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Formation professionnelle - Le compte personnel de formation à la recherche de son financement

A l'occasion d'un colloque organisé le 16 octobre 2013 par Centre Inffo sur le compte personnel de formation (CPF), le ministre du Travail et les acteurs concernés (régions, partenaires sociaux, Pôle emploi) se sont interrogés sur les finalités, les usages et la faisabilité de ce nouveau dispositif qui doit entrer en vigueur en 2014. Pour Michel Sapin, il constitue la "colonne vertébrale" de la réforme professionnelle à venir.

"Il nous reste maintenant à faire le plus important : la mise en oeuvre." A l'occasion d'un colloque sur le compte personnel de formation organisé le 16 octobre 2013 par Centre Inffo à l'invitation de Jean-Patrick Gille, député socialiste d'Indre-et-Loire, Michel Sapin, ministre du Travail, s'est montré confiant dans la création de ce nouveau dispositif qui doit entrer en vigueur en 2014. "C'est très simple, il est faisable et nous le ferons ensemble."
Ce compte est né de l'accord national interprofessionnel (ANI) du 11 janvier 2013. Il est intégré dans la loi du 14 juin 2013 relative à la sécurisation de l'emploi. Il doit permettre à toute personne, qu'elle soit salariée ou demandeuse d'emploi, de disposer, dès son entrée sur le marché du travail, d'heures de formation, a priori 120 heures minimum, pour accéder à une formation à titre individuel.
Universel, le compte est intégralement transférable en cas de changement ou de perte d'emploi. Des négociations nationales ont démarré le 24 septembre 2013 pour finaliser ce qui sera le projet de loi de réforme de la formation professionnelle, dont "le CPF est la colonne vertébrale", comme l'a souligné Michel Sapin lors du colloque. Un groupe de travail quadripartite, avec les régions, est également en place pour définir les modalités concrètes de mise en oeuvre du CPF.
L'ambition est grande : permettre aux personnes non diplômées de repartir sur une qualification et pour les autres d'évoluer dans leur carrière professionnelle. "Le CPF doit jouer le rôle de nouvelle chance et permettre de rebattre les cartes. Il devra permettre de gravir les échelons de la qualification et être appelé à devenir aussi important que l'école et les études", a affirmé Michel Sapin.
Même opinion pour le Medef. "On n'a pas arrêté de le dire : on est habitué à un système scolaire avec un diplôme qui marque toute la carrière professionnelle, a ainsi signalé Antoine Foucher, directeur des relations sociales, de l'éducation et de la formation au Medef. Il faut arriver à faire du CPF un moyen d'évoluer pour que le diplôme initial soit moins déterminant dans la carrière." Mais la mise en oeuvre du CPF "suscite toutes sortes de questions opérationnelles", a souligné le ministre du Travail.

La question du financement du CPF

Au premier plan de ces questions : le financement. "Il y a des conditions pour qu'il soit un succès. Il ne doit pas s'enliser dans les écueils du droit individuel à la formation (DIF) qui n'a jamais eu de financement dédié", a signalé Michel Sapin, insistant sur le fait que ce dispositif devait quant à lui "bénéficier d'un financement spécifique". Mais les syndicats sont dans l'expectative. Le financement du CPF pourrait se décomposer entre des dotations de base, ou socle, des droits de tirage sur certains fonds publics et des abondements publics (issus des collectivités territoriales par exemple, notamment des régions) en fonction des besoins des territoires. Il pourra aussi être alimenté par des abondements individuels. "Dotation et droits de tirage, il faut un mécanisme qui mélange les deux, et qui permette aussi la contribution individuelle", a résumé Emmanuelle Wargon, déléguée générale à l'emploi et à la formation professionnelle (DGEFP). Côté région, on reste encore prudent, la négociation étant en cours. "Nous aurons à regarder les dispositifs qui ont été mis en place en région au regard de ce nouveau compte, a ainsi signalé Isabelle Gaudron, vice-présidente de la région Centre, participante à la mission quadripartite. Peut-être aurons-nous à redéfinir nos interventions."
Difficile pour le moment d'avoir une idée de ce dont le compte disposera. Seul indice : le coût d'une formation permettant d'obtenir une qualification, qui correspond à environ 700 heures, atteint quelque 20.000 euros. "Quand on dit que le CPF doit donner des possibilités de formation de ce type, il faut avoir ces ordres de grandeur en tête, a ainsi souligné Jacques Bahry, délégué général du Cesi, groupe de formation professionnelle. Le compte est faisable, mais il y a des questions à résoudre et le calcul en heures risque de montrer les limites du dispositif."

