Institutions - Enfin un statut unique pour les groupements d'intérêt public ?
L'Assemblée nationale a adopté, en première lecture, le 2 décembre 2009, la proposition de loi de simplification et d'amélioration de la qualité du droit du député Jean-Luc Warsmann. Une proposition de loi qui comprend 158 articles sur des sujets très divers (voir notre article ci-contre sur son volet social). Son chapitre II - article 58 à 77 - a pour objet de rassembler en un texte unique l'ensemble des dispositions législatives applicables aux groupements d'intérêt public (GIP).
Cette proposition intervient 25 ans après la loi du 15 juillet 1982 qui avait créé des structures publiques spécifiques pour faciliter la coopération entre laboratoires de recherche publics et privés. Cette formule a connu un grand succès. Progressivement, des GIP ont été créés dans les domaines les plus divers : gestion locale, coopération internationale, santé publique, insertion professionnelle... Avec des modes de fonctionnement et des structures juridiques hétéroclites, et, parfois, des statuts du personnel imprécis. D'où une nécessaire harmonisation, demandée par le Conseil d'Etat dès 1996, et qui se traduit aujourd'hui par cette proposition de loi, adoptée par l'Assemblée nationale dans un climat consensuel.
Une durée limitée, des activités d'intérêt général à but non-lucratif
L'article 58 du texte définit le GIP : "Une ou plusieurs personnes morales de droit public peuvent, par convention approuvée par l'Etat constituer soit entre elles, soit avec une ou plusieurs personnes morales de droit privé, pour une durée déterminée, un groupement d'intérêt public en vue d'exercer ensemble des activités d'intérêt général à but non-lucratif, en mettant en commun les moyens nécessaires à l'exercice de telles activités." Les collectivités territoriales ne peuvent utiliser les GIP pour exercer des activités qui pourraient relever d'un EPCI (partie 5 du CGCT). Lorsque des personnes morales souhaitent constituer un GIP, elles doivent d'abord adopter une "convention constitutive", qui décrit sa composition, sa durée, son objet... (liste fixée par l'article 59). L'Etat approuve ensuite cette convention, qu'il soit ou non membre du groupement. Le texte fixe les modalités de fonctionnement du groupement (entrée et sortie des membres, rôle de l'assemblée générale, possibilité de cumuler les fonctions de directeur et de président du conseil d'administration, etc.).
Une comptabilité privée, des achats hors Code des marchés publics
Les GIP peuvent être constitués avec ou sans capital. Bien que l'option "sans capital" soit généralement retenue, la proposition de loi laisse ouverte la possibilité de constituer des GIP pour mener une opération d'investissement qui nécessiterait la disposition de fonds propres. L'article 73 énumère les différentes ressources possibles : contribution financière, subvention, mise à disposition de personnel, locaux ou équipements... La proposition de loi ne soumet pas les GIP au Code des marchés publics (CMP) : seuls les GIP qui sont des pouvoirs adjudicateurs seront soumis à l'ordonnance 2005-649 du 6 juin 2005. Ce devrait être la situation la plus courante : il suffira par exemple que l'activité soit financée majoritairement par une personne soumise au CMP ou à l'ordonnance de 2005. Les éventuels bénéfices du groupement ne peuvent être partagés entre ses membres : ils sont soit réutilisés l'année suivante, soit mis en réserve (art. 67). En principe, le GIP relève de la comptabilité privée sauf si la convention constitutive stipule le contraire ou si le GIP est constitué exclusivement de personnes morales de droit public.
L'Etat peut "désigner un commissaire du gouvernement chargé de contrôler les activités et la gestion du groupement sauf si ce dernier est composé exclusivement de collectivités territoriales". Un décret en Conseil d'Etat précisera les modalités d'intervention de ce commissaire. La formulation de l'article 74 laisse toutefois supposer que pour un GIP constitué majoritairement de collectivités territoriales et minoritairement d'un partenaire privé, l'Etat pourrait intervenir grâce à ce commissaire. Les GIP sont également soumis au contrôle de la Cour des comptes.
Qui peut travailler dans un GIP ?
"Les personnels du groupement sont constitués des personnels mis à disposition par ses membres. Des personnels propres peuvent également être recrutés directement par le groupement, à titre complémentaire." Ainsi la situation normale est l'emploi de fonctionnaires mis à disposition. Cette formule, "à titre complémentaire", a été insérée par les députés contrairement à l'avis du Conseil d'Etat qui souhaitait que soit reconnu le caractère "exceptionnel" d'un tel recrutement. Ces nouveaux recrutés seront soumis soit au Code du travail, soit à un régime particulier de droit public, dont le contenu sera déterminé par décret.
Désormais donc, le GIP pourra choisir le statut de son personnel propre, quelle que soit la nature de son activité et donc y compris si son activité consiste en un service public administratif. Cette disposition (art. 69) constituerait donc une nouvelle exception législative à la règle jurisprudentielle posée par l'arrêt Berkani du 25 mars 1996 : "Les personnels d'une personne morale de droit public gérant un service public administratif sont des agents de droit public quel que soit leur emploi, sauf dispositions législatives contraires." Toutes les personnes - hors fonctionnaires - déjà en poste dans un GIP, ne conservent pas nécessairement leur statut antérieur. L'assemblée générale a un an pour déterminer quel sera le régime (droit du travail classique ou droit public) qui leur sera appliqué (voir les précisions à l'article 70).
Un statut "universel"?
Si ce texte est adopté par le Sénat, tous les GIP - sauf exceptions - seront désormais soumis aux dispositions de la proposition de loi. Ainsi, par exemple, les maisons de l'emploi sont soumises au nouveau statut. Pour certaines structures, des dispositions spécifiques sont prévues : les agences d'urbanisme sont soumises au nouveau statut sous réserve, notamment qu'un commissaire du gouvernement soit nommé lorque la part de la participation de l'Etat dépasse un certain seuil. Quant à l'Agence française de l'adoption, elle est soumise au nouveau statut sous réserve des dispositions législatives qui prévoient son financement par l'Etat et les départements. Tous les GIP existants disposent de deux ans pour adapter leur convention constitutive. Enfin, certaines structures conservent les statuts particuliers : c'est le cas des maisons départementales des personnes handicapées, qui ont été créées sans limitation de durée.
Cette proposition de loi Warsmann devrait être examinée par le Sénat dans les semaines à venir.
Hélène Lemesle
Références : Proposition de loi de simplification et d'amélioration de la qualité du droit, adoptée en première lecture par l'Assemblée nationale le 2 décembre 2009.