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Aménagement du territoire - L'inquiétude des élus persiste malgré le plan en faveur des territoires ruraux

Un an après les Assises des territoires ruraux, les élus restent inquiets sur l'avenir, comme l'a montré un débat au Sénat, le 13 janvier. En dépit du plan de 5 milliards lancé en mai 2010, ils craignent des fermetures de services publics.

"Les ruraux ne se contentent plus de grandes déclarations d'amour et de bouquets de fleurs, il veulent des preuves d'amour." C'est en ces termes que Didier Guillaume, sénateur de la Drôme, s'est adressé à Bruno Le Maire, ministre de l'Agriculture, de l'Alimentation, de la Pêche, de la Ruralité et de l'Aménagement du territoire, le 13 janvier 2010, à l'occasion d'un débat au Sénat sur l'avenir de la ruralité. Au centre des préoccupations de l'élu : la disparition progressive des services publics (santé, justice, éducation…), le recul des implantations territoriales de l'Etat et les conséquences de la révision générale des politiques publiques (RGPP). "La République semble abandonner des millions de citoyens ruraux, privés de services publics de base ; la RGPP fait les dégâts que l'on connaît, avec sa logique comptable à court terme", a ainsi souligné Didier Guillaume en séance publique, précisant que l'Etat devait se "réengager au côté des collectivités territoriales, accompagner la mutation du monde rural et lui garantir les fondamentaux d'un développement équilibré". 

Assises

Avant de quitter ses fonctions, l'ancien ministre de l'Espace rural et de l'Aménagement du territoire, Michel Mercier, avait annoncé que le plan de 5 milliards d'euros en faveur des territoires ruraux lancé en mai 2010 dans les foulée des Assises des territoires ruraux était réalisé à 80 %. Mais ce plan, constitué d'une quarantaine de mesures (téléphonie mobile, numérique, transports, accès aux soins, maintien des services à la population) n'a pas réussi à faire taire les inquiétudes. "Les Assises des territoires ruraux ont démontré le fort besoin de services publics. Or, vous préférez le 'service au public', soumis à l'exigence de rentabilité, jusque dans les hôpitaux. Le nouveau statut de la Poste, avec la fermeture de nombreux bureaux, conduit à des services au rabais ; le fret ferroviaire est délaissé au nom de l'impératif économique, mais au détriment des PME. Le schéma national des infrastructures inquiète, qui appelle une nouvelle fois au cofinancement des collectivités territoriales. Chaque année, les parlementaires doivent se battre pour sauver les crédits du Fisac (fonds d'intervention pour les services, l'artisanat et le commerce). Comment accueillir les populations attirées par la ruralité si les services publics disparaissent ?", a ainsi questionné Gérard Le Cam, sénateur des Côtes-d'Armor. Pourtant, le regain démographique vers les territoires ruraux se confirme. Actuellement le secteur rural, qui représente 80 % de la superficie de la France, accueille 50 % de la population française, soit plus de 32 millions d'habitants. Or, entre 1999 et 2006, la population dans les communes rurales de moins de 2.000 habitants a progressé de 1 % par an et les flux migratoires vers ces communes représentent, entre 2001 et 2006, 300.000 habitants supplémentaires. Des néoruraux qui attendent les mêmes services qu'en ville : commerces de proximité, services publics, agences Pôle emploi, hôpitaux…

Développement compromis

Les sénateurs ont pointé du doigt les réformes conduisant au contraire à des fermetures d'établissements. "La RGPP dicte sa loi à la carte hospitalière, à la carte scolaire, à la carte judiciaire. Il faut aujourd'hui se battre pour conserver les services de proximité, alors qu'il faudrait les moderniser", a affirmé Robert Tropeano, sénateur de l'Hérault, tandis que Claude Bérit-Débat, sénateur de la Dordogne, plus fataliste, a déclaré que si "ça continue ainsi, le développement de nos territoires sera compromis". Des propos qui émanent de sénateurs de gauche mais qui font écho à ceux de Bruno Bourg-Broc, président de la Fédération des maires des villes moyennes (FMVM) et député-maire UMP de Châlons-en-Champagne (Marne), qui a interpellé le gouvernement le 12 janvier à l'occasion des voeux de son association : "On sent une politique où le souci d'aménagement du territoire n'apparaît pas être la première préoccupation."
En réponse aux interrogations des élus, le ministre a rappelé les mesures en cours, affichant les quatre priorités du gouvernement : l'accès aux soins, avec les agences régionales de santé et les maisons de santé pluridisciplinaires, les nouvelles technologies, qui bénéficient de deux nouveaux fonds dont la dotation devrait devenir pérenne dans les mois à venir, les services publics et la création d'emplois. En matière de services publics notamment, Bruno Le Maire a affirmé qu'il fallait "trouver le bon équilibre entre présence humaine et desserte numérique", sans afficher d'objectifs chiffrés. "Il y a une vision datée des services publics en milieu rural, cette vision c'est de laisser croire à nos concitoyens que nous aurions encore les moyens budgétaires, publics nécessaires pour financer partout en France, dans la moindre commune, un bureau de poste, une agence Pôle emploi, un bureau SNCF… Nous n'avons plus les moyens de le faire et nous avons d'autres possibilités techniques pour rendre le même service", a expliqué le ministre, vantant les mérites de la mutualisation des services publics.

"Spontanément ruralicide"

Dans le cadre de l'accord national signé en septembre 2010 entre l'Etat et les grands opérateurs de services publics (EDF, GDF, la Poste, SNCF, Pôle emploi, Assurance maladie), un dispositif est en cours d'expérimentation dans 23 départements. Il est destiné à accroître l'offre de service dans des lieux d'accueil uniques. "Les premières conventions locales seront signées en février ; si cet essai est concluant, nous étudierons la possibilité de généraliser le dispositif à l'ensemble des départements", a annoncé le ministre. Ses réponses n'ont pas réussi à convaincre les élus. "Vos efforts pour nous réconforter nous sont allés droit au coeur, mais les ruraux sont en droit d'attendre autre chose que des motifs d'espérer", a ainsi affirmé Pierre-Yves Collombat, sénateur du Var, signalant au passage que notre système était "spontanément ruralicide." Et Didier Guillaume de conclure : "Nous ne voulons pas en faire une réserve d'Indiens, mais un lieu de vie et de création : malheureusement aujourd'hui, les collectivités locales sont un peu seules à aider les acteurs privés. Nous attendons une accélération de l'action de l'Etat en zone rurale." 

 

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