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Congrès des maires - L'ingénierie publique locale en quête de nouveaux repères

Alors que le rôle d'appui de l'Etat ne cesse de diminuer, les collectivités doivent de plus en plus compter sur elles-mêmes pour exercer leurs compétences en matière d'instruction des permis de construire et dans les domaines techniques (voirie, réseaux, bâtiment, informatique, etc.). Plusieurs expériences d'ingénierie prise en charge par des intercommunalités ou à l'échelle départementale ont été présentées le 20 novembre lors d'un atelier du congrès de l'Association des maires de France (AMF). Mais ces formes de solidarité territoriale suffiront-elles à pallier le désengagement de l'Etat ? Certains élus s'interrogent.

"C'est au moment où les territoires en ont le plus besoin pour mener des projets toujours plus pointus, dans un cadre interdisciplinaire, avec des démarches administratives de plus en plus contraignantes, que l'Etat se retire de l'ingénierie de proximité" : Pierre Jarlier, sénateur-maire de Saint-Flour et président de la commission Urbanisme de l'Association des maires de France (AMF), a souligné d'emblée ce paradoxe en ouverture d'un atelier sur l'ingénierie publique locale organisé dans le cadre du Congrès de l'AMF le 20 novembre. Le mouvement de retrait de l'Etat n'est pas nouveau : engagé dans le cadre de la révision générale des politiques publiques (RGPP), il a franchi une étape importante fin 2011 avec l'arrêt des interventions de l'Etat dans le champ de l'ingénierie concurrentielle qui s'est accompagné d'une réorganisation des services. La fusion des directions départementales de l'agriculture et de la forêt (Ddaf) et des directions départementales de l'équipement (DDE) au sein des directions départementales des territoires et le non-remplacement des personnels ont alors laissé un goût amer aux collectivités.
Aujourd'hui, c'est au tour de l'assistance technique de l'Etat pour des raisons de solidarité et d'aménagement du territoire (Atesat) de passer à la trappe. Le projet de loi de finances pour 2014 prévoit sa disparition au 1er janvier prochain avec néanmoins la possibilité de conclure des conventions d'accompagnement avec les collectivités pour achever, jusqu'à fin 2015, les missions en cours. Autre évolution à venir : le projet de loi pour l'accès au logement et un urbanisme rénové (Alur) prévoit d'abaisser le seuil de mise à disposition gratuite des services de l'Etat en matière d'application du droit des sols (ADS). Pour bénéficier de cet appui pour l'étude technique des demandes de permis ou des déclarations préalables, l'intercommunalité devra compter moins de 10.000 habitants (contre 20.000 aujourd'hui) et les communes de moins de 10.000 habitants n'y auront plus accès si elles appartiennent à une intercommunalité d'au moins 10.000 habitants.

Ni doublons, ni tutelle

Pour pallier ces désengagements successifs de l'Etat, certaines collectivités ont commencé à s'organiser. A condition de disposer des compétences adéquates et d'éviter nombre d'écueils. "Il ne faut que pas que cela entraîne de doublons entre services ni de tutelle d'une collectivité sur l'autre", a mis en garde Pierre Ducout, maire de Cestas (33) et co-président de la commission Urbanisme de l'AMF. Différents exemples de bonnes pratiques ont ainsi été présentés au cours de l'atelier. Marc Fesneau, président de la communauté de communes de Beauce et Forêt (41), située entre Blois et Vendôme, a expliqué comment l'intercommunalité avait recruté l'agent de la DDE qui conseillait déjà les communes pour les questions de voirie. "Il consacre la moitié de son temps à surveiller l'entretien de la voirie et à préparer les marchés de travaux, en faisant une commande publique groupée, et l'autre moitié au service public d'assainissement non collectif (Spanc). Nous avons aussi proposé aux communes de recruter des agents administratifs qui partagent leur temps entre les communes et l'intercommunalité pour développer des compétences sur les marchés publics. Nous voulons aussi le faire sur l'urbanisme." C'est sur ce champ que la communauté de communes du Thouarsais (79) a poussé le plus loin la mutualisation, comme l'a expliqué sa vice-présidente, Brigitte Lacoste. "Notre communauté va passer de 18 à 33 communes à compter du 1er janvier prochain et arriver ainsi à l'échelle d'un bassin de vie, avec plus de 10.000 emplois, soit le deuxième pôle du département. Auparavant, nous avions déjà regroupé le service Urbanisme de la ville de Thouars et celui de la communauté et nous disposons au sein d'une maison de l'urbanisme des compétences pluridisciplinaires en matière de planification de l'habitat, d'ADS, de SIG et d'aménagement urbain."

