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Logement - Les loyers baissent et la vacance s'accroît dans le parc privé

L'observatoire Clameur (Connaître les loyers et analyser les marchés sur les espaces urbains et ruraux) a tenu, le 9 septembre, son point presse sur la conjoncture du marché locatif privé à la fin août 2014. Cet organisme à la réputation de sérieux avérée - qui regroupe plus d'une trentaine de grands acteurs de l'immobilier - a notamment présenté une analyse de son directeur scientifique Michel Mouillart, professeur d'économie à l'université Paris Ouest et spécialiste des questions de logement.

Une mobilité résidentielle en recul et une vacance en forte hausse

Les résultats sont d'autant plus intéressants qu'ils interviennent au moment où un - vif - débat oppose partisans et adversaires de l'encadrement des loyers. Dans le cadre de son tableau de bord, Clameur couvre 95% du marché locatif privé et 93% de la population métropolitaine. Il ressort de ses analyses que plusieurs éléments peuvent contribuer à la relative atonie du marché. Tout d'abord, la mobilité résidentielle dans le parc locatif privé a atteint cette année son point le plus bas depuis 1998, avec 25,9% de locataires ayant changé de logement en 2014. Ce taux était encore de 27,9% en 2011, après avoir atteint un pic historique de 30,5% en 2004.
Autre facteur explicatif : la progression de la vacance dans le parc locatif privé. Celle-là s'envole en effet depuis 2008. Entre 2009 et 2014, elle a progressé de 23% (soit l'équivalent de 1,8 semaine de recettes perdues), pour atteindre désormais huit semaines en moyenne, soit une perte annuelle de 4% des loyers perçus.

Les loyers progressent moins vite que l'inflation depuis 2006

L'étude confirme également la modération de l'évolution des loyers, dans un marché "en dépression". Cette année, les loyers de marché évoluent au même rythme que l'inflation, soit une tendance annuelle de 0,7%. L'an dernier, ils avaient progressé de 0,6% pour une inflation de 0,9%.
Contrairement à une idée reçue, il y a longtemps que les loyers du parc privé ont cessé leur course folle à la hausse. Depuis 2006, ils ont progressé en moyenne de 1,4% par an, soit un rythme légèrement inférieur à celui de l'inflation (+1,5%). En revanche, il est vrai que cette période de modération succède à une période de forte hausse : entre 1998 et 2006, les loyers ont progressé en moyenne de 4% par an, pour une inflation annuelle de 1,8%. Cette idée d'une hausse sans fin continue pourtant de hanter les esprits, alors qu'elle est en réalité terminée depuis huit ans...

La baisse ou la modération n'épargnent pas les grandes villes

L'observatoire Clameur propose également des analyses en termes de territoires. Ainsi il apparaît qu'en 2014, les loyers du parc locatif privé sont en baisse dans dix régions. Dans quatre régions, les loyers stagnent ou progressent moins vite que l'inflation (Alsace, Aquitaine, Bretagne et Poitou-Charentes), tandis que sept régions enregistrent une progression moyenne plus rapide que l'inflation (de 1 à 2% de hausse) : Auvergne, Franche-Comté, Ile-de-France, Lorraine, Paca, Pays de la Loire et Rhône-Alpes.
Si l'on observe les communes de plus de 10.000 habitants, les loyers baissent en 2014 dans près d'une ville sur quatre (37,5%). Cette proportion de villes baissières est la plus forte de celles observées depuis 2009.
On pourrait bien sûr penser que ce phénomène touche uniquement des villes petites, moyennes ou en déclin économique. Mais il n'en est rien. Si l'on considère en effet les 20 villes les plus peuplées (plus de 146.000 habitants), quatre enregistrent une baisse des loyers du parc privé en 2014 (Reims, Montpellier, Dijon et Saint-Etienne), neuf connaissent une progression inférieure à l'inflation (Marseille, Bordeaux, Paris, Strasbourg, Rennes, Toulon, Nantes Grenoble et Toulouse) et sept seulement affichent une hausse supérieure à l'inflation : Angers, Lille, Le Havre, Villeurbanne, Le Mans, Lyon et Nice.

