Congrès AMF - Voirie : les pistes d'une bonne gestion
La France compte 1 million de kilomètres de routes. Mais les autoroutes et les routes nationales pèsent bien peu dans ce total – respectivement 11.000 kilomètres et 9.000 kilomètres. Pour l'essentiel, le patrimoine routier appartient aux collectivités : 377.000 km aux départements et 630.000 kilomètres aux communes. En moyenne, chaque commune de l'Hexagone est en charge de 17 kilomètres de voirie. Un patrimoine qui pèse lourd dans le budget en termes d'entretien et surtout d'investissement. Dans certaines communes, il peut facilement absorber 30% de la capacité d'investissement, comme en a témoigné un élu du Gers lors de l'atelier "gestion de la voirie communale" organisé par Mairie 2000 le 24 novembre dans le cadre du Congrès de l'AMF.
La question préoccupe aujourd'hui de nombreux maires, d'autant que ce patrimoine routier communal risque de s'étendre à l'avenir, les départements étant parfois tentés de transférer les tronçons qu'ils n'ont plus les moyens d'entretenir. Face à des charges qui risquent de s'accroître, les communes se sentent aussi démunies sur le plan technique du fait de la disparition des directions départementales de l'équipement (DDE). "Le seul service d'ingénierie publique restant est l'ATESAT (Assistance technique de l'Etat pour des raisons de solidarité et d'aménagement du territoire) mais c'est un service limité", a regretté René Valorge, maire de Saint-Denis de Cabanne (42), une commune qui compte 18,5 km de voirie à entretenir. Et l'édile de préciser : "Lorsque nous faisons de gros travaux, nous sommes aujourd'hui obligés de passer par des cabinets de maîtrise d'œuvre qui se rémunèrent à hauteur de 8 à 12% du coût des travaux et dont la fiabilité est très variable. Nous manquons de bureaux d'études spécialisés dans le domaine routier."
Bien connaître le statut de sa voirie
Face à cette situation, il est donc primordial pour les communes de bien maîtriser la gestion de leur voirie. Cela passe d'abord par une bonne connaissance de leur patrimoine. Alain Saint Supéry, de l'Ordre des géomètres experts, a rappelé l'importance de la connaissance du statut juridique de la voirie. Les premiers textes encore en vigueur remontent au XIXe siècle, avec notamment la loi du 25 avril 1836 définissant les chemins vicinaux et celle de 1881 introduisant la notion de chemins ruraux. L'ordonnance du 7 janvier 1959 a quant à elle défini précisément le contenu de la voirie des collectivités locales : les voies communales, régies par le Code de la voirie routière et les chemins ruraux, par le Code rural. Les premières, qui relèvent du domaine public de la commune, doivent répondre au double objectif de circulation et de desserte et être conçues en conséquence. Leur entretien est obligatoire et toutes les décisions concernant leur emprise (classement, déclassement, alignement, aliénation, agrandissement, redressement, remembrement…) doivent faire l'objet d'une délibération du conseil municipal après enquête publique.
Le chemin rural appartient pour sa part au domaine privé de la commune. Par essence situé hors d'une zone urbaine (les zones AU et U d'un plan local d'urbanisme - PLU), il est affecté à l'usage public mais n'a pas fait l'objet d'une procédure de classement (enquête publique, délibération). Il existe ainsi environ 600.000 kilomètres de chemins ruraux en France. Si leur entretien n'est pas obligatoire, le conseil municipal peut toutefois instituer après enquête publique une taxe spéciale pour financer des travaux ou conclure une convention en vue de la réalisation de certains travaux avec une association d'utilisateurs.
"Il y a aussi des voies communales de fait – des zones mixtes, pas bien définies, des bouts de chemin sur des parcelles privées communales, a relevé Alain Saint Supéry, et il est essentiel de réaliser avant tout un bon état des lieux juridique, avec une délimitation du foncier qui soit claire." Pour déterminer l'emprise d'une voie communale, la collectivité a le choix entre un plan d'alignement ou un alignement individuel, théoriquement délivré par le maire de manière unilatérale. "Mais on s'oriente de plus vers une procédure contradictoire, note Alain Saint Supéry. C'est une approche à privilégier pour ne pas cacher d'excroissance larvée du domaine public."
Outils financiers
Disposer d'un tableau de classement à jour de la voirie communale est aussi primordial pour bénéficier au maximum des concours financiers de l'Etat, a souligné Pierre Favier, ancien élu et également géomètre expert. La dotation de solidarité rurale, notamment, comporte une fraction de péréquation attribuée aux communes de moins de 10.000 habitants répondant à des critères de potentiel fiscal dont le montant est fonction pour 30% de la longueur de voirie classée dans le domaine public communal, la surface des places entrant aussi en ligne de compte. Outre la dotation globale de fonctionnement (DGF), la dotation d'aménagement, la dotation d'équipement des territoires ruraux (DETR) ou le Fonds de compensation de la TVA (TVA), les communes de moins de 10.000 habitants peuvent aussi obtenir pour leurs travaux des subventions provenant du produit des amendes de la circulation routière, pour financer en particulier des aménagements de sécurité, des trottoirs, de la signalisation. Autres sources possibles : les taxes d'urbanisme (taxe d'aménagement pour l'entretien et l'investissement dans les zones AU et U du PLU, taxe pour équipement exceptionnel dans le cas d'aménagements de voirie pour des activités agricoles, industrielles, artisanales ou commerciales, etc.) ou des contributions spéciales imposées à l'amiable ou par procédure contentieuse à des entrepreneurs ou à des propriétaires qui ont dégradé la voirie suite à un usage temporaire inhabituel.
Les communes doivent tout particulièrement veiller à ce risque, qui est fréquemment le fait de grumiers, d'exploitants de carrières ou d'agriculteurs. Car, au titre de leur autorité domaniale, ce sont elles qui sont directement responsables des défauts d'entretien des voies communales et des dommages que ces défauts peuvent occasionner. Elles sont aussi chargées de la police de la circulation et du stationnement sur toutes les voies en agglomération et sur la seule voirie communale hors agglomération. Elles doivent également veiller à la coordination des travaux. "C'est au maire de prévenir tous les services possédant des réseaux sur les voies et il peut limiter jusqu'à trois ans les interventions sur les chaussées rénovées", a rappelé Pierre Favier.
Face à des budgets de plus en plus contraints, les travaux d'entretien de la voirie sont primordiaux, qu'il s'agisse de travaux de propreté, de curage des fossés ou d'interventions localisées sur les surfaces ou les structures. "C'est le nerf de la guerre. Si on le néglige, les coûts peuvent ensuite être multipliés par 10 ou 20, a fait remarquer Pierre de Thé, de l'Union des syndicats de l'industrie routière française (Usirf). Quel que soit l'ouvrage, le bon rythme de renouvellement est de 10% par an."