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Formation - Michel Sapin dévoile son avant-projet de loi sur la formation professionnelle

L'avant-projet de loi relatif à la formation professionnelle, à l'emploi et à la démocratie sociale a été transmis au Conseil d'Etat. Il doit être présenté le 22 janvier en Conseil des ministres, le but étant de faire adopter le texte par le Parlement avant le 28 février, dans le cadre d'une procédure accélérée, avant les municipales. Il pose les jalons du nouvel acte de décentralisation en matière de formation professionnelle et d'apprentissage et réorganise la gouvernance dans ces domaines aux niveaux national et régional.

Le gouvernement vient de transmettre au Conseil d'Etat son avant-projet de loi relatif à la formation professionnelle, à l'emploi et à la démocratie sociale. Le texte pourra encore être amélioré avant d'être présenté le 22 janvier en Conseil des ministres. Il intervient après une longue concertation avec les partenaires sociaux et les régions sur le compte personnel de formation (CPF) et reprend le contenu de l'accord national interprofessionnel du 14 décembre 2013 sur le financement de la formation, accord que seules la CGPME et la CGT ont refusé de signer. 
Pour le ministère du Travail, il ne s'agit pas d'un document "fourre-tout", même s'il comporte de nombreuses dispositions très éparses : la mise en œuvre du CPF, des mesures pour réformer l'apprentissage (hors financement), la réorganisation des organismes collecteurs, des modifications sur le contrat de génération, les contrats de professionnalisation et les dispositifs d'insertion par l'activité économique, la poursuite de la régionalisation des compétences de formation et d'apprentissage, une réforme sur le financement des organisations syndicales et patronales… Le tout organisé en trois titres : les réformes relatives à la formation professionnelle et à l'emploi, la démocratie sociale et la dimension régalienne de l'inspection et du contrôle de ces politiques.
Premier point important : la mise en œuvre du CPF. Ce compte sera ouvert à toute personne à partir de 16 ans qui entre dans la vie professionnelle jusqu'à sa retraite. Il est finalement doté de 150 heures maximum (contre 120 heures initialement) sur le rythme de 20 heures par an jusqu'à l'acquisition de 120 heures, et ensuite 10 heures par an. Il pourra être utilisé pour financer des formations permettant d'acquérir des compétences. Ses principaux avantages : sa portabilité et sa capacité à accueillir d'autres financements, des abondements issus notamment des régions ou de Pôle emploi. Les entreprises quant à elles vont participer à hauteur de 0,2% de leur masse salariale à ce nouveau dispositif. Elles pourront elles aussi abonder le compte pour leurs salariés en fonction de leur besoin et de l'adéquation des formations choisies avec leurs intérêts. "Le succès du CPF tiendra à la stratégie d'abondement et de complément au-delà des 150 heures", précise-t-on au ministère. Un abondement indispensable, puisqu'une formation qualifiante nécessite le plus souvent bien plus que 150 heures. Par rapport aux premières esquisses du compte, les syndicats ont aussi décidé de rajouter un abondement de 100 heures pour les salariés des entreprises de plus de 50 salariés qui n'auraient pas eu les entretiens professionnels auxquels ils ont droit.

La région maintenant compétente vis-à-vis de tous les publics

La gestion du compte sera assurée par la Caisse des Dépôts. Cette gestion devra être simple pour les utilisateurs, mais elle risque d'être complexe à organiser, d'après le cabinet du ministère, qui devra pourtant faire vite : le CPF doit être mis en œuvre dès début 2015 pour les demandeurs d'emploi et les salariés. Pour les autres statuts (travailleurs indépendants et fonctionnaires notamment), des travaux supplémentaires sont encore nécessaires.
Autres thématiques abordées par le texte : une réforme du financement de la formation, avec une contribution unique, de 0,55% pour les entreprises de moins de dix salariés, et de 1% pour les entreprises de dix salariés et plus, dont 0,2% ira donc au CPF. Comme prévu par l'accord, le réseau des organismes collecteurs de la taxe d'apprentissage (Octa) sera aussi rationnalisé : avec un passage de 150 à une vingtaine au niveau national et un par région.
En revanche, le texte ne dit mot des dispositions nécessaires pour répondre aux demandes du Conseil constitutionnel sur le financement de l'apprentissage. Fin décembre 2013, celui-ci a invalidé les dispositions prévues dans le cadre de la loi de finances rectificative pour 2013 concernant la répartition de la nouvelle taxe d'apprentissage entre les régions, les centres de formation d'apprentis (CFA) et les écoles délivrant des formations professionnelles, estimant que l'encadrement concernant cette affectation, prévue par décret, n'était pas suffisant (lire notre article ci-contre du 7 janvier 2014). "Nous sommes en train de regarder par quel véhicule législatif on suit l'injonction du Conseil constitutionnel, explique-t-on au ministère du Travail, cela pourra être ce texte, à travers des amendements, ou un autre."
Le texte finalise aussi la décentralisation aux régions des compétences de formation professionnelle et d'apprentissage, des dispositions qui devaient initialement être intégrées dans le second volet de l'acte III de la décentralisation. "La région est désormais compétente vis-à-vis de tous les publics, y compris ceux relevant jusqu'à présent de la compétence de l'Etat (personnes handicapées, Français établis hors de France, personnes placées sous main de justice), lit-on dans l'exposé des motifs de l'avant-projet de loi, elle est également compétente vis-à-vis des personnes ayant quitté le système scolaire pour organiser les actions de lutte contre l'illettrisme et les formations permettant l'acquisition des compétences clés, en complément de la politique nationale de lutte contre l'illettrisme conduite par l'Etat."

