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Congrès des Régions de France - Les régions mettent le pied dans la porte du fédéralisme

A l'issue d'intenses tractations, le Premier ministre a annoncé ce 29 septembre, lors du congrès des régions à Reims, le remplacement de l'intégralité des dotations de l'Etat aux régions par une part de TVA... mais seulement à compter de 2018. Les régions parlent d'un moment historique. Mais n'entendent pas attendre 2018. Elles espèrent voir intégrer la mesure dans le budget 2017. Pour les aider à faire face à la prise en charge des dépenses économiques anciennement dévolues aux départements, Manuel Valls a aussi promis, dans le cadre de ce budget, la création d'un fonds doté de 450 millions d'euros.

Fin du suspens mais pas du feuilleton. Comme prévu, le Premier ministre Manuel Valls a dévoilé ce jeudi 29 septembre, à l'occasion du 12 congrès des régions - le 1er sous leur nouvelle appellation Régions de France - à Reims, l'équation trouvée pour financer leurs nouvelles compétences, en particulier la prise en main des dépenses économiques des départements. "A compter du 1er janvier 2018, les régions n'auront plus de DGF, celle-ci sera remplacée par une fraction de TVA dont l'effet dynamique garantira et pérennisera vos moyens d'action", a-t-il dit, confirmant un scénario dévoilé au compte-gouttes ces derniers jours, sachant que d'intenses tractations ont été menées jusqu'au dernier moment.
Exit donc les quelque 4 milliards d'euros de dotations, qui seront remplacés par de la TVA. Alors que les régions espéraient une mise en œuvre de cette mesure dès 2017, le Premier ministre a indiqué qu'il inscrirait dans le projet de loi de finances présenté la veille la création d'un fonds pour financer l'action économique des régions, "dans la limite de 450 millions d'euros" (soit exactement l'équivalent de la baisse de dotation prévue l'an prochain !). A ce stade, le financement de ce fonds n'est pas précisé. Manuel Valls a aussi voulu donner une assurance en vue des prochaines échéances électorales : le principe de la transformation de la DGF en part de TVA devrait être voté dès cette année. "Nous écrivons 34 ans après (la loi de 1982, ndlr) un nouveau chapitre de la décentralisation (…) qui changera notre pays pour longtemps", s'est félicité le Premier ministre, parlant de moment "historique".

"Une révolution"

Pour les régions, qui réclament de l'autonomie financière et l'instauration de ressources dynamiques depuis des années – au moins depuis la réforme de la taxe professionnelle de 2010 – il y a en effet de quoi se réjouir. D'autant que l'idée de cette part de TVA est l'une de leurs vieilles propositions. C'est même la resucée d'une proposition formulée il y a de nombreuses années par les élus corses. Alors la voir enfin sur la table, "c'est une révolution", a lâché le président de Régions de France et président LR de la région Grand Est, Philippe Richert, en conférence de presse, se laissant même aller à un lapsus parlant de "Länder français". Son prédécesseur à la tête de l'ARF, Alain Rousset, s'est dit pour sa part "heureux que nous en soyons arrivés là". Lui qui avait porté ce combat depuis des années. "Plus nous allons animer le développement économique (…) plus le retour fiscal sera important, ainsi va s'organiser un cercle vertueux", a-t-il ajouté.
Pourtant, les annonces de Manuel Valls ne sont pas encore tout à fait à la hauteur des ambitions régionales. L'échéance de 2018 a même créé de la "déception". En proie à une baisse drastique des dotations de l'Etat (moins 450 millions d'euros chaque année entre 2015 et 2017) ajoutée à la prise en charge des dépenses économiques des départements, les régions exigeaient une réaction rapide. D'après les calculs de l'ARF, les besoins de compensation des dépenses départementales se montent au moins à 600 millions d'euros (un premier scenario évoquait même les 800 millions d'euros). Pour les financer, le Premier ministre et l'ARF s'étaient entendus il y a quelques mois sur la création d'une taxe spéciale d'équipement régionale (TSER) existant déjà pour l'Ile-de-France. Mais les vives réactions que cette mesure avaient suscitées chez certains présidents de régions, dont le président des Hauts-de-France, Xavier Bertrand, se refusant à assumer un nouvel impôt, avaient conduit Philippe Richert à renoncer à cette solution. La semaine dernière, il dévoilait enfin son idée de remplacer la DGF par de la TVA. Cette mesure ferait de la réforme territoriale "une vraie loi de décentralisation", a-t-il déclaré en ouverture du congrès. Sa mise en œuvre serait "le sacre de Reims toujours recommencé, la Sainte ampoule en moins". Invoquer le sacre des rois pour célébrer le baptême du fédéralisme à la française : voilà qui est audacieux.

