Formation professionnelle - Projet de loi Formation : le "oui mais" des régions
Les régions se disent globalement satisfaites de la réforme de la formation professionnelle en cours. Dans un communiqué du 23 janvier 2014, l'Association des régions de France (ARF) se félicite ainsi de voir la région reconnue comme échelon pertinent pour l'élaboration d'un service public régional de l'orientation et de la formation professionnelle tout au long de la vie.
Le projet de loi sur la formation professionnelle adopté le 22 janvier 2014 en Conseil des ministres sera examiné en commission par les députés à partir du 29 janvier. Il confie aux régions de nouvelles compétences, achevant ainsi le mouvement de décentralisation amorcé depuis plusieurs décennies. La formation des publics spécifiques (détenus, Français de l'étranger, demandeurs d'emploi handicapés, accompagnement des décrocheurs scolaires), les formations relatives au socle de connaissances et compétences pour les personnes à la recherche d'un emploi deviennent ainsi des compétences régionales, tout comme le financement de la rémunération des demandeurs d'emploi non indemnisés, stagiaires de la formation professionnelle, et l'accompagnement des candidats à la validation des acquis de l'expérience. Les régions vont aussi être responsables des achats des formations collectives.
"Couplées aux responsabilités des régions en matière de développement économique et d'innovation, ces avancées permettront d'améliorer le service rendu aux usagers par une meilleure prise en compte des besoins des entreprises et des territoires", signale ainsi le communiqué de l'ARF, qui se félicite également du processus de négociation utilisé. D'après l'association, cette méthode, reposant sur la constitution, à leur demande, d'un groupe quadripartite, a permis une "approche convergente de la problématique des salariés et des demandeurs d'emploi".
Même satisfaction côté apprentissage. Les régions apprécient la volonté du gouvernement de vouloir donner plus de transparence au système, avec la réduction du nombre d'organismes collecteurs de la taxe d'apprentissage, et la nécessité pour les collecteurs de rendre publiques leurs propositions d'affectation des fonds libres.
Les régions non favorables aux listes préétablies de formations pour le CPF
Cela dit, les régions expriment des désaccords avec le projet de loi dans deux domaines : formation professionnelle et apprentissage. En matière de formation, le projet de loi dispose que "les formations éligibles au compte personnel de formation (CPF) sont déterminées selon des listes établies par les partenaires sociaux". Ce processus n'est pas du goût des régions. "Nous aurions souhaité qu'il soit indiqué que ce sont les régions qui déterminent les listes et les font ensuite valider par les partenaires sociaux", explique-t-on à l'ARF. Autre revendication : partir de l'ensemble des formations inscrites dans les programmes régionaux de formation, et en ajouter d'autres éventuellement, mais surtout pas en retirer… "Dans le projet de loi est indiqué que si on enlève des formations il faut que ce soit motivé ; c'est déjà mieux que ce qui était noté auparavant mais ce n'est pas totalement satisfaisant", signale la même source.
La question se pose notamment pour les formations relatives au "hors champ", à savoir les secteurs sanitaire et social, de l'économie sociale et solidaire ou encore de l'agriculture. Ces domaines ne relevant pas d'accords interprofessionnels, ils n'ont pas pris part aux négociations et ne sont pas représentés dans la gouvernance du système de formation, que ce soit dans les organismes nationaux, comme le futur Cnefop (Conseil national de l'emploi, de la formation et de l'orientation professionnelles), ou les comités régionaux, comme les futurs Crefop (comités régionaux de l'emploi, de la formation et de l'orientation professionnelles). Difficile alors d'intégrer les formations concernant ces secteurs dans le CPF… "Il est important que ces formations soient accessibles par le CPF car ces secteurs, et notamment celui du sanitaire, représentent des gisements d'emploi", détaille l'ARF.
Les régions ne sont pas les seules à se soucier de la question des listes de formations éligibles au CPF. A l'occasion d'une audition des organisations syndicales et patronales représentatives, réalisée le 15 janvier 2014 par la commission des Affaires sociales de l'Assemblée nationale, certains députés ont exprimé des doutes. Les députés s'interrogent notamment sur la coordination entre les régions et les partenaires sociaux au niveau territorial et sur la cohérence des listes régionales et nationales. D'après Isabelle Le Callennec, députée de l'Ille-et-Vilaine, "il va falloir que les gens se mettent d'accord dans les territoires pour avoir des diagnostics et des choix partagés". La députée estime qu'il faudra du travail en région mais aussi un cadre national en la matière.
Des questions subsistent aussi sur les modalités de l'abondement du CPF. "On parle de co-décision mais qu'est-ce que cela signifie pour les demandeurs d'emploi par rapport aux régions ?", a ainsi questionné Gérard Cherpion, député des Vosges, tandis que Monique Iborra, députée de Haute-Garonne, s'inquiète de la complexité du dispositif. "Qui assure la coordination pour les salariés et demandeurs d'emploi ?", a-t-elle demandé.
Les régions demandent des ressources supplémentaires pour l'apprentissage
En matière d'apprentissage, les régions ont aussi des revendications et la première concerne les financements. Elles regrettent ainsi de n'avoir pas obtenu de ressources supplémentaires en matière d'apprentissage. Elles estiment ne pas avoir été entendues sur ce point, alors qu'une augmentation de budget leur semble incontournable pour réaliser l'objectif gouvernemental de 500.000 apprentis d'ici à 2017. Concernant la nouvelle répartition de la taxe d'apprentissage, qui devrait voir la part régionalisée monter à 56%, l'ARF estime que c'est ce que les régions perçoivent déjà.
Les régions ont aussi renouvelé leur souhait de développer l'apprentissage dans le secteur public, à partir d'un financement spécifique aux employeurs publics des trois fonctions publiques, "ce qui permettrait d'accroître le nombre d'apprentis sur des métiers pouvant être exercés dans différents secteurs en dehors de la sphère publique (restauration collective, entretien des espaces verts…) avec des moindres risques de discrimination par rapport aux jeunes issus de quartiers sensibles", détaille le communiqué de l'ARF.