L'Igas et l'IGF proposent de renforcer le soutien financier et d'ingénierie des CAF pour les communes
Dans leur rapport consacré aux "dépenses socio-fiscales en faveur de la politique familiale", deux inspections passent au crible tous les aspects de cette politique, pointant une gouvernance "éclatée", au niveau local comme national, avec une superposition de dispositifs. Une "transformation très ambitieuse" leur semblerait donc nécessaire. À défaut, certaines évolutions sont préconisées : contemporanéisation des ressources prises en compte, révision de certaines déductions fiscales... Mais aussi : compétence obligatoire des communes ou EPCI en matière de politique d'accueil du jeune enfant et renforcement du soutien des CAF aux collectivités.
L'Inspection générale des affaires sociales (Igas) et l'Inspection générale des finances (IGF) rendent public un rapport intitulé "Revue des dépenses socio-fiscales en faveur de la politique familiale". Celui-ci passe au crible tous les aspect de la politique familiale, sous l'angle des dispositifs fiscaux (quotient familial et crédits d'impôt) comme des prestations sociales (prestations familiales et part familialisée des prestations de solidarité). Cette définition recouvre une dépense estimée à 63 milliards d'euros en 2019. Même si celle-ci connaît, depuis 2012, une très légère baisse en euros constants (-2%), elle place la France au premier rang des pays de l'OCDE en termes d'effort consacré à la politique familiale (3,6% du PIB). Le rapport constate que "dans la durée, le poids et l'ancienneté de la politique familiale française sont allés de pair avec une bonne dynamique démographique de la France par rapport à ses voisins européens".
Un scénario radical et ambitieux, mais jugé peu réaliste
L'Igas et l'IGF pointent toutefois une gouvernance "éclatée", au niveau national (ministères, Cnaf, MSA...) et local (communes, départements), sans véritable chef de file. Autre faiblesse mise en évidence par le rapport : "si les dispositifs socio-fiscaux relevant de la politique de la famille ont des effets redistributifs puissants, ils prennent en compte imparfaitement les nouvelles configurations familiales et s'accompagnent d'effets de bord et de seuil importants". Ces effets de bords tiennent à la superposition de multiples dispositifs. Il aboutissent à une grande hétérogénéité dans les paramètres des aides (bases ressources, année de référence, conditions de ressources...), entraînant des effets redistributifs peu lisibles, voire aléatoires et contradictoires, même si l'objectif de soutien aux familles vulnérables s'est renforcé au fil des ans. En outre, cette complexité "pèse sur la lisibilité et la pilotabilité de cette politique publique, ainsi que sur l'accès effectif aux dispositifs".
Face à cette situation, l'Igas et l'IGF considèrent que "dans une logique de long terme, seul un scenario de transformation très ambitieuse du dispositif socio-fiscal permettrait d'améliorer la cohérence d'ensemble du système". Ce scénario passerait par la fusion des prestations d'entretien et du quotient familial pour créer une allocation d'entretien forfaitaire, versée dès le premier enfant et modulée selon le rang des enfants. Cette allocation (redistribution horizontale) pourrait s'articuler avec un revenu universel d'activité ou son équivalent (redistribution verticale).
Les rapporteurs sont bien conscients qu'un tel scénario a peu de chances de se concrétiser à court ou moyen terme. Mais ils excluent cependant des scenarios partiels, comme la fusion de l'ensemble des prestations familiales d'entretien, ou celle de l'allocation de base et des allocations familiales assortie d'une extension de celles-ci au premier enfant. Le rapport considère en effet que de tels scénarios "auraient un coût élevé et des effets déstabilisateurs pour la politique de la famille sans pour autant résoudre les incohérences identifiées".
Des "évolutions paramétriques"
Pour éviter une impasse, l'Igas et l'IGF formulent donc douze préconisations présentées comme des "évolutions paramétriques [...] susceptibles de clarifier le système sans en perturber la lisibilité". Parmi celles-ci on retiendra notamment la nécessité de poser la question de la place du soutien à la natalité au sein de la politique familiale, comme l'a fait, il y a quelques temps, le haut-commissaire au plan, François Bayrou (voir notre article du 19 mai 2021). De même, comme cela a été fait pour les APL, le rapport préconise de mettre en œuvre, à moyen terme, la contemporanéisation des ressources prises en compte dans le calcul des prestations familiales, mais en privilégiant un scenario de réévaluation du droit annuelle plutôt que trimestrielle (contrairement aux APL).
Le rapport recommande également de revenir sur certaines déductions fiscales, comme la demi-part supplémentaire accordée aux contribuables vivant seuls et ayant eu à titre exclusif, en vivant seuls, la charge d'enfants pendant au moins 5 ans, ainsi que la réduction d'impôt pour frais de scolarité des enfants scolarisés dans le primaire et le secondaire. En revanche, l'allocation de rentrée scolaire devrait être majorée pour les élèves en filière technologique ou professionnelle et étendue aux enfants de 3 ans par cohérence avec l'obligation de scolarisation à 3 ans.
Pour une compétence obligatoire des communes et des EPCI
Du côté de la gouvernance, l'Igas et l'IGF recommandent de créer une compétence obligatoire des communes ou des EPCI en matière de politique d'accueil formel du jeune enfant (assistantes maternelles, crèches et autres établissements d'accueil), assortie de l'accompagnement financier nécessaire. Les collectivités auraient dès lors "la responsabilité d'organiser l'offre d'accueil en fonction des besoins locaux et en mobilisant l'ensemble des acteurs privés et publics". Dans le même temps, et afin de lutter inégalités territoriales et d'accompagner la transition vers la compétence obligatoire des communes, il conviendrait de "conforter" les mesures de soutien des CAF aux collectivités déjà engagées, en termes de financement et d'ingénierie. Toujours sur les modes de garde, il conviendrait, afin de faciliter l'accès des familles modestes, d'aligner le reste à charge du CMG (complément mode de garde) assistantes maternelles sur celui des Eaje (établissements d'accueil du jeune enfant) fonctionnant en PSU (prestation de service unique servie par les CAF).
Enfin, sur la question des familles monoparentales, qui cumulent les difficultés, le rapport préconise de faire du maintien et du retour à l'emploi de ces familles une priorité stratégique pour la Cnaf et pour Pôle emploi. Il conviendrait, pour cela, de développer une offre globale de services (accueil du jeune enfant, accompagnement socio-professionnel...), en lien avec les départements et dans le cadre du service public d'insertion et de l'emploi, en cours de déploiement.