Economie - La future taxe "économique" des régions froidement accueillie par les patrons
La nouvelle taxe spéciale d'équipement régional (TSER) envisagée par le gouvernement a suscité de farouches réactions de la part du patronat. Pour une taxe censée financer le soutien des régions au développement économique, ce n'est pas le scénario rêvé. Le président de la CGPME François Asselin s'en est ouvert à Philippe Richert, président de l'Association des régions de France (ARF), à qui il a fait part, mardi soir, de sa "très forte opposition". "Alors que la France croule sous les impôts, inventer une nouvelle taxe est pour le moins stupéfiant. Les économies d'échelle que devaient générer les grandes régions vont donc, comme à l'accoutumée, se traduire par des surcoûts", estime la confédération, dans un communiqué, mercredi. "L'argument consistant à dire qu'il faut trouver de nouvelles recettes pour faire face à de nouvelles dépenses est à la fois irrecevable et irresponsable dans un pays qui consacre plus de 57% du PIB à la dépense publique", poursuit la CGPME qui serait plutôt favorable à des baisses de dépenses et des transferts de recettes existantes. Le Medef n'est pas moins critique. "Encore et toujours, la voie privilégiée par les politiques, de droite comme de gauche, pour résoudre un problème de financement public, est de taxer les entreprises, pourtant seules créatrices de richesses", critique-t-il, dans un communiqué du 28 juin. La centrale épingle au passage la région Ile-de-France qui vient "d'accepter au mépris de la compétitivité des entreprises franciliennes, d'augmenter le versement transport, la TICPE (taxe intérieure de consommation sur les produits énergétiques, ndlr) et le prix du Pass Navigo, financé à au moins 50% par les entreprises".
"Solution bancale"
La taxe envisagée par le gouvernement et les présidents de région, lors de leur réunion de lundi 27 juin, devrait figurer dans la prochaine loi de finances pour 2017 et rapporter quelque 600 millions d'euros l'an prochain. Elle est supposée accompagner le montée en puissance des régions en matière économique et compenser le retrait des départements. Ses modalités de calculs n'ont pas encore été précisées, mais comme toute TSER, elle devrait être collectée auprès des ménages et des entreprises, en tant que supplément à la taxe foncière, à la taxe d'habitation ou à la cotisation foncière des entreprises. Pour Philippe Laurent, maire de Seaux, conseiller régional d'Ile-de-France et secrétaire général de l'Association des maires de France, il ne s'agit que d'une "solution bancale" qui ne peut constituer qu'un "expédient temporaire". "Une fois encore, les ménages seront les premiers concernés et prélevés, par le biais d'une taxe qui est en réalité additionnelle à des impôts locaux – taxe d'habitation et taxe foncière - que chacun s'accorde à reconnaître comme totalement obsolètes du fait de valeurs locatives inéquitables", estime ce spécialiste des finances locales, dans un communiqué du 28 juin. "La vérité, c'est qu'on ne peut plus continuer avec un système totalement déséquilibré : d'un côté des collectivités locales qui exercent des compétences de plus en plus importantes avec des ressources fiscales totalement dépassées, d'un autre côté l'Etat qui fait de moins en moins – y compris dans ses compétences régaliennes – et conserve tout le produit des impôts modernes et évolutifs comme les impôts sur le revenu ou la TVA."
Une "vraie décentralisation"
Selon Philippe Laurent, il est temps d'engager "le processus de partage des grands impôts nationaux entre l'Etat et les grandes collectivités territoriales", "condition nécessaire à une vraie décentralisation". "Les candidats à la future élection présidentielle doivent y réfléchir sérieusement."
Si les régions majoritairement à droite sont derrière cette mesure, elle n'a pas fait l'unanimité dans le camp des Républicains. Pour Christian Estrosi, le président de Paca, le gouvernement est "pris en flagrant délit de mensonge" après la promesse de François Hollande de ne pas augmenter les impôts en 2017, et il n'a pas eu non plus le courage "de faire pour les régions le geste qu'il a fait pour les communes" (à savoir une diminution de moitié de la baisse programmée des dotations en 2017). "Je mesure l'urgence financière de nos collectivités et tout particulièrement de nos régions, mais rien ne saurait justifier que l'on présente, une fois de plus, l'addition aux Français", dénonce-t-il dans un communiqué du 28 juin.