Archives

Territoires ruraux - Michel Mercier : "Je veux faire des services publics pour le XXIe siècle"

Le président de la République présentera les conclusions des Assises des territoires ruraux début février. Après 300 réunions menées à travers la France, l'équipement en très haut débit arrive en tête des préoccupations des territoires. Michel Mercier, ministre de l'Espace rural et de l'Aménagement du territoire, explique le rôle des collectivités dans ce vaste chantier et promet une aide de l'Etat au profit des territoires les plus isolés.

Localtis : Comment la question du numérique a-t-elle été abordée dans le cadre des Assises des territoires ruraux ?

Michel Mercier : Ces assises se sont passées de façon très libres. Nous avons voulu les faire pour écouter les gens en leur posant la question : de quoi avez-vous besoin aujourd'hui pour bien vivre en milieu rural ? La première demande a été : il faut le très haut débit (THD) fixe et mobile. Sur les 300 réunions, nous avons eu 300 fois cette demande. Le THD est une condition pour vivre normalement en ville comme en milieu rural. Et personne n'accepte plus qu'il persiste une différence entre urbains et ruraux sur ce point. Le président Sarkozy l'a souligné lors de son intervention à Mortagne-au-Perche. C'est l'une des exigences fondamentales de l'aménagement du territoire. Personne ne peut plus vivre en dehors de cette modernité. Le Premier ministre l'a d'ailleurs confirmé, le 18 janvier dernier, à l'occasion de la présentation du programme national de déploiement du très haut débit.

 

Les annonces du Premier ministre, la semaine dernière, vont-elles favoriser l'action des collectivités ?

Il y a d'abord de nouveaux outils qui ont été mis à leur disposition. La circulaire du 31 juillet 2009 sur les schémas directeurs d'aménagement numérique du territoire. Et puis la loi Pintat sur la fracture numérique, récemment adoptée, qui crée un fonds de péréquation nationale et que j'ai soutenue. Et enfin le grand emprunt. Les collectivités vont être des acteurs importants du déploiement numérique sur leurs territoires. Il faudra définir ceux-ci à un niveau pertinent : ce peut être le département, plus ou moins… Et dans les modalités, cela prendra la forme de partenariats public-privé, que ce soit sous forme de contrats de partenariats, d'appels d'offres, etc. Mais personne ne va se passer des opérateurs. Il y a des endroits où ils iront tout seul. Et d'autres endroits où il faudra que la puissance publique apporte son aide.

 

Face aux opérateurs "fers de lance", quelle place reste-t-il aux collectivités ?

Je vous l'ai dit, elles sont des acteurs incontournables du déploiement numérique sur leur territoire. La définition du territoire pertinent est essentielle. Il faudra que les projets concernent des territoires mixtes, des lieux très peuplés et d'autres moins, pour que s'exerce une certaine solidarité. Il ne s'agit pas de fixer le même prix au niveau national mais qu'une certaine péréquation tenant compte des spécificités du territoire s'organise avec l'aide du financement de l'Etat. Evidemment, nous mobiliserons plus de moyens par habitant là où la population est plus rurale et où il y a moins de monde et plus de difficultés économiques… C'est bien chaque territoire qui va motiver sa demande en présentant son plan de déploiement et on trouvera des règles simples pour déterminer le niveau de l'aide de l'Etat. Nous ne décidons pas depuis Paris mais nous veillons à garantir une certaine homogénéité de déploiement au niveau national.

 

E-administration, télésanté, formation en ligne, visioguichets, ne sont-ils pas les caches misère du désengagement des services publics en milieu rural ?

Je veux faire des services publics pour le XXIe siècle et pas pour le XIXe. Ce qui signifie mutabilité et adaptation. Il ne s'agit plus d'avoir un agent avec des manches lustrées, une casquette, un porte-plume et un guichet ! I faut qu'il utilise l'informatique et les moyens de communication les plus modernes pour améliorer le service rendu. Et là où il n'y avait pas d'agent, pas de médecin, il faut faire de la visioconférence et de la télémédecine par exemple. Et pour cela, évidemment, nous avons besoin que le THD soit disponible sur tout le territoire !

