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Pouvoirs locaux - Les Régions de France font leur mue... et attendent toujours d'être confortées financièrement

Journée chargée pour Philippe Richert. Il avait rendez-vous ce 21 septembre avec Manuel Valls pour reparler du financement des dépenses des régions en faveur du développement économique. Les discussions vont se poursuivre. Auparavant, le président de l'Association des régions de France était auditionné par la commission des finances de l'Assemblée. L'occasion de réexpliquer en quoi l'affectation de 600 millions d'euros était un minimum indispensable. Il réunissait ensuite la presse pour dévoiler la nouvelle identité de l'association : exit l'ARF, place à "Régions de France". Histoire de bien marquer la "nouvelle donne" régionale.

Ne dites plus ARF pour Association des régions de France, mais Régions de France tout court. "L'ARF change. Nous ne voulons pas nous contenter d'être une amicale des présidents de conseils régionaux. En tant qu'instance commune qui représente les intérêts des régions, nous entendons bien être une véritable institution", a indiqué Philippe Richert ce mercredi 21 septembre en présentant à la presse le nouveau nom et la nouvelle identité visuelle de l'association dont il assure la présidence.
Pour lui, ces nouveautés s'imposaient pour marquer la double transformation que connaissent les régions : changements de taille et changements de compétences donnent forcément aux régions "une place institutionnelle nouvelle", une "représentativité" qu'elles n'avaient jamais eue jusque-là. "J'ai par exemple pu le constater récemment en rencontrant mes homologues des Länder allemands qui, désormais, nous regardent autrement", témoigne le président de la région Grand-Est.
Et Philippe Richert de parler de "nouvelle réalité géopolitique" dans laquelle les régions ont pour principaux interlocuteurs : l'Etat, "premier partenaire des régions", que ce soit dans le cadre des contrats de plan ou de la stratégie déclinée à travers les divers schémas régionaux ; "les nouvelles agglomérations, qui sont bien plus qu'un assemblage de villes" ; l'Europe, sachant que "les régions sont aujourd'hui en charge de la mise en œuvre des politiques européennes". Ah oui, les départements aussi, apparemment au second plan, mais qui "restent très présents sur les solidarités sociales et territoriales" et avec lesquels les régions sont de facto conduites à signer un certain nombre de conventions.

Des évolutions positives... à financer

Philippe Richert considère les "plateformes d'engagements réciproques" Etat-régions comme une concrétisation de cette "nouvelle donne" : l'Etat ne peut plus désormais décider sans les régions. Il cite, à titre d'exemple, le fait que l'ARF ait obtenu gain de cause lorsqu'elle avait fait valoir que le milliard d'euros prévu dans le cadre du "plan 500.000 formations" de François Hollande devait nécessairement être délégué aux régions. Autre exemple : les avancées obtenues en matière de ferroviaire, qu'il s'agisse de liberté tarifaire ou des négociations en cours concernant les TET (Intercités). "Il y a beaucoup de sujets sur lesquels les choses évoluent dans le bon sens", résume Philippe Richert.
Restent les difficultés de financement. Ce mercredi 21 septembre était à ce titre une journée importante puisque le bureau de Régions de France avait rendez-vous en fin d'après-midi avec Manuel Valls pour rediscuter des 600 millions d'euros attendus par les régions pour le financement du développement économique.
Le matin même, Philippe Richert était précisément auditionné sur le sujet par la commission des finances de l'Assemblée nationale. L'occasion pour lui de bien faire entendre aux députés combien était indispensable l'affectation de cette somme afin que les régions puissent reprendre et financer les actions de développement économique que les départements vont devoir abandonner du fait de la suppression de la clause de compétence générale décidée par la loi du 7 août 2015 relative à la nouvelle organisation territoriale de la République (Notr).
Contrairement au transfert de la responsabilité des transports (transports interurbains et transports scolaires), qui a donné lieu au transfert d'une part de CVAE, cette "extinction" de la compétence économique du département n'est pas assortie d'un transfert de moyens. Ceci, a expliqué Philippe Richert, parce que "nulle part dans la loi il n'est dit qu'il s'agit d'un transfert de compétences".
Or, avant le vote de la loi, les départements consacraient 1,6 milliard d'euros au développement économique au sens large, y compris le tourisme. Sur cette somme, ils "versaient aux entreprises entre 800 millions d'euros et un milliard d'euros", d'après des estimations de la Direction générale des collectivités locales (DGCL) citées par Philippe Richert. Mais l'Etat a jugé que c'était "trop", a-t-il affirmé, rappelant que l'ARF a accepté que 600 millions d'euros soient au final affectés aux régions. Par rapport à ce que dépensaient les départements, cela représente donc "un effort de 30%", a souligné le président de la région Grand-Est.