A l'échelle des départements 

Dans les Pyrénées-Atlantiques, une agence publique de gestion locale a été mise sur pied il y a treize ans. "C'est un syndicat mixte de mutualisation des moyens qui dispense des capacités d'expertise aux collectivités du département qui souhaitent y adhérer", a expliqué son président Michel Cassou, maire de Pardies-Piétat. L'agence, qui n'a pour seules ressources que les cotisations des collectivités adhérentes, emploie une cinquantaine de personnes pour dispenser cinq services que les collectivités peuvent choisir à la carte : questions juridiques et administratives (hors ressources humaines), informatique, service technique (bâtiment et aménagement d'espaces publics, maîtrise d'oeuvre comprise), urbanisme, voirie et réseaux. En Haute-Saône, c'est l'agence technique départementale qui conseille les collectivités. "Lorsque l'Etat a souhaité se retirer, les élus communaux et intercommunaux se sont adressés au département et nous leur avons adressé un questionnaire pour évaluer leurs besoins en matière de voirie, d'assainissement, d'eau, d'assistance à maîtrise d'ouvrage, de maîtrise d'oeuvre, de maîtrise d'ouvrage déléguée, a relaté Yves Krattinger, président du conseil général. La question était de savoir sous quelle forme nous pouvions nous organiser pour dispenser ce service d'appui et pour des raisons de simplicité, nous avons fait le choix d'une agence départementale." Les communes y adhèrent sur une base volontaire et pour bénéficier de ses services paient une cotisation proportionnelle à leur population et des honoraires, prestation par prestation. "Les collectivités gardent toute leur liberté de recourir ou non à l'agence en fonction des dossiers qu'elles ont à traiter", a souligné Yves Krattinger. Dans tous les cas, ces structures se situent hors du champ concurrentiel, dans le cadre de prestations "in house". Les relations avec les bureaux d'études privés, se passent  d'ailleurs plutôt bien. "Ils apprécient que nos agents interviennent en appui des communes sur leurs projets car ils ont un langage technique commun", a souligné Yves Krattinger.

Quel rôle pour le futur Cerema ?

Dans ce nouveau contexte, quelle sera la place du futur Centre d'études et d'expertise sur les risques, l'environnement, la mobilité et l'aménagement (Cerema) qui sera créé le 1er janvier prochain pour apporter son appui aux services déconcentrés de l'Etat et aux collectivités ? Son préfigurateur, Bernard Larrouturou, a expliqué  que le nouvel établissement public ne pourra intervenir auprès des collectivités que dans le cadre de procédures de mise en concurrence. Mais il a insisté sur la représentation des élus locaux au sein du conseil d'administration (5 contre 6 représentants de l'Etat) et du conseil stratégique (12 élus locaux, à parité avec les représentants de l'Etat). "Notre ambition est de créer un établissement en lien avec le terrain qui soit en même temps une porte d'entrée vers le monde académique en aidant à partager les connaissances et les méthodologies". Mais pour Pierre Jarlier, les évolutions en cours peuvent conduire à un aménagement du territoire à deux vitesses. "L'évolution de l'ingénierie nécessite une vraie solidarité envers les territoires. Il manque aux côtés du Cerema un échelon d'ingénierie de proximité car les collectivités ne pourront pas tout faire seules."

 

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