 

La santé est une forte attente des territoires, quelles solutions envisagez-vous ?

La deuxième grande demande tient à l'offre de soins, à la démographie médicale, l'accueil de la petite enfance et la question des personnes âgées. Comment faire en sorte que demain l'offre de soins soit en adéquation avec la vie dans les territoires ruraux ? La question de la démographie médicale se pose partout mais avec plus d'acuité encore dans les territoires ruraux. Les maisons de santé pluridisciplinaires permettent un exercice de la médecine de façon mutualisée. Il faut poursuivre. Mais cela ne fait pas des médecins quand il n'y en a pas. L'une des pistes serait que les médecins généralistes soient maîtres de stage et qu'ils accueillent des étudiants en formation. Cela ne résout pas le problème des installations dans les territoires ruraux, nous n'excluons aucune solution.

 

Etes-vous favorable à une loi-cadre pour fixer ces objectifs comme vous l'ont demandé les maires, lors du dernier congrès de l'Association des maires de France ?

J'ai établi un ensemble de propositions concrètes qui ont été soumises au président de la République et au Premier ministre. Nous sommes en train d'évaluer les mesures à prendre. Il y aura des dispositions législatives et réglementaires. Avec l'embouteillage du calendrier parlementaire, une loi-cadre ne pourra pas être inscrite à l'ordre du jour cette année. Mais des mesures pourront d'ores et déjà être mises en œuvre.

 

Vous aviez évoqué des contrats de présence territoriale avec les grands opérateurs de services publics. Avez-vous avancé ? S'agira-t-il de contrats tripartites associant l'AMF ?

Oui, nous menons des négociations sur le terrain avec les grands opérateurs. L'objectif est de donner à la charte des services publics en milieu rural une force opposable. Nous sommes en effet tout à fait ouverts à travailler avec l'AMF et sa commission des affaires rurales chez qui je me suis rendu récemment dans le cadre des assises.

 

L'autre grand rendez-vous de 2010 sera la révision à mi-parcours des contrats de projets Etat-régions (CPER) 2007-2013. En avez-vous fixé le calendrier ?

La révision aura lieu après les régionales, à la fin du premier semestre ou au début du second. Il faudra voir vers quelles nouvelles priorités on souhaite s'orienter comme la formation universitaire ou le rééquilibrage territorial. Le président de la République a fait remarquer que plus de 70% des crédits des CPER concernent les villes-préfectures. Il faudrait une plus large palette d'accès. On regardera tout cela de près avec les régions.

 

Comment votre longue expérience d'élu local nourrit-elle aujourd'hui votre action en tant que ministre ?

Cela me donne une vision des choses différente que si j'étais uniquement parisien. Quand je défends mon projet devant le Parlement, j'ai plus de crédibilité parce que je le vis aussi dans mon territoire. Le département du Rhône est à la fois très urbain et très rural, avec les deux tiers de territoire de montagne. Nous allons finir en mars prochain notre réseau THD sur tout le département, dans le cadre d'un partenariat public-privé avec un opérateur et sans l'aide de l'Etat. A l'origine, quand nous avons démarré le projet il y a quinze ans, c'était un réseau de fibre coaxiale pour la télévision. Nous l'avons transformé, avec notre opérateur, en réseau de fibre optique jusqu'au pied des immeubles et tous les habitants en zone rurale ont eu du très haut débit. C'est aujourd'hui le seul département français qui en est à ce niveau-là. J'encourage donc tous les élus à se mobiliser sur ce sujet essentiel et l'Etat va les aider.

 

Propos recueillis par Luc Derriano / EVS et Michel Tendil

 

 

Voir aussi

Abonnez-vous à Localtis !

Recevez le détail de notre édition quotidienne ou notre synthèse hebdomadaire sur l’actualité des politiques publiques. Merci de confirmer votre abonnement dans le mail que vous recevrez suite à votre inscription.

Découvrir Localtis