Le produit de la TVA croît de 3% par an

Concrètement, que va-t-il se passer ? La TVA est l'une des ressources les plus dynamiques : son produit croît de 3% par an. Sur une base de 4 milliards d'euros de TVA (soit à peu près ce qu'elles perçoivent aujourd'hui en dotations), le gain sur un an serait de 120 millions d'euros, a développé Philippe Richert. Ce qui, ajouté aux 450 millions du fonds promis par Manuel Valls, permettrait d'atteindre dès 2017 les 570 millions d'euros. Soit quasiment l'estimation initiale de l'ARF. Encore faudrait-il que la mesure puisse être mise en œuvre dès 2017 et non en 2018.
Que le Premier ministre se soit réservé la primeur de cette annonce au congrès ou que les services de Bercy l'aient jugée trop compliquée à mettre en œuvre dans des délais si courts : toujours est-il que rien n'est prévu à ce sujet dans le projet de loi de finances présenté hier. Et pourtant, Philippe Richert veut encore croire au travail parlementaire. "Je compte sur la vivacité intellectuelle de nos parlementaires", a-t-il déclaré après avoir entendu le président du Sénat, Gérard Larcher. "Le Sénat sera extrêmement attentif et pragmatique et veillera à ce qu'on fasse comme dans le Berry, 'quoi qu'on peut avec quoi qu'on a'", a déclaré ce dernier.
Le président des régions a aussi placé sa confiance dans les nouvelles modalités de travail avec l'Etat dans une logique de "coconstruction". Celles-ci se sont traduites par les nouvelles plateformes Etat-région sur le plan 500.000 formations supplémentaires (financé intégralement par l'Etat à hauteur d'un milliard d'euros mais piloté par les régions) ou le ferroviaire. Pour François Bonneau, le président délégué de Régions de France, c'est aussi la reconnaissance de la "maturité" des régions, elles qui, au moment de la création de bpifrance, étaient encore regardées avec dédain. Cette reconnaissance passe aussi par l'Union européenne : désormais, chaque année, les présidents de région rencontreront le président de la Commission européenne et les commissaires. Le premier rendez-vous aura lieu le 25 octobre.
"On ne pouvait pas continuer avec des régions qui étaient les 'petits poucets' des Länder ou des communautés autonomes", a aussi affirmé Manuel Valls. Hasard du calendrier ? Le nom des nouvelles grandes régions était publié au Journal officiel le matin même (voir notre article ci-contre). Des pouvoirs renforcés, de nouveaux périmètres, de nouveaux noms et maintenant de nouvelles ressources… en 2014, Alain Rousset l'avait prophétisé : "La France sera un Etat fédéral, comme l'Allemagne, l'Italie..." C'est désormais presque fait. Même si, comme l'a rappelé Philippe Richert, le budget de l'ensemble des régions françaises s'élève à 40 milliards d'euros, contre 42 milliards d'euros pour le seul Bade-Wurtemberg (sachant toutefois que les Länder ont des pouvoirs beaucoup plus larges, notamment la compétence scolaire…). Et d'ajouter en conclusion du congrès : "Rien ne s'achève. En réalité tout commence. (...) Nous savons où aller maintenant."

 Michel Tendil, à Reims

Emploi : la Caisse des Dépôts et Régions de France signent un partenariat
Philippe Richert et Pierre-René Lemas, directeur général de la Caisse des Dépôts, ont signé ce 29 septembre dans le cadre du congrès une convention de partenariat visant à soutenir le plan de mobilisation de lutte contre le chômage. Il s'agit en fait notamment, expliquent les deux acteurs, de "préparer le transfert de l'Etat aux régions de la compétence en matière d'accompagnement à la création et à la reprise d'entreprises". Les travaux communs concerneront : l'accompagnement du déploiement des services de l'Agence France Entrepreneur, l'émergence d'une offre régionale en matière d'investissement dans les TPE, le soutien au développement du centre de ressources de l'économie sociale et solidaire (ESS) et à la valorisation des politiques et initiatives régionales, notamment dans le cadre de la stratégie régionale de l'ESS.

 

 

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