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Hébergement - L'Igas sévère sur le dispositif de veille sociale en Ile-de-France

Alors que le secrétariat d'Etat vient de diffuser la première partie du "référentiel national de l'hébergement" (voir notre article ci-contre du 26 août 2010), l'Inspection générale des affaires sociales (Igas) publie un rapport sur l'organisation de la veille sociale en Ile-de-France. Celui-ci a été commandé à l'Igas par Benoist Apparu, dans le cadre de la réforme de l'hébergement (voir nos articles ci-contre). La région francilienne présente en effet des caractéristiques très particulières en la matière. Selon la direction régionale des affaires sanitaires et sociales, elle comptait, en février 2010, 28.906 personnes en demande d'hébergement, dont près de 60% d'hommes isolés. Outre l'absence de logement, ces personnes en situation très précaire, voire en errance, présentent également des problèmes de santé (addictions, tuberculose...) et une forte prévalence de la souffrance psychique. De plus, l'enquête de l'Igas intervient dans un contexte de changement législatif, réglementaire et organisationnel : montée en charge du droit au logement opposable, refonte du dispositif d'hébergement, réorganisation des services déconcentrés de l'Etat (avec la création de la direction régionale et interdépartementale de l'hébergement et du logement - Drihl -, spécifique à l'Ile-de-France)...

L'Igas se montre sévère sur le dispositif de veille sociale dans la région. Elle relève en effet des "dysfonctionnements nombreux" et "des problèmes sensiblement plus aigus à Paris qu'ailleurs". Assorti de nombreuses propositions, le rapport pointe notamment la diversité des pratiques des 115 (les centres d'appels pour l'hébergement d'urgence) et leur manque de visibilité sur la réalité des places disponibles. A Paris, par exemple, la visibilité du 115 sur le dispositif d'hébergement serait limitée à environ 40% des places. Cette situation - toutefois un peu meilleure dans les autres départements de la région - se double d'une absence de vision régionale complète. Cette diversité des modes de fonctionnement - alors que le territoire est géographiquement très restreint pour Paris et la petite couronne - se retrouve également pour les équipes mobiles d'intervention. L'Igas note à nouveau "une situation inquiétante à Paris, où la couverture géographique est incomplètement assurée". Le rapport préconise donc "une sectorisation beaucoup plus contraignante, qui garantisse un fonctionnement sans zones blanches ni chevauchements". Mais le principal dysfonctionnement réside dans le "recours massif" aux nuitées hôtelières, qui engendre des situations très difficiles pour les familles, un manque de suivi social, une mauvaise gestion (paiement de chambres non occupées) et une lourdeur du processus de réservation et de contrôle.

Le rapport s'attache ensuite aux futurs services intégrés de l'accueil et de l'orientation (SIAO), dont la création est prévue par une circulaire du 8 avril 2010. Sur ce point, l'Igas estime que "par pragmatisme et pour le court terme, la mise en place d'un SIAO-urgences et d'un SIAO-insertion dans chaque département constitue la seule solution à même de garantir leur constitution à brève échéance, sachant toutefois que la création des SIAO de Paris exigera une vigilance particulière de la part de la Drihl". Le rapport insiste aussi sur la nécessité d'une implication plus forte de l'Etat - au-delà du contrôle budgétaire et du suivi statistique - et d'un "dialogue renforcé avec les conseils généraux". L'Igas recommande notamment de saisir le Conseil d'Etat pour "lever les ambiguïtés" sur la responsabilité de la prise en charge des femmes accompagnées d'enfants de moins de trois ans et sur celle de l'accompagnement social des personnes et des familles qui séjournent plusieurs mois en hôtel.

La dernière partie du rapport est consacrée à un problème très politique et délicat : le desserrement de la pression qui s'exerce sur Paris et sur la Seine-Saint-Denis et l'instauration d'un meilleur équilibre entre les départements d'Ile-de-France. Sur ce plan, l'Igas est consciente que les obstacles seront difficiles à contourner. Ils tiennent à la fois au refus de nombreuses personnes en situation précaire (dont certaines travaillent ou ont des enfants scolarisés) de s'éloigner de Paris et à "l'hostilité des collectivités territoriales (départements et communes) [...], exacerbée par les tensions budgétaires qu'elles enregistrent". Contrairement aux autres composantes du rapport, l'Igas se contente donc de proposer sur ce point des "pistes d'action", comme une meilleure quantification statistique et géographique du phénomène et une révision des projets d'établissement des structures d'hébergement afin qu'elles incluent un quota de places pour des personnes venant de Paris.

 

Jean-Noël Escudié / PCA
 

 

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