Un Sieg en matière de formation pour les publics en difficulté

Les régions seront responsables des achats en matière de formation, pour leur compte mais aussi pour le compte de Pôle emploi concernant les formations collectives. Elles pourront aussi offrir aux départements qui le souhaitent la possibilité d'effectuer l'achat public de formation. Le texte de loi prévoit aussi, pour les publics en difficulté (les jeunes et adultes rencontrant des difficultés particulières d'apprentissage ou d'insertion), la possibilité de mettre en place un service d'intérêt économique général (Sieg), permettant aux régions d'habiliter des organismes pour la mise en œuvre d'actions de formation envers ces publics, sans passer par des appels d'offres.
La gouvernance nationale et régionale autour de la formation et de l'emploi est aussi simplifiée, avec au niveau national la fusion du Conseil national de la formation professionnelle tout au long de la vie et du Conseil national de l'emploi, réunis en un Conseil national de l'emploi, de la formation et de l'orientation professionnelles (Cnefop). Au niveau régional, la simplification se traduit par la création des comités régionaux de l'emploi, de la formation et de l'orientation professionnelles (Crefop), issus de la fusion des comités de coordination régionaux de l'emploi et de la formation professionnelle (CCREFP) et du conseil régional de l'emploi.
Dans les deux autres titres de l'avant-projet de loi sont développées les mesures concernant la démocratie sociale et le renforcement des moyens de contrôle et le régime des sanctions lié au système d'inspection du travail.
Le calendrier pour la finalisation et l'examen de ce projet de loi est très serré. Après la présentation en Conseil des ministres le 22 janvier, ce texte "TGV", comme on le nomme au cabinet du ministre, sera discuté au Parlement pour une adoption prévue avant le 28 février, dans le cadre d'une procédure accélérée, avant l'échéance des élections municipales.

Emilie Zapalski
 

Des modifications sur plusieurs dispositifs de la politique de l'emploi

L'avant-projet de loi relatif à la formation professionnelle, l'emploi et la démocratie sociale prévoit des modifications sur les contrats de génération, les contrats de professionnalisation et l'insertion par l'activité économique. L'âge des jeunes embauchés en CDI par un chef d'entreprise au moins âgé de 57 ans, dans la perspective d'une transmission d'entreprise, va être porter de 26 à 30 ans. Une modalité qui doit permettre d'accroître les possibilités de reprise d'entreprise, les jeunes autour de 30 ans étant plus susceptibles de réussir le challenge. Le gouvernement n'écarte pas la possibilité de voir le texte porter d'autres modifications concernant le contrat de génération, face à un nombre encore très faible d'accords de branches dans ce domaine dans les entreprises entre 50 et 300 salariés : une quarantaine seulement, qui couvrent 3,5 millions de salariés sur un potentiel de 17 millions…
L'avant-projet de loi prévoit aussi d'harmoniser le cadre juridique des périodes de mise en situation en milieu professionnel, et d'étendre cette possibilité à toutes les personnes suivies dans le cadre d'un parcours d'insertion. Il réforme les périodes de professionnalisation et précise les conditions de mise en œuvre des contrats de professionnalisation. Les périodes de professionnalisation seront ainsi désormais accessibles aux salariés en contrat unique d'insertion ou relevant de structures d'insertion par l'activité économique (SIAE). Pour les contrats, ils seront gratuits pour les salariés concernés et devront comporter un tutorat et un accompagnement. Enfin, le texte généralise l'aide au poste d'insertion à toutes les SIAE.
E.Z.