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Environnement - Littoral : quand trente départements deviennent force de proposition

"Penser le littoral dans toute sa complexité". Telle est l'ambition de la mission Mer et Littoral lancée par l'Assemblée des départements de France (ADF). Après plus d'un an d'un travail quelque peu inédit, qui a fédéré une trentaine de départements côtiers, ses conclusions et recommandations ont été dévoilées le 20 juin, à Saint-Nazaire.

Le 20 juin, à Saint-Nazaire, le département de Loire-Atlantique a accueilli la journée de restitution de la mission nationale Mer et Littoral pilotée par le président de ce département, Philippe Grosvalet. "Un travail motivé par le constat que les départements sont très présents en termes d'action sur le littoral et pourtant peu visibles à ce niveau. Un recensement de leurs actions s'imposait. Le rapport n'a rien de définitif mais est pensé comme une source d'inspiration pour les élus et leurs administrations. Il est utile aux départements bien sûr mais aussi à leurs partenaires historiques que sont les communes et intercommunalités", explique cet élu.

Franges vulnérables

Ce rapport s'ouvre sur un état des lieux de l'action départementale liée à la mer et au littoral. Ce bilan s'appuie sur les travaux de l'Observatoire national de la mer et du littoral. Sur le rivage, l'attractivité démographique a fait gonfler la taille des communes, avec des phénomènes de conurbation entre métropoles de l'arrière-pays et communes littorales, de métropolisation, d'étalement urbain, d'autant plus accentués que la capacité d'accueil touristique y grappille du foncier. Qu'on se le dise : c'est bien le tourisme qui y domine l'activité économique (trois emplois sur quatre). Une prédominance qui engendre "des difficultés de cohabitation entre les usages des ressources, des problèmes d'accès au foncier et, progressivement, une mutation de l'économie littorale en économie de services aux populations, résidentes permanentes et touristiques". Autre travers, les sols littoraux sont plus artificialisés que sur le reste du territoire national. A cela s'ajoutent des phénomènes érosifs et une vulnérabilité croissante face aux aléas naturels. En clair, les dynamiques y sont fragiles.

Que peuvent y faire les départements ?

De l'habitat à la biodiversité marine, en passant par la mobilité, l'accompagnement des activités maritimes, l'aménagement et les emplois "bleus", la mission brasse large et liste treize champs d'interventions sur lesquels les départements sont maîtres d'ouvrage, force de proposition et ont déjà cumulé un savoir-faire, une expertise ne demandant qu'à croître. Ne manquent à l'appel qu'une "vision partagée", une stratégie dont cette mission esquisse les contours, en vue de s'en saisir "pour développer, renforcer leur action littorale et maritime". Socle et horizon communs : une stratégie départementale tournée vers "la gestion intégrée des territoires littoraux". Pour la mission, les départements doivent être "moteurs" sur cet enjeu, "encourager un aménagement équilibré et solidaire prenant en compte les enjeux dus à la situation d'interface terre/mer", et "contribuer au maintien et à la préservation du potentiel et des fonctionnalités écologiques des littoraux".


144 propositions

Bonne pêche ! En quinze mois de travail, la mission a recueilli 144 propositions auprès des acteurs sondés. "Elles sont très concrètes, certaines peuvent être immédiatement mises en œuvre, surtout sur le volet foncier. Les pistes explorées par certains sont reproductibles ailleurs. En Loire-Atlantique par exemple, nous nous sommes dotés d'un établissement public foncier départemental. La mission suggère aussi d'activer ce dispositif très efficace des périmètres de protection et de mise en valeur des espaces agricoles et naturels périurbains (Paen). Cet outil permet dans la durée une forte protection du territoire. L'absence de volets maritimes dans les schémas de cohérence territoriale (Scot) littoraux n'est pas sensée. C'est complexe à mettre en œuvre et nous proposons qu'une mission nationale aide à les élaborer." Autre levier d'action foncière à mieux activer, le droit de préemption des espaces naturels sensibles (ENS). "En zone littorale et rétro-littorale, plus particulièrement sur les zones humides et pour agir en faveur de la préservation des zones d'expansion des crues, il faut renforcer par ce biais les interventions départementales", dicte ce rapport. Une stratégie foncière n'ayant de sens qu'avec l'appui de partenaires, il revient aux conseils généraux de se rapprocher des "conservatoires du littoral, de l'ONF, des EPF et Safer". Autre volet, la contribution des départements à la préservation de la biodiversité marine, sur lequel est préconisée une participation des départements plus musclée à la gouvernance des parcs naturels marins. Pour améliorer la gestion des macrodéchets sur le littoral, les plans départementaux de prévention des déchets devraient inclure "un volet littoral".

Risques et croissance bleue

Pour rendre les côtes moins vulnérables, la mission propose d'introduire la notion de risques littoraux d'érosion et de submersions marines dans les politiques publiques départementales. Et d'"encourager le développement d'une culture du risque littoral", de mettre à disposition des communes et intercommunalités "une ingénierie technique et juridique sur la gestion du trait de côte" et d'encourager la création d'instances de gouvernance avec les collectivités, afin "d'élaborer un document d'orientation stratégique départemental de gestion durable du trait de côte et de mutualiser les moyens d'intervention". Autre pistes intéressante : s'inspirer de l'agriculture et accompagner, comme cela se fait dans ce secteur, le renouvellement générationnel dans celui des métiers de la mer. Dans les marchés publics passés avec les entreprises intervenants au sein des ports, il est pointé l'intérêt d'"introduire des clauses d'insertion professionnelle emplois bleus".

Optimiser les ports

Assumant leur rôle d'autorités portuaires (ports de commerce et de pêche), les départements proposent d'y favoriser des projets locaux d'énergies marines renouvelables et même d'y affecter du foncier pour la maintenance nécessaire à ces nouvelles activités. La généralisation des équipements de traitement des eaux de carénage polluées, la structuration des filières de traitement des sédiments de dragage et l'extension des démarches de certification figurent également parmi les actions listées. Côté plaisance, il faut "résoudre le problème de saturation spatiale". Et donc concilier les divers usages d'un port car pêche, plaisance et conchyliculture ne font pas toujours bon ménage. En ce sens, des "schémas d'aménagement portuaire" auraient leur pertinence. Autre potentiel prudemment dévoilé : accueillir dans leurs enceintes plus d'habitats naturels, par exemple sur des récifs artificiels.

Qualité des masses d'eau côtière

La mission suggère qu'en tant qu'autorités portuaires, les départements développent un volet littoral dans l'assistance technique sur la qualité de l'eau qu'ils apportent aux collectivités locales. Et puissent "conforter les laboratoires départementaux pour garantir un service public performant de surveillance de la qualité bactériologique et microbiologique des eaux littorales". La participation des départements à la gouvernance de l'eau n'est pas oubliée. "Au sein des comités de bassin et commissions locales de l'eau, ainsi qu'au travers des établissements publics territoriaux de bassin, elle peut être renforcée", conclut Philippe Grosvalet.

 

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