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Logement privé - Les villes qui pratiqueraient l'encadrement des loyers sont dans le collimateur de Clameur

L'activité reprend sur le marché du logement locatif privé, les loyers n'augmentent pas, mais les bailleurs engagent moins de travaux d'amélioration et de rénovation, selon le tableau de bord semestriel de l'observatoire Clameur. Ce "démarrage sans dérapage" serait une preuve supplémentaire que l'encadrement des loyers ne sert à rien. Pour autant, Clameur prédit le pire aux communes qui envisagent encore de s'y frotter.

"Un redémarrage sans dérapage." C'est ainsi que Michel Mouillart, l'économiste de Clameur, a résumé à la presse, le 10 mars, les dernières péripéties du marché locatif de logements (*). Occasion de revenir sur le cheval de bataille de l'observatoire : l'abandon définitif de tout dispositif d'encadrement des loyers.
Son intense et efficace travail de lobbying avait payé auprès du gouvernement, Manuel Valls ayant annoncé la fin du dispositif – pourtant dans la loi Alur – dès le départ de la ministre du Logement Cécile Duflot. Le Premier ministre et Sylvia Pinel avaient toutefois précisé que les villes motivées pourraient tenter l'expérimentation. Et Paris, Lille et Grenoble avaient déclaré vouloir tenter l'expérience (voir nos articles ci-contre). Trois villes dont les loyers ont déjà tendance à baisser.

Les loyers baissent dans 80 % des 20 premières villes de France

Sur l'ensemble de l'année 2014, les loyers de marché ont crû de 1%, pour une progression des prix à la consommation estimée à 0,5% d'après l'Insee, a observé Clameur. Depuis le début de l'année 2015, ils reculent, en moyenne, en France métropolitaine, de 0,9% par rapport à l'année dernière à la même époque. Les loyers baissent dans 80% des 20 premières villes de France dont Grenoble, Lille et Paris, mais aussi : Montpellier, Toulon, Toulouse, Strasbourg, Lyon, Nîmes, Dijon, Nantes, Bordeaux, Angers, Rennes, Le Havre et Nice. Ils ont augmenté mais de manière moins rapide que l'inflation à Saint-Etienne et à Marseille. Ils ont augmenté de manière plus rapide que l'inflation au Mans et à Reims.

27 % de mobilité résidentielle en 2014...

Bonne nouvelle pour les bailleurs : le marché locatif privé "redémarre", grâce à un joli taux de mobilité résidentielle des locataires de 27% sur l'ensemble de l'année 2014. Un taux supérieur à la moyenne des taux de mobilité enregistrée depuis 1998. Si bien que "l'année 2014 s'est terminée mieux qu'elle n'avait commencé", indique le professeur Mouillart. "L'activité a bénéficié d'une demande plus pressante qu'auparavant et d'un changement sensible dans l'attitude des pouvoirs publics à son égard", explique-t-il. La reprise de l'activité se confirme pour le début de l'année 2015, avec un taux de mobilité résidentielle de 28,9%. L'activité locative aurait ainsi retrouvé un niveau comparable à celui de 2011 "lorsque le marché sortait de la crise des années 2008-2009 et avait retrouvé une bonne fluidité".

... mais 17,2% à Paris

L'enthousiasme s'effrite dès que Michel Mouillart évoque Paris. Car la mobilité résidentielle des locataires parisiens recule toujours "renforçant les craintes d'une pénurie de l'offre locative généralisée et durable", prédit l'économiste de Clameur. Etablie à 17,2% en 2014, c'est une diminution de 10,9% qu'il calcule depuis 2009 "et même de 21,5% par comparaison avec la situation qui s'observait au milieu des années 2000, avant le déclenchement de la grande dépression", précise-t-il.
Et ce serait encore si l'encadrement des loyers se mettait en place : le dispositif pénaliserait les ménages les plus modestes et bénéficierait majoritairement aux ménages les plus aisés (voir sa démonstration dans notre article du 10 septembre 2013) ; il freinerait les travaux d'amélioration et de rénovation dans les logements... Et de toutes les façons, il ne serait techniquement pas faisable.

Travaux à la relocation : l'effort s'est relâché dangereusement depuis 2012

Concernant les travaux d'amélioration, d'entretien et d'amélioration des logements, les perspectives ne sont pas non plus très bonnes. "L'effort s'est relâché dangereusement depuis 2012", alerte Clameur. De 32,5% de logements reloués après travaux en 2011, on est passé à 25,7% en 2012, puis à 16,5% en 2014 pour tomber à 12% en ce début d'année. Des données qui ne prennent pas en compte les "arrangements" entre locataires et bailleurs, lorsque les premiers s'engagent lors de l'entrée dans les lieux à entreprendre eux-mêmes les travaux en échange d'un à plusieurs mois de loyers gratuits (affichant mécaniquement, dans les statistiques globales, des loyers et des travaux en baisse). Un phénomène que Clameur ne sait pas estimer et qu'il juge mineur.

L'encadrement des loyers : "une prime à la non-qualité"

L'effondrement des travaux s'expliquerait par plusieurs facteurs : la baisse des loyers, la montée de la vacance locative, les perspectives que tout cela ne va pas s'arranger... et aussi aux fluctuations des aides fiscales. S'y ajoute naturellement l'incontournable dispositif d'encadrement des loyers qui serait, selon François Davy, président de Foncia et président de Clameur, "une prime à la non qualité". "C'est une incitation à ne pas entretenir", insiste-t-il. Démonstration : prenez deux logements de même composition dans le même immeuble parisien, avec pour seule différence que l'un est bien entretenu et l'autre ne l'est pas ; leur loyer sera identique, prédit François Davy.

La loi sur la transition

Et le projet de loi sur la transition énergétique n'y changera rien. Chez Clameur, on estime que "ça se saurait si une loi pouvait réguler le marché du logement".
Quant à la perspective rappelée par le comité interministériel du 6 mars dernier que les préfets exercent leur droit de préemption sur les logements locatifs du parc privé dans les communes qui ne respectent pas la loi SRU, pas de panique. "Les pouvoirs publics en la matière n'ont jamais fait ce qu'ils avaient dit", observe le président de Clameur. Selon lui, le problème (et sa solution) sont ailleurs : "fondamentalement, on ne construit pas assez en France", rappelle-t-il. Voilà au moins un point qui met tout le monde d'accord.

Valérie Liquet

(*) L'observatoire Clameur (Connaître les loyers et analyser les marchés sur les espaces urbains et ruraux) met à jour chaque trimestre tableau de bord qui analyse les évolutions intervenues depuis 1998 sur les marchés locatifs privés de près de 1.500 villes et EPCI de plus de 10.000 habitants. Il s'appuie sur un échantillon de 295.000 références, remontant de ses 34 adhérents (Foncia, Nexity, Icade, Centuty 21, SeLoger.com...), représentant 18,1% de l'ensemble du marché.

 

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