Coopération interterritoriale - Les pôles métropolitains, facilitateurs discrets de la recomposition territoriale
Cinq ans après leur création par la loi "RCT" du 16 décembre 2010 "afin de promouvoir un modèle d'aménagement, de développement durable et de solidarité territoriale", et dans un contexte où la mise en oeuvre de la réforme territoriale bouleverse le bloc communal, les pôles métropolitains ont tenu leur 6e journée nationale, mardi 28 juin 2016. Accueillis par la Caisse des Dépôts à l'Hôtel de Pomereu, les quelque 80 participants ont échangé sur le thème des solidarités territoriales.
"Fédérer les initiatives locales"
Olivier Landel, intervenant pour le réseau des pôles métropolitains, a rappelé l'historique de la création des pôles, soulignant que la loi leur avait donné la capacité de "fédérer les initiatives locales pour organiser l'interterritorialité", avant de présenter la carte des pôles métropolitains. Cette dernière (disponible ci-contre) fait apparaître 17 pôles créés et une quinzaine envisagés ou en cours en création, attestant de l'intérêt des EPCI pour ce type de regroupement.
La première table ronde était consacrée à la contribution des pôles métropolitains à une solidarité "en actes" sur leur territoire. De fait, la loi Maptam leur a offert la possibilité, en plus du traditionnel transfert de compétences, de se voir déléguer des actions ciblées - dans le temps et l'espace - dès lors qu'elles concourent à l'intérêt métropolitain.
Brigitte Fouilland, directrice exécutive de l'Ecole urbaine de Sciences-Po a présenté le cadre de cette action. L'occasion pour elle d'insister sur la singularité de chacun des pôles, qui constituent "17 prototypes", appelés à connaître des évolutions de périmètre du fait de la fusion des EPCI et de la création des communes nouvelles, et de ce fait engagés dans des "démarches d'innovation".
"Rendre plus cohérent le maillage du territoire"
Une singularité qui, pour incontestable qu'elle soit, s'efface devant l'unicité de la "République des territoires" a tenu à rappeler fermement André Rossinot, président du Grand Nancy, en exorde de sa présentation du pôle métropolitain européen du Sillon Lorrain. Suivi par plusieurs contributeurs, il a souligné que le pôle métropolitain ne "constituait pas un espace de pouvoir", mais plutôt de recherche de consensus, dont le rôle serait d'aider les espaces qui le composent à faire face aux transitions territoriale, numérique et énergétique.
Si les finalités sont diverses, porteur d'un projet de labellisation "French Tech", pour le pôle Strasbourg-Mulhouse-Colmar, ou plutôt opérateur, comme le pays de Brest, les pôles métropolitains semblent partager un certain nombre de traits communs : pas d'ingénierie propre, une administration relativement légère, un budget modeste. Et s'inscrire dans une logique d'expérimentation, de "laboratoire", afin de "rendre plus cohérent le maillage du territoire", ainsi que le résume Yohann Nédélec, vice-président de Brest Métropole.
"Répondre à la problématique des Sraddet"
Dans la mesure où leur action vise à "répondre à la problématique des Sraddet" (schémas régionaux d'aménagement et de développement durable du territoire), comme le souligne Robert Herrmann, président de l'Eurométropole de Strasbourg, les pôles métropolitains ont un rôle de "facilitateur" à jouer dans le cadre de l'élaboration par les régions de ce document structurant, ainsi que du schéma régional de développement économique, d'innovation et d'internationalisation (SRDEII), a reconnu volontiers Philippe Richert, président de l'ARF. Pas nécessairement dans le cadre des conférences territoriales de l'action publique (CTAP), dont ils ne sont pas membres de droit et dont les effectifs sont déjà très importants, mais plutôt de petits groupes de travail informels, dans le cas du Grand Est, région qu'il préside. Dans cette région fusionnée, la connaissance du terrain et les habitudes de travail en commun des membres des pôles métropolitains s'avéreront précieuses, a-t-il souligné.
"Catalyseur" de coopérations
Au-delà de leur action sur leurs périmètres, les pôles métropolitains peuvent contribuer à l'émergence de nouvelles formes de coopérations interterritoriales, et jouer un rôle de catalyseur. Très clairement, cette "politique extérieure" des pôles, thème de la deuxième table ronde, est fonction de leur degré de maturité, un pôle récemment fondé, comme celui de l'Artois, se fixant des objectifs plus modestes à cet égard qu'un pôle plus ancien.
Pour le pôle Nantes-Saint-Nazaire, fondé en 2012, son vice-président, Sylvain Lefeuvre, par ailleurs vice-président de la communauté de communes Erdre-et-Gesvres, a ainsi pu détailler trois axes de coopération : l'aide à la structuration des plans locaux d'urbanisme intercommunaux (PLUi), la politique touristique, et "l'eau et les paysages". Sur cette dernière thématique, le pôle métropolitain a été porteur du projet "ÉcoCité Nantes Saint-Nazaire" associant les collectivités Nantes Métropole et CARENE Saint-Nazaire agglomération, qui vise à valoriser "six sites remarquables", et bénéficie d'un financement dans le cadre du programme d'investissements d'avenir (PIA) "Ville de demain" (voir notre article du 9 février 2016).
Complémentarité et solidarité
Le pôle métropolitain Caen Normandie Métropole, présenté par Sonia de la Provôté, vice-présidente de Caen-la-Mer, intègre déjà pour sa part les conseils départementaux du Calvados, de la Manche et de l'Orne, qui devraient être prochainement rejoints par la région Normandie. Il se voit comme une "vigie" permettant de "faire remonter les particularités", notamment des territoires ruraux. A ce titre, Sonia de la Provôté s'est réjouie que le pôle ait pu faire évoluer le projet de schéma des groupements hospitaliers de territoire (GHT), prévus par la loi Santé de 2016 (voir-ci contre notre article du 3 mai 2016), suite à sa consultation par l'ARS Normandie.
Intervenant pour clôturer cette matinée, Estelle Grelier, secrétaire d'État en charge des collectivités locales, a salué la "montée en puissance" des pôles métropolitains, dans le contexte de la mise en oeuvre de la réforme territoriale. Celle-ci implique en effet un changement dans la façon dont les régions doivent dialoguer avec leurs territoires, et la mise en place d'"assemblages interterritoriaux inédits" dont les pôles peuvent être les facilitateurs, dans une optique de complémentarité et de solidarité, notamment entre zones denses et moins denses. Des thématiques au coeur du futur "pacte national" entre l'Etat et les métropoles, actuellement en cours d'élaboration (voir notre article du 25 mars ci-contre).
"Imaginer des solidarités nouvelles"
Marc Abadie, directeur du réseau et des territoires de la Caisse des Dépôts a souligné que la Caisse était "en phase" avec les objectifs poursuivis par les pôles métropolitains, et qu'elle souhaitait nouer des partenariats avec les métropoles, évoquant notamment la convention signée par le groupe avec la communauté urbaine de Nancy (voir ci-contre notre article du 8 février) pour accompagner sa transformation en métropole (voir ci-contre notre article du 25 avril), et celle à venir avec Toulouse.
Le groupe veut également contribuer à la diffusion du dynamisme des métropoles aux espaces qui les entourent, en encourageant entre autres l'agriculture de proximité. Rappelant que les directions régionales du groupe participaient à la réflexion sur les schémas prévus dans le cadre de la loi Notr, Marc Abadie a invité les pôles métropolitains à "imaginer des solidarités nouvelles", en portant une attention toute particulière aux problématiques des villes moyennes.