Et l'encadrement dans tout ça ?

Si l'on considère l'évolution de ces vingt villes sur le moyen terme, entre 2006 et 2014, il apparaît que douze d'entre elles ont connu une progression annuelle moyenne des loyers inférieure ou égale à celle de l'inflation sur la période (+1,5%) : Angers, Bordeaux, Dijon, Grenoble, Le Havre, Le Mans, Marseille, Montpellier, Rennes, Saint-Etienne, Strasbourg et Toulouse.
Chacun trouvera bien sûr dans cette étude des arguments pour ou contre l'encadrement des loyers : la maire de Lille (+2,6% par an entre 2006 et 2014) pour plaider en faveur de l'encadrement et le maire de Marseille (+0,8% sur la même période) pour le refuser... Mais au-delà de ces considérations territoriales, il reste une question de fond : ne serait-il pas utile que le débat s'appuie sur des données fiables et partagées, plutôt que sur des impressions ou des réminiscences des années antérieures ?

Jean-Noël Escudié / PCA

 

Paris, Lille, Grenoble, Bordeaux... des déclarations et des chiffres

Manuel Valls avait indiqué dans son plan de relance pour le logement que l'encadrement des loyers, mesure phare de la loi Alur, serait limité à Paris, "à titre expérimental" et non étendu aux 27 autres villes prévues (voir notre article ci-contre du 29 août 2014). La maire de Lille, Martine Aubry, avait immédiatement demandé que "d'autres communes puissent, sur une base volontaire, bénéficier aussi de l'encadrement des loyers". Le Premier ministre lui avait donné son accord dès le lendemain, en pleine université du PS, à La Rochelle (voir notre article ci-contre du 1er septembre 2014). Dans la foulée, le maire écologiste de Grenoble avait lui aussi montrée son intérêt. Alain Juppé, maire (UMP) de Bordeaux, a quant à lui déclaré : "Je souhaite attendre la mise en place de cet observatoire (Ndlr : des loyers, outil indispensable à la mise en œuvre du dispositif d'encadrement) et ses premiers constats, avant de prendre une décision sur ce sujet." La "question du périmètre pertinent" pour l'application de cette mesure "méritera également d'être posée", a-t-il également estimé. Tout comme en Ile-de-France d'ailleurs, où des élus réclament l’extension du dispositif au Grand Paris.
Selon les chiffres de l'observatoire Clameur, à Lille, les loyers ont progressé plus vite que l'inflation entre 2013 et 2014 (*), avec +2,6 % d'augmentation en moyenne (+ 2,6 % également entre 2006 et 2014). Mais Michel Mouillart, l'économiste de Clameur, a précisé en conférence de presse que cette hausse était surtout alimentée par le marché de petits logements (+ de 5 %), alors que "les loyers des autres logements stagnent, voire baissent dans certains cas". "L'offre est inadaptée à la demande qui se présente, alors que sur le territoire de la communauté urbaine, les loyers stagnent ou baissent depuis 7 ans", a-t-il commenté. "Si nous encadrons les loyers sur ce territoire, nous avons un risque que les investisseurs privilégient les villes périphériques de la communauté urbaine", prévoit-il, levant ainsi, lui aussi, la question du périmètre.
A Paris, Grenoble et Bordeaux en revanche, les loyers ont progressé en un an moins vite que l'inflation (+0,4 % à Paris, +0,1 % à Grenoble, +0,5 % à Bordeaux). Dès lors, pourquoi encadrer ? interrogent nombre de professionnels de l'immobilier. Pour anticiper les caprices du marché et donner un signal aux habitants, répondent les élus concernés, non sans viser quelque intérêt politique dans l'affaire.


(*) Comme à Angers (+ 3 %), Le Havre (+1,9 %), Villeurbanne (+1,6 %), le Mans (+0,9 %), Lyon (+0,8) et Nice (+0,8 %).

V.L. avec AEF

 

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