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Transport - Georges Strullu : "La gestion locale des ports est politisée, mais elle a une plus-value"

A l'heure où l'organisation territoriale soulève de vives interrogations, nous nous arrêtons sur le cas des ports concédés qui font l'objet d'un rapport attendu fin février. Entretien avec le vice-président de l'Union des ports de France.

Les ports de rayonnement moyen, dits ports d'intérêt national, ont connu des changements importants ces dernières années avec le transfert de leur gestion aux collectivités. Quels sont les effets de cette décentralisation ?

Nous constatons une plus-value. Les élus tiennent désormais compte d'une activité qu'ils subventionnaient auparavant sans être impliqués dans la prise de décision. Et la régionalisation a entraîné des possibilités d'investissements supplémentaires.
En termes de gouvernance, nous ne sommes pas tous logés à la même enseigne. Les ports de Saint-Malo, Brest, Lorient ou encore Bayonne relèvent du conseil régional, quand ceux de Nice ou Port Vendres, par exemple, dépendent du conseil général.
Selon moi, l'échelon pertinent reste la région, car les ports ont une économie qui dépasse les frontières du département. Ils ont un impact sur l'hinterland, qui intéresse l'économie régionale dans son ensemble.
Mais la décentralisation a une contrepartie : les décisions sont beaucoup plus discutées, voire politisées, car soumises au pouvoir électoral.
L'autorisation de nouveaux trafics doit par exemple être conforme à une réglementation environnementale appliquée par la Dreal. Or, les élus formulent parfois des demandes qui vont au-delà de la réglementation.

La sénatrice Odette Herviaux prépare un rapport sur l'impact de la gestion décentralisée des ports. Qu'en attendez-vous ?

L'Etat a confié la gestion des ports d'intérêt national à diverses institutions. Missionner une élue pour comprendre quel a été l'effet de cette décision est essentiel. Mais ce rapport doit également permettre de prendre conscience de la nécessité d'une stratégie nationale, qui concerne aussi bien les ports concédés que les grands ports maritimes.
La France a le deuxième espace maritime au monde et l'économie maritime mondiale devrait avoir une progression à deux chiffres dans les vingt prochaines années. Mais dans notre pays, évoquer la mer, les côtes et les bateaux, c'est faire référence aux vacances. Ou aux marées noires.
A Bayonne, les retombées économiques du port sont estimées à 530 millions d'euros, soit l'équivalent des revenus générés par le tourisme dans la région. Opposer le tourisme à l'industrie revient à marcher sur une seule jambe. Ce n'est pas possible.

D'autres pays européens ont-ils davantage conscience de leur potentiel lié au secteur portuaire ?

Dans les pays d'Europe du Nord, c'est incontestable. En Espagne également, où l'Etat vient d'ailleurs d'introduire un nouveau régime fiscal permettant de baisser les droits de port d'environ 8% pour relancer l'économie portuaire. Reste à savoir si cette mesure, qui crée une forme de distorsion de concurrence, est compatible avec les règles européennes.

Un dépôt de plainte est-il envisagé ?

Pour le moment, nous avons seulement attiré l'attention de la région et de l'Etat. De toute façon, les délais sont tels qu'une plainte n'aboutirait pas immédiatement. Mais l'impact à court terme est certain aujourd'hui. Cela va se traduire par des navires en moins pour les ports français. Nous sommes en concurrence immédiate avec Pasajes, Bilbao ou Barcelone.

La réforme française de 2008 visait justement à améliorer la compétitivité des ports. N'a-t-elle pas fonctionné ?

Elle a entériné le transfert de personnels vers les entreprises de manutention et a certainement été bénéfique pour les grands ports maritimes. Mais pour les ports concédés, elle a généré un surcoût non négligeable lié à l'application généralisée de la convention collective unifiée. Cet aspect-là n'a pas été pris en compte lors des négociations des contrats de concession.

La directive européenne sur les concessions s'apprête justement à être transposée en France. Quelles conséquences peut-elle avoir sur le secteur portuaire ?

Nous relevions jusqu'à présent du régime de la loi Sapin. Elle permettait une certaine souplesse pour réaliser des investissements qui n'avaient pas été anticipés au moment de la signature d'une délégation de service public.
La directive Concessions bloque cette possibilité à partir d'un certain montant, qui sera vite atteint dans notre secteur. Il faut alors remettre en cause la concession, refaire un appel d'offres, etc. Elle risque de scléroser les ports et de décourager les investissements.