Conférence des villes - "Des impôts nationaux à la place des dotations d'Etat"
"Pendant quarante ans, les gouvernements successifs ont transformé les impôts locaux en dotations", s'est insurgé Jean-Claude Boulard, président de la commission finances de France urbaine, lors de l'après-midi consacrée aux finances locales dans le cadre de la Conférence des villes organisée ce 22 septembre par France urbaine (sur les débats de la matinée, voir ci-contre notre autre article de ce jour). Le maire du Mans a appelé à rompre avec cette logique "en sanctuarisant les impôts locaux" et "en remplaçant progressivement les dotations par de la fiscalité nationale existante".
Au cours de cette même table ronde, Philippe Laurent, secrétaire général et président de la commission finances de l'Association des maires de France (AMF) a repris cette piste, avançant l'idée d'un partage du produit de la TVA entre l'Etat et les régions. C'est d'ailleurs ce scénario de réforme des ressources régionales que Régions de France (ex-Association des régions de France) vient de proposer au Premier ministre. Avec un certain succès, puisque Manuel Valls s'est engagé à l'étudier. Le maire de Sceaux a aussi évoqué l'idée d'un partage du produit de l'impôt sur le revenu entre l'Etat et les métropoles. De son côté, Julien Bargeton, adjoint à la maire de Paris en charge des questions financières, a plaidé pour l'affectation d'une partie des recettes de la CSG aux départements et aux métropoles.
France urbaine a par ailleurs souhaité "une pleine maîtrise de la fiscalité par les collectivités" notamment par "la fixation des bases des impôts locaux". De ce point de vue, François Rebsamen, maire de Dijon, a regretté que l'administration fiscale de l'Etat soit "peu allante" pour réviser les valeurs locatives par lesquelles les impôts locaux sont calculés. L'optimisation du recouvrement des impôts paraît également indispensable aux yeux des élus locaux, qui ont appelé à "une collaboration accrue" entre les services de l'Etat et ceux des collectivités.
"Gouvernance partagée"
Autre demande de France urbaine : la mise en place d'une péréquation rénovée prenant en compte les charges des territoires - notamment celles qui sont liées à la centralité – et l'effort fiscal. Jean-Claude Boulard a rappelé sur ce point que les contribuables étaient beaucoup plus sollicités dans les grandes villes que dans les communes rurales. S'agissant de la péréquation, Julien Bergeton a pour sa part proposé que les fonds de péréquation entre collectivités soient dirigés vers les investissements publics locaux. Il a aussi appelé à veiller à la soutenabilité des prélèvements opérés au titre de la péréquation, qui se conjuguent avec la baisse des dotations.
Enfin, les élus de France urbaine ont souhaité une amélioration des relations entre l'Etat et les collectivités, en les fondant sur un réel dialogue et une plus grande transparence. Ils ont estimé que, de ce point de vue-là, la loi de financement des collectivités territoriales, dont le président de la République a souhaité l'instauration pour 2018, sera un progrès. Charles-Eric Lemaignen, président de l'Assemblée des communautés de France (ADCF) a acquiescé: "Tout sera fait en une fois et cela nous permettra d'avoir plus facilement une gouvernance partagée."
Thomas Beurey / Projets publics
Des territoires dotés d'une puissance d'intervention considérable
Les 50 territoires urbains de plus de 150.000 habitants que compte la France (hors Ile-de-France et outre-mer) ont une puissance d'intervention considérable. Leur budget (hors remboursement de la dette) s'est élevé en 2015 à 44 milliards d'euros, ce qui a représenté une dépense de 2.526 euros par habitant, nettement supérieure à la dépense engagée par les départements sur lesquels ces territoires sont présents (1.054 euros par habitant) et à celle des régions (408 euros par habitant). C'est ce que met en évidence une étude de la Banque postale et de France urbaine dévoilée lors de la conférence des villes (en téléchargement ci-contre).
Pour la première fois, l'établissement bancaire a procédé à une analyse consolidée des comptes des communautés concernées et des 1.653 communes qui en sont membres. En outre, elle a inclus non seulement leurs budgets principaux, mais aussi leurs budgets annexes (au nombre de 1.933). Il en résulte une image très fidèle de la réalité (seuls les budgets des syndicats n'ont pas été pris en compte).
Dans les territoires faisant l'objet de l'étude, l'intercommunalité a pris une place essentielle. Les dépenses totales hors dette sont ainsi assurées en moyenne à hauteur de 57% par les communes (soit 24,9 milliards d’euros), tandis que les groupements prennent en charge 43% des interventions (27% dans leurs budgets principaux et 16% dans leurs budgets annexes). Mais, dans près d'un territoire sur cinq, les dépenses des intercommunalités dépassent d’ores et déjà celles des communes.
Les tendances de fond qui se dégagent de l'étude ne sont pas nettement différentes de celles qui sont constatées pour l'ensemble des communes et communautés pour l'année 2015. C'est notamment le cas pour l'investissement dans les 50 territoires étudiés, qui a reculé de 8,5%. A ce sujet, l'étude révèle que les communes ont réduit leurs dépenses d'équipement de 16,4% en moyenne. Dans un territoire sur quatre, cette baisse dépasse même 26%. De leur côté, globalement, les communautés ont stabilisé leurs dépenses d'équipement (+0,9% en moyenne). Pour Olivier Landel, délégué général de France urbaine, ces constats généraux sont d'autant plus alarmants que, fin 2015, les collectivités territoriales se situaient "à la moitié du chemin" s'agissant de la baisse des dotations.
T.B.