"Je n'ai pas envie d'inventer une nouvelle taxe"

Fin juin, le Premier ministre et l'ARF avaient annoncé avoir trouvé un accord sur l'origine des nouvelles ressources : une taxe spéciale d'équipement régional devait être créée par la loi de finances pour 2017 (voir notre article du 28 juin 2016). Mais, ensuite, l'idée a pris l'eau, plusieurs présidents de droite dénonçant une nouvelle hausse de la fiscalité. Ce qui a conduit Manuel Valls à enterrer cette piste (voir notre article du 19 septembre).
Devant les députés, Philippe Richert a de nouveau montré son opposition à la création d'une nouvelle taxe. "Je ne sais pas inventer et je n'ai pas envie d'inventer une nouvelle taxe (…). C'est la responsabilité du gouvernement de nous trouver une solution. Le débat sera là. C'est à lui de faire", a-t-il dit.
Il a rappelé que l'ARF avait proposé que soit affectée aux régions une part supplémentaire de la taxe sur les carburants, la TICPE. Un centime de taxe par litre de carburant génère 500 millions d'euros par an. Les 100 millions d'euros restants pourraient provenir d'une fraction de taxe carbone, un choix que Philippe Richert a estimé "logique", compte tenu des compétences des régions. Mais le gouvernement avait rejeté ce scénario.
Au passage, le président de l'ARF a plaidé pour l'affectation aux régions d'une part des recettes de la taxe sur la valeur ajoutée (en lieu et place des 4,8 milliards d'euros de dotations de l'Etat). Les régions bénéficieraient ainsi d'une recette évolutive, contrairement aux dotations qui doivent reculer de 451 millions d'euros par an sur la période 2015-2017. C'est de cette manière que sont financées les régions allemandes et italiennes, a souligné l'ancien ministre en charge des collectivités territoriales du gouvernement de François Fillon.

Mettre le paquet sur les aides à l'innovation

Face à certains députés qui s'interrogeaient sur l'efficacité de l'intervention des régions dans le domaine économique, mettant ainsi en doute l'utilité d'une nouvelle ressource pour les régions, Philippe Richert a considéré que 600 millions d'euros constituaient absolument un minimum. Par leurs actions, les régions accompagnent les entreprises non pas en premier lieu pour "les zones d'activité", domaine où la France est "quasiment à égal de ce que font d'autres pays", mais pour "l'innovation" et "la capacité à exporter", c'est-à-dire là où la France est aujourd'hui "faible", a-t-il dit. "L'effort actuel des régions françaises en faveur de l'innovation est aujourd'hui de l'ordre de 600 millions d'euros, alors que celui des Länder est de 10 milliards", a-t-il ensuite détaillé lors de sa conférence de presse, ajoutant : "C'est pour le développement économique du pays que nous sommes en train de nous battre."
"Les régions ne sont pas là simplement pour le bonheur de dépenser", a-t-il assuré, en insistant sur les efforts en matière d'économies réalisés. A titre d'exemple, il a évoqué la région Grand-Est qui va tenter de remplacer un départ d'agent sur deux. "Depuis le début de l'année, dans notre région, il y a environ 60 à 70 personnes de moins qu'au début de l'année, parce que j'ai constaté qu'il y a des personnels en trop dans certains territoires", a-t-il confié. "Oui, il faut que nous fassions des efforts en termes d'encadrement afin de diminuer les dépenses de personnel", a-t-il ensuite répété aux journalistes.

Rendez-vous à Reims

La fusion des régions ne permettra pas forcément de dégager des économies, en tout cas à court terme, a toutefois nuancé le président de l'ARF. L'harmonisation par le haut des régimes indemnitaires des agents pourrait coûter 35 millions d'euros au Grand-Est. Dans le même temps, les dotations reçues par ce territoire diminuent depuis 2015 de 35 millions d'euros par an. Les régions sont "le niveau de collectivité qui dans la gestion d'ensemble se trouve dans la situation la plus fragile", en conclut Philippe Richert, rappelant que "depuis trois ans, l'Etat diminue sa participation au budget des régions de 450 millions d'euros par an". D'où des "difficultés croissantes à intervenir en investissement", avec une capacité d'autofinancement et une capacité de désendettement en baisse.
Comme on s'y attendait, le rendez-vous à Matignon n'a pas été conclusif. Les discussions vont donc se poursuivre. Le Premier ministre a simplement "pris acte de la demande des régions d'obtenir 600 millions d'euros pour couvrir leurs nouvelles dépenses en faveur du développement économique", écrit Matignon dans un communiqué. Et les deux parties ont "écarté toute augmentation des impôts pour les financer". La suite des discussions visera donc à "déterminer les modalités d'un pacte financier équilibré permettant de conforter l'action économique des régions tout en tenant compte des contraintes financières de l'Etat", poursuit le communiqué. "Ces pistes seront détaillées d'ici le 29 septembre", date à laquelle Manuel Valls doit participer à Reims au 12e congrès de l'association - le premier sous la bannière Régions de France... mais aussi le premier depuis les changements de majorité intervenus lors des élections de décembre 2015.

 

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