Conférence des villes - Citoyenne, solidaire et durable : quand France urbaine dessine la métropole de demain
Le Premier ministre, Manuel Valls, est intervenu ce jeudi 22 septembre à l'hôtel de ville de Paris lors de la 16e Conférence des villes organisée par l'association France urbaine, qui rassemble métropoles, agglomérations et grandes villes (voir ci-contre notre article du 9 novembre 2015).
Dans un discours dont le contenu dépassait les seules problématiques des collectivités, Manuel Valls, a rappelé que la réforme territoriale prolongeait le mouvement de décentralisation, qualifiée de "révolution tranquille", pour instaurer un nouveau dialogue entre l'Etat et les élus locaux. Il en a voulu pour preuve les deux plateformes d'engagements réciproques signées avec les régions (voir notre article du 28 juin) et le pacte Etat-métropoles (voir nos articles des 7 et 8 juillet ci-contre).
Autonomie financière des villes
Le Premier ministre est revenu sur plusieurs mesures en matière de ressources financières, concernant notamment le montant des crédits accordés aux pactes d'innovation (150 millions d'euros) signés dans le cadre du pacte Etat-métropoles, et ceux accordés dans le cadre des contrats de plan Etat-région.
Répondant à Jean-Luc Moudenc, président de France urbaine, qui avait auparavant réclamé une plus grande autonomie financière des grandes villes – qui les mettrait à l'abri d'une variation des dotations de l'Etat – le Premier ministre s'est dit favorable au renforcement de cette autonomie, mais n'a pas manqué de relever que certains élus ne sont pas prêts à assumer l'impopularité qui va avec la collecte de la ressource par le biais de taxes ou d'impôts nouveaux.
Projet de loi de financement des collectivités territoriales
Dans ce domaine, le ministre de l'Aménagement du territoire et des collectivités, Jean-Michel Baylet, venu ouvrir les travaux de la matinée, avait confirmé l'élaboration, aux côté des lois de finances et de la loi de financement de la sécurité sociale, d'un projet de loi de financement des collectivités territoriales, texte dans lequel il voit "une véritable opportunité pour un nouvel acte de décentralisation", précisant que la réforme de la dotation globale de fonctionnement (DGF) serait abordée dans ce cadre. Il avait également confirmé que le projet de loi de finances pour 2017 ne comprendra pas de hausse du fonds de péréquation intercommunale (Fpic), et que le fonds de soutien à l'investissement public local sera reconduit et porté à 1,2 milliard d’euros en 2017.
"Nouvelles pratiques démocratiques"
Au-delà de la question des moyens financiers, Manuel Valls a rappelé que l'action du gouvernement visait à instaurer de "nouvelles pratiques démocratiques", d'où l'importance accordée à la parité. D'où, aussi, la réforme du cumul des mandats qui doit entrer en vigueur en 2017. Ce nouvel élan démocratique passe également selon lui par une réflexion sur l'élection au suffrage universel des conseillers communautaires, prévue par la loi Maptam pour 2020, et sur laquelle il n'existe pas de consensus parmi les élus - les interventions au cours de la matinée l'avaient démontré. Le gouvernement déposera donc, dans le cadre du projet de loi relatif au statut de Paris et à l’aménagement métropolitain, un amendement qui "modifiera cette disposition", afin de dégager le temps d'un "débat serein" à ce sujet.
Le Premier ministre a ensuite dressé un portrait de la ville de demain, qu'il appelle les élus à bâtir : une ville innovante, durable, plus solidaire. Il a exhorté ces mêmes élus à "casser les logiques d'exclusion" et assuré qu'il était prêt à confier la gestion de l'habitat local aux grandes villes et aux métropoles. Pour Manuel Valls, cette ville doit "prendre sa part" en temps de crise. Et notamment dans l'accueil des migrants, pour lequel il a lancé un vibrant appel à l'engagement, tout en reconnaissant que des "interrogations légitimes" pouvaient se poser. Il a rappelé que la dotation de solidarité urbaine (DSU) serait réformée et accrue dans le cadre du projet de loi de finances à venir.
