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