Un organisme pour gérer le CPF ?

Autre question posée : la gestion du CPF. Si le dispositif doit rester simple et lisible, nombre d'acteurs demandent qu'une structure puisse prendre en main sa gestion. "Qui va gérer ce compte ? Il faut un organisme de gestion qui lui-même aura des frais de gestion qu'il faudra financer, a souligné Emmanuelle Wargon. Comment transformer les heures de formation en monétisation ? Comment la gestion du compte appellera le financement ?" C'est aussi l'avis de Jacques Bahry pour qui "le CPF implique une structure centrale de gestion". Seul un bémol a été émis par le directeur général de Pôle emploi, Jean Bassères, qui estime qu'il y a déjà beaucoup d'organismes, et qu'une nouvelle structure ne ferait que compliquer le paysage de la formation. "Le nombre de structures, c'est un cauchemar", a-t-il ainsi déploré, en écho au rapport de l'Igas (Inspection général des affaires sociales) sur l'évaluation partenariale de la politique de formation professionnelle des demandeurs d'emploi, publié le 20 septembre.
Au-delà du financement, la question de l'équilibre à trouver entre les velléités personnelles des individus et la nécessité de compétitivité des entreprises. "Il faut trouver une formation qui bénéficie au salarié et à l'entreprise", a bien souligné Michel Sapin. Plus question de suivre des formations sans rapport avec le marché du travail… Et les différentes parties prenantes à la négociation, y compris les régions (voir notre encadré ci-dessous), ont l'air d'accord sur le sujet. "Nous souhaitons un fléchage des besoins en formation vers les besoins en compétences des entreprises pour que l'on n'envoie plus des salariés dans des formations pour lesquelles il n'y a pas d'emplois derrière", a également signalé Antoine Foucher.
Lors de la prochaine réunion de négociation du 23 octobre, un premier projet de texte devrait être soumis à discussion, l'objectif étant d'aboutir à un projet de loi d'ici la fin de l'année 2013.

Emilie Zapalski

Compte personnel de formation : la concertation "avance bien", assure Jean-Paul Denanot

Les régions sont parties prenantes à toutes les négociations en cours autour de la formation professionnelle et de l'apprentissage. Jean-Paul Denanot, président de la région Limousin et de la commission Formation de l'Association des régions de France (ARF), livre à Localtis ses premières impressions.

Localtis : Comment se passe la concertation quadripartite sur le compte personnel de formation (CPF) ?
Jean-Paul Denanot :
Les choses avancent bien. Les partenaires sociaux, l'Etat et les régions sont largement en phase : le compte personnel de formation ne doit pas être un dispositif hors sol. Il doit tenir compte de la réalité. Il doit être individuel mais dans un cadre collectif. On ne peut plus imaginer qu'un demandeur d'emploi qui souhaite entrer en formation le fasse sans cohérence avec le marché du travail et l'écosystème existant. Sur la partie financière, on avance aussi, même si la question de la formation initiale différée n'est pas tranchée.

Le plan d'urgence pour la formation des chômeurs vous paraît-il adapté à la situation ?
Dans notre région, en Limousin, cela fonctionne très bien. On a reçu 6.300 demandes en un jour et demi. Et la moitié des personnes à l'origine de ces demandes ont accepté le challenge de la formation. Ce n'est pas rien. Et cela signifie que lorsqu'on met en place un dispositif, il y a une vraie liaison qui se crée entre la formation et l'emploi. Il était nécessaire de lancer cette opération. On ne pouvait pas rester avec un nombre si important d'offres non pourvues.

Les premières lignes de la réforme de la taxe d'apprentissage, destinée à mieux flécher les budgets vers l'apprentissage, va-t-elle dans le bon sens ?
Il y a un problème récurrent en matière d'apprentissage, c'est la collecte. Les entreprises ont la possibilité d'affecter le produit de la taxe là où elles le souhaitent et cela crée des déséquilibres au niveau des territoires. Il est indispensable de rééquilibrer cette répartition avec notamment une réduction du nombre d'Octa. On peut même imaginer un autre système, dans lequel l'Urssaf serait le collecteur de la taxe et la répartition se ferait ensuite de manière équilibrée.

Propos recueillis par E.Z.