Stabilité institutionnelle et financière
Plusieurs chantiers restent inachevés, a pour sa part souligné Jean-Luc Moudenc. Tout d'abord, la réforme des critères de calcul de la dotation globale de fonctionnement (DGF). Le président de Toulouse Métropole a ainsi appelé à une meilleure prise en compte du revenu des ménages, et surtout des charges de centralité (voir nos articles des 8 et 12 juillet), soulignant que celles-ci "portent en elles la solidarité républicaine". Il s'est inquiété également des conséquences de la baisse des dotations. Selon une étude réalisée par France urbaine en partenariat avec la Banque postale collectivités (voir ci-contre notre article du 23 septembre) en 2015, les dépenses des collectivités auraient baissé de 1,3%, leur réserve d'épargne brute de 10%, et leur investissement de 8,5%.
Se plaçant dans la perspective de l'échéance présidentielle à venir, sachant que France urbaine prévoit de demander à l'ensemble des candidats de se prononcer sur les propositions contenues dans son manifeste, le maire de Toulouse a rappelé le besoin impérieux de stabilité institutionnelle et financière des collectivités. Il s'est ému à cet égard des propositions de certains candidats qui souhaitent réduire les dépenses des collectivités et a assuré son association serait "vigilante".
L'enjeu de la sécurité
Dans le contexte actuel marqué par un risque d'attentats élevé, la sécurité fait elle aussi partie des enjeux prioritaires. Est ainsi reposée la question de l'articulation de l'action des polices nationale et municipale et, plus globalement, de la collaboration entre préfet et élus, que le président de France urbaine a souhaité "équilibrée, intelligente et de bon sens", notamment dans l'élaboration de dispositifs de sécurité pour les grands événements, pour lesquels une meilleure planification est attendue. S'il a salué la convention signée avec le ministère de l'Intérieur concernant la prévention de la radicalisation (voir ci-contre notre article du 7 juillet), Jean-Luc Moudenc a déploré le faible montant total du fonds de soutien à la sécurisation des écoles (50 millions d'euros).
"Nouvelle alliance des territoires"
Comment faire en sorte que la dynamique urbaine associe les territoires périurbains et ruraux, les zones denses et peu denses ? Comment travailler avec les autres niveaux de collectivités territoriales pour que la croissance urbaine profite à tous ? La "nouvelle alliance des territoires", résultant de la réforme territoriale, a été au cœur des autres interventions de la matinée.
Johanna Rolland, maire de Nantes, estime qu'on entre dans une nouvelle étape, celle des projets partagés. A la fois avec les autres métropoles, dans le cadre d'une mise en réseau, mais aussi avec le maillage des villes moyennes, les départements et la région. Ces projets doivent permettre aux métropoles et aux territoires ruraux qui les entourent de faire face aux transitions - environnementale et numérique – dans une triple logique. Une logique de réciprocité et de complémentarité - elle a ainsi mentionné la mise en place de place projets alimentaires locaux -, une logique de complémentarité - par exemple en matière d'offre de santé avec la constitution d'un parcours de soin - et, surtout, une logique de cohésion territoriale.
Patrick Ollier, président de la Métropole du Grand Paris (MGP) a pour sa part déploré "l'abandon" par les gouvernements successifs, de "l'aménagement du territoire". Afin de bâtir cette "alliance des territoires" au sein de la Métropole, il souhaite contractualiser avec les communes qui la constituent dans une optique de subsidiarité et de complémentarité, et engager un dialogue avec les EPCI et les départements environnants (voir notre article du 16 avril ci-contre). Il a appelé aussi au renforcement du périmètre et du budget de la MGP.
"Faire cité"
La Caisse des Dépôts, partenaire des collectivités, veille également à un meilleur équilibre entre les territoires, a souligné Marc Abadie, directeur du réseau et des territoires. Il a appelé à sortir d'une logique verticale d'organisation des territoires et a souligné que les territoires urbains et ruraux devaient s'engager dans des projets communs, créateurs de solidarités, prenant pour exemple la gestion de l'eau, ou le développement de circuits courts en matière d'alimentation. Marc Abadie a par ailleurs confirmé que la Caisse aura signé des conventions avec toutes les métropoles d'ici la fin de l'année.
Cette "nouvelle alliance" va de pair avec la mise en place d'une "nouvelle démocratie citoyenne", s'appuyant entre autres sur l'outil numérique et la participation de la population. Un mouvement que le maire se doit d'accompagner, en se montrant exemplaire, pour Jean Rottner, maire de Mulhouse : "Faire cité, c'est arriver à créer avec les citoyens une dynamique de construction et d'écoute", résume-t-il.