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Commande publique - Laboratoires départementaux : un GIP avec le privé est possible

Plutôt que de rester en régie ou de passer une délégation de service public, le département de l'Allier a décidé pour préserver et faire évoluer son laboratoire départemental de s'associer avec l'Institut Pasteur (une structure privée) sous la forme d'un groupement d'intérêt public (GIP). Le Conseil d'Etat vient de valider ce montage juridique.

Le groupement d'intérêt public a été constitué entre une personne publique (le département de l’Allier) et une personne privée (l’Institut Pasteur). L'objectif était de reprendre les activités du laboratoire départemental  - notamment les analyses relevant de la santé publique vétérinaire  et de contrôle des eaux - mais aussi de développer des "activités d'analyses d'audit, le conseil, la recherche et la formation dans les domaines de l'eau, de l'environnement, de l'aliment, de la santé animale et de la santé publique". Ceci non seulement sur le département de l'Allier mais sur tout le territoire national. Un laboratoire privé (la société Carso-Laboratoire) a attaqué devant les juridictions administratives la constitution de ce GIP, sur divers fondements et en particulier sur le fait qu'il violait le droit de la concurrence. Par un arrêt du 10 novembre 2010, le Conseil d'Etat vient de clore l'affaire en donnant raison au département de l'Allier. 
L'incertitude de la législation régissant les GIP est un phénomène bien connu et fréquemment déploré par les praticiens. La loi Warsmann, qui sera examinée dans les prochaines semaines au Sénat devrait partiellement résoudre ce problème (voir notre article ci-contre du 8 décembre 2009). Pourtant, en l'occurrence, le statut juridique de la structure était clair : il s'agissait d'un GIP "constitué dans le domaine de l'action sanitaire et sociale", donc régi par l'article 22 de la loi du 23 juillet 1987 et l'article 21 de la loi du 15 juillet 1982. Avec pour texte d'application de ces dispositions législatives, le décret du 7 novembre 1988. Une petit erreur matérielle dans l'acte fondateur du GIP, mais rien de bien méchant selon le Conseil d'Etat. Le problème portait surtout sur les activités de la structure.

L’objet social : satisfaction d’un intérêt public au bénéfice de tiers

En effet, la société requérante estimait que, via ce GIP, le département continuait d’exercer ses activités sur un marché concurrentiel et violat ainsi la liberté du commerce et de l’industrie. Faux, répond le Conseil d’Etat car, en créant le GIP, le conseil général a "mis fin aux responsabilités qu’il exerçait jusqu’alors" et ne peut donc "être regardé comme ayant pris lui-même en charge une activité économique". La liberté du commerce et de l’industrie n’a pas été violée car ce GIP d’action sanitaire et sociale réunit bien les deux conditions nécessaires à sa création : être expressément prévu par une loi (la loi du 23 juillet 1987) et répondre à un intérêt général (en l'occurrence l’impératif de santé publique). Le laboratoire privé poursuit son argumentation sur le terrain de la commande publique. Il estime que, comme dans les faits le GIP ne travaille que pour le département, il s'agit donc d'un délégataire de service public auquel la collectivité aurait confié la gestion de ses activités d’analyses. Le laboratoire privé attaque ainsi pour méconnaissance des règles du Code des marchés publics (mesures de publicité et de mise en concurrence). Là encore, le Conseil d'Etat lui donne tort : le GIP ainsi créé a pour objet d’effectuer des prestations "au bénéfice de tiers sur l’ensemble du territoire national", excluant dès lors l’application du droit de la commande publique.
Ainsi, pour ce type d'activité, le groupement d'intérêt public avec une structure privée est possible. Naturellement, ce montage ne constitue qu'une des options offertes aux collectivités. Pour mémoire, les principales autres options sont la régie, la délégation de service public, la création d'un établissement public industriel et commercial et le GIP rassemblant deux laboratoires publics.

L'Apasp et Hélène Lemesle

Références : - CE 10 novembre 2010, n°319109 et n°319239 "Société Carso-Laboratoire Santé Hygiène Environnement" Loi n°87-571 du 23 juillet 1987 sur le développement du mécénat ;   Décret n°88-1034 du 7 novembre 1988 relatif aux groupements d'intérêt public constitués dans le domaine de l'action sanitaire et sociale.

 

Petit rappel sur les GIP

Création du GIP : la création d’un GIP relève de la compétence du législateur, c’est-à-dire qu’un texte de loi doit expressément prévoir sa création selon la catégorie à laquelle le GIP est rattaché (l’action sanitaire et sociale, l’éducation, la jeunesse et les sports, etc.). Le GIP peut être créé ex-nihilo ou à partir d’une structure préexistante, avec ou sans capital social. Une convention constitutive signée par tous les membres fixe les règles de fonctionnement de la structure. Elle est impérativement approuvée par arrêté ministériel ou préfectoral.

Conditions du GIP : le GIP dispose de la personnalité morale et de l’autonomie financière. Il doit exercer une activité d’intérêt général et n’avoir aucun but lucratif. Il est composé de personnes morales publiques et privées mais doit contenir au moins une personne publique (aucune personne physique excepté l’EURL).

Objet social du GIP : le GIP est créé en vue d’institutionnaliser un partenariat entre personnes publiques et/ou entre personnes publiques et privées ayant pour objet la mise en commun de leurs moyens pendant une durée limitée prévue par la convention. Son activité doit se limiter au principe de spécialité mais elle n’est en revanche pas soumise à des